Le Bac algérien, dont l’image est ternie par le phénomène de la fraude qui a pris de l’ampleur ces dernières années, est de nouveau au cœur d’une polémique autour de sa valeur.
Rarement une décision gouvernementale a mis d’accord tous les syndicats de l’éducation, d’habitude plus enclins à diverger qu’à accorder leurs violons sur les questions d’importance engageant la stabilité et l’avenir de l’école, son image ainsi que la qualité et la crédibilité de l’enseignement prodigué.
La décision annoncée ce dimanche 11 octobre par le ministre de l’Education de fixer la note minimale pour l’admission au baccalauréat à 9/20 a vite fait réagir les organisations professionnelles d’enseignants.
Une décision politique aux relents « populistes »
Pour résumer, les syndicats qui se sont exprimés jusque-là ont dénoncé une décision « politique aux relents populistes », exprimant leur inquiétude quant à la crédibilité du diplôme, le plus important dans le cursus de l’élève, son obtention ou pas ouvrant ou fermant les portes de l’université.
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L’inquiétude des représentants du corps enseignant n’est pas totalement infondée. Le baccalauréat, comme tout examen, est une forme de compétition, mais surtout de sélection directe qui garantit que l’accès aux études supérieures se fasse sur la base de critères universellement adoptés.
Il est à se demander si la décision a été mûrement réfléchie, si tous les paramètres ont été pris en compte et si les spécialistes, les enseignants en premier, ont été consultés.
Certains de ces derniers avaient affirmé s’attendre à un taux de réussite élevé cette année, avant même le geste de générosité du ministère de tutelle. D’abord, parce que, pour cause de l’arrêt de l’enseignement dès le mois de mars, seuls les cours de deux trimestres ont été prodigués et les autorités ont été claires quant à l’élaboration des sujets du bac pour toutes les filières : seuls les cours réellement étudiés en classe sont concernés.
Logiquement donc, les candidats au Bac 2020, contrairement à leurs prédécesseurs, ont eu à réviser les cours de deux trimestre seulement, de surcroît pendant six mois (de mars à septembre).
En temps normal, les élèves disposent dans le meilleur des cas de deux ou trois semaines pour faire leurs révisions, entre la fin du troisième trimestre en mai et les épreuves qui se déroulent généralement début juin.
Rien que pour cela, il était légitime de s’attendre à un taux de réussite élevé, en tout cas plus important que les 54% de l’année passée. Vue sous cet angle, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la crise sanitaire peut être perçue comme un atout pour les candidats.
Avec la décision des autorités de considérer comme admis ceux qui auront une note en-dessous de la moyenne, un taux très élevés n’est pas à exclure. On ne sait pas à combien il se situera, mais des enseignants pronostiquent déjà qu’un nombre record de nouveaux bacheliers n’est pas à exclure.
Le Bac, un baromètre d’efficacité ?
Ce qui soulève une autre inquiétude : y aura-t-il suffisamment de places pédagogiques et d’hébergement dans des campus et cités universitaires déjà saturés ?
Quand bien même il y en aurait, il subsistera la problématique la plus importante, celle de la qualité de l’enseignement qui y sera prodigué du niveau réel de certains étudiants ceux qui y accèderont, et par conséquent de la valeur des diplômes qui seront délivrés.
Déjà fortement dévalué, les diplômes supérieurs aussi, continuer à brader le Bac de la sorte n’est sûrement pas une bonne idée.
Les gouvernements algériens successifs ont eu tort de faire du taux de réussite au bac le baromètre de l’efficacité de leur politique en matière d’éducation. A fortiori, quand on sait que les chiffres pompeux annoncés à chaque fin d’année scolaire sont vite démentis par d’autres moins flatteurs, en premier les places qu’occupent les universités algériennes dans les classements spécialisés et le taux de chômage chez leurs diplômés.