CONTRIBUTION. La jurisprudence européenne est en train de s’étoffer de manière substantielle et cohérente sur les questions relatives aux aspects du droit international liés au conflit du Sahara occidental. L’annexion et l’occupation par la force de ce territoire non autonome par le Maroc sont désormais le marqueur principal de cette évolution logique et inéluctable du référentiel juridique dans l’espace judiciaire européen.
Apres les différents arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qui ont statué, péremptoirement et irrémédiablement, sur le « statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la charte des Nations Unies et du principe d’autodétermination des peuples », le Parlement allemand vient de qualifier le Maroc de « puissance occupante » dont la politique de colonisation a conduit à des « violations substantielles » des conventions humanitaires.
Intitulé « Aspects du droit international liés au conflit du Sahara occidental », le rapport publié récemment par les services juridiques du Bundestag, à la demande de la députée allemande Katja Keul (Les Verts), fait ressortir deux conclusions extrêmement importantes, qui feront certainement date dans les annales juridiques relatives à la question du Sahara occidental, à savoir que : primo, le Maroc doit être considéré comme une « puissance occupante » et que, secundo, ce dernier a commis des « violations substantielles » de la quatrième Convention de Genève de 1949.
Concernant le statut juridique du territoire du Sahara occidental, les services du Bundestag s’appuient sur une série de critères juridiques, notamment l’article 42 de la Convention de La Haye de 1907, pour classifier la nature de la présence marocaine au Sahara occidental.
Le document parlementaire allemand reprend aussi les principales conclusions de l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de 1975 sur l’application de la résolution 1514 des Nations Unies relative au droit à l’autodétermination (Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux).
Par ailleurs, le rapport souligne que dans son avis juridique de 2002, l’ancien Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques des Nations Unies, Hans Corell, avait considéré que l’accord de Madrid de 1975 n’a pas transféré la souveraineté sur le territoire ni « affecté le statut international du Sahara occidental en tant que territoire non autonome ».
Pour cette raison, le rapport conclut que le Maroc ne doit pas être considéré comme « puissance administrante » du Sahara occidental (statut, du reste, récusé par Rabat au nom de sa prétendue « souveraineté » sur le territoire), ni comme une « puissance administrante de facto », car ce terme n’a pas de sens en droit international, comme l’a précisé l’Avocat général de la Cour de Justice de l’UE dans le recours pêche UE-Maroc (C-266/16 2018).
Une référence est faite, également, à une étude du Parlement européen datée de 2015, sur les annexions et les occupations de territoires en relation avec la situation au Sahara occidental. Cette étude affirme que le Maroc a annexé et occupé la partie du territoire du Sahara Occidental sous son contrôle. Le rapport du Bundestag en déduit, en conséquence, que le Sahara occidental se trouve sous occupation et que « le Maroc doit être considéré comme la puissance occupante ».
S’agissant de la deuxième interrogation, portant sur l’application du droit pénal international et du droit international humanitaire au Sahara occidental, le Bundestag conclut que la politique marocaine dans ce territoire – décrite comme étant le transfert de ses propres civils – corrobore une violation de la 4e Convention de Genève et du 1er Protocole additionnel à la Convention de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.
« La politique du gouvernement marocain de colonisation de peuplement, à travers le transfert de citoyens marocains sur le territoire du Sahara occidental», y compris les « mesures qui favorisent et facilitent la migration vers le territoire occupé » comme les incitations financières et les projets d’infrastructure, « corroborent une violation de l’art. 85 (4) a) AP I combiné avec l’art. 49 (6) CG IV et, en même temps, une violation de l’interdiction du transfert de parties de sa propre population dans les territoires occupés, comme le stipule l’article 49 (6) de la quatrième Convention de Genève », conclut le parlement allemand dans son rapport.
*Tarek B est ancien diplomate
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