Il est devenu le principal symbole brandi par les manifestants contre le cinquième mandat. Le « cadre » symbolise un président absent qui n’a pas parlé à son peuple depuis 2012. Il symbolise aussi la fuite en avant du pouvoir qui a cherché par tous les moyens à faire croire que le chef de l’État, malgré sa lourde maladie, continue de diriger le pays comme un « président normal ».
L’absence du président Bouteflika depuis plusieurs années pour cause de maladie a laissé les autorités s’agiter pour tenter de combler le vide laissé. Un président malade, qui n’effectue plus aucune activité officielle et qui a complètement abandonné les activités protocolaires, a poussé le pouvoir à trouver des compromis et des solutions bancales qui ont desservi le président.
Le recours au cadre a commencé il y a plusieurs mois. Discrètement, le portrait du président est présent dans presque toutes les festivités officielles. Mais c’est le 5 juillet 2018 que le « cadre » fait une entrée fracassante dans la vie des Algériens. Il a paradé de manière tout à fait officiel et en direct à la télévision au milieu de la garde républicaine, des officiels algériens et étrangers. Une scène surréaliste qui a été très commentée sur les réseaux sociaux.
Depuis, le « cadre » est partout. Il reçoit des cadeaux, des hommages, un cheval de race… Dans des cas extrêmes, le portrait de Bouteflika se voyait remettre un tableau, comme ce fut le cas lors de l’officialisation par le FLN de la candidature du président sortant à la Coupole. L’événement a été très médiatisé par les médias publics, comme d’ailleurs tous les événements où le « cadre » était présent.
C’est d’ailleurs cet évènement particulier qui a semblé être le catalyseur des manifestations populaires actuelles. Ce jour-là, en regardant les images diffusées depuis la Coupole, le peuple algérien a semble-t-il fini après plus de six ans de déni à prendre la mesure du burlesque et de la face des institutions de leur pays.
Aux yeux des Algériens, le « cadre » comme ils l’appellent représenterait la face apparente de l’iceberg représentant la déliquescence avancée et la corruption intellectuelle affectant ceux qui occupent les postes d’autorité dans le pays. Le peuple a fini par prendre conscience du manque de respect et d’égard qu’avaient ceux qui le gouverne. Le cadre est devenu le signe du ralliement du peuple qui manifeste contre le pouvoir en place, le symbole de leur adversaire absent, mais profondément ancré dans le système.
Pour les autorités, le cadre a représenté quant à lui le symbole de l’échec de sa stratégie de communication. En voulant offrir un substitut à la présence physique du président, les autorités se sont tiré une balle dans le pied en rendant l’absence du président encore plus papable, rendant son silence assourdissant.
L’illustration la plus tangible de l’échec de cette stratégie s’est manifestée ce mardi lorsque l’éditorial du New York Times a ironisé sur le fait que le président Bouteflika soit désormais « connu comme étant ‘’le cadre’’ car il est en général visible en public seulement à travers des portraits encadrés ». Un cadre devenu la risée des médias internationaux.