Dur, dur le retour ! Venus passer quelques jours au Bled, au milieu des leurs, nombre d’émigrés éprouvent, ces jours-ci, les pires difficultés pour regagner leurs lieux de résidence, en France.
Pour cause, ils n’arrivent pas à dénicher des places dans les vols d’Air Algérie, submergée de clients. En effet, avec la fin des vacances et le retour aux classes de ce début septembre, la compagnie aérienne nationale a du mal à faire face à la forte et imprévue demande, à destination de la France.
Il est vrai que, comparé à ceux des étés précédents, le nombre d’émigrés qui sont revenus au bercail est beaucoup plus important. Mais Air Algérie aurait pu faire un effort en affrétant des avions supplémentaires pour soulager ses clients et, du coup, tirer grand profit de cette situation pour augmenter son chiffre d’affaire.
« Air Algérie a affrété des avions mais pas assez pour absorber tout le flux », assure un cadre d’un parti politique, rencontré à l’aéroport, qui assure en connaitre un bout de ce dossier. Conséquence : grand nombre de voyageurs qui cherchent à quitter le territoire national s’y trouvent bloqués.
Virée aujourd’hui à l’Aéroport international d’Alger. L’enceinte aéroportuaire a tout d’une ruche. Ça circule dans tous les sens et on y rencontre de tout : des vieux, des jeunes, des enfants, des étrangers, des noirs, des blancs, des asiatiques…
Et les images de voyageurs conduisant des charriots pleins de valises reviennent sans cesse. L’aéroport est tellement submergé de voyageurs que certains, pour se reposer un peu, s’assoient sur des escaliers. Les quais d’embarquement sont pris d’assaut par un essaim de voyageurs qui font la queue pour composter leur départ.
De la colère dans l’air
D’autres, moins chanceux, prennent d’assaut le bureau de la billetterie d’Air Algérie dans l’espoir d’acquérir le sésame qui leur permettra, enfin, de prendre le vol. Il y a tellement de demandes que les fonctionnaires de la compagnie nationale ont dû fermer la liste d’attente (c’est là une affirmation d’un voyageur, le responsable d’Air Algérie a refusé de faire des déclarations à la presse) !
« Ce n’est pas normal ! Cela fait trois jours que je viens ici pour réserver mais en vain. Heureusement que j’habite à Alger, à Dergana plus précisément. Une vieille dame a dû passer la nuit ici à l’aéroport. Et elle n’est pas la seule. D’autres, attendent depuis plus d’une semaine pour trouver une place », fulmine Mokhtar, un marseillais qui n’a pas foulé le sol du pays depuis…huit ans et qui est à l’étranger depuis 28 ans dont 22 en Espagne.
Et d’ajouter, plein d’amertume : « C’est vrai que j’ai un billet ouvert mais ailleurs, on ne rencontre pas ce genre de difficultés ». Il assure avoir rencontré beaucoup d’émigrés qui ont regretté d’être venu en Algérie y passer leurs vacances et ont décidé de ne plus y remettre les pieds. « J’ai vu ici une jeune fille reprocher à sa mère de l’avoir ramenée ici », raconte-t-il. Et lui, reviendra-t-il en Algérie ? Réponse, sans ambages : « Oui pour mes parents et mes cousins mais pas pour le pays ».
Il faut dire que ceux qui ont réservé à l’avance leur billet de retour, n’ont pas rencontré de problème pour embarquer. Ce sont ceux qui sont détenteurs de billets ouverts ou qui sont venus en Algérie avec un aller simple qui se sont trouvés dans un véritable pétrin. Et, pour leur malheur, les vols affichent complets, sur toutes les compagnies, jusqu’au 8 septembre. Hier samedi, le ministre des Transports et des Travaux publics Abdelghani Zaalane a promis de trouver des places pour tout le monde avant le 5 septembre.
Les retards se payent cash
Un jeune homme est venu se plaindre de n’avoir pas pu embarquer alors qu’il a un billet et l’avion qu’il devait prendre s’est envolé à 9 heures du matin, sans lui bien sur.
Dans le feu de la discussion, il s’est avéré qu’il n’a pas pu arriver à temps alors qu’il devait être à la salle d’embarquement deux heures à l’avance. « Je suis arrivé à 7h30 et on ne m’a pas laissé embarquer au motif que l’avion est complet », lâche-t-il. C’est le cas aussi d’une jeune dame venu avec son mari et son bébé. Elle était dans tous ses états et voulait partir à tout prix. « Mon fils est malade, je dois rentrer aujourd’hui même si je payerai plus », se plaint-elle au préposé à la billetterie d’Air Algérie. « Si vous voulez réservez après le 12 septembre, il n’y a pas de problème sinon je ne peux rien faire pour vous », lui rétorque-t-il. Un homme d’un certain âge, accompagné par sa fille qui ont eux aussi raté leur vol, se sont vu faire un reproche, sur un ton badin, par le même agent qui leur lance : « Ce n’est pas le moment où il fallait arriver en retard ».
Dernier recours, la débrouille
Pour en finir avec leur attente intenable, des voyageurs recourent à la débrouille et rivalisent d’astuces pour dénicher un départ. « Il est vrai qu’aujourd’hui Air Algérie a mis 150 places supplémentaires mais la plupart ont été vendues par connaissance », déplore Mokhtar qui ne s’est pas privé, lui aussi, de faire appel à une connaissance d’Air Algérie pour lui décrocher le fameux sésame.
Son problème est donc réglé ? « Pour le moment non mais on verra », dit-il avant de se justifier : « Je n’ai pas d’autre choix que de recourir à ce procédé ». Et il n’est pas le seul. Des images d’agents d’Air Algérie accompagnant un ou plusieurs voyageurs allant d’un guichet à un autre sont légion. Bien évidemment, ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir une connaissance qui travaille chez Air Algérie. On recourt alors à d’autres astuces.
Un émigré originaire de Tlemcen, venu avec un enfant d’une dizaine d’années, assure avoir fait tout un détour (Tlemcen, Oran puis Alger) pour prendre l’avion sur Toulouse avant de rentrer chez lui à Paris. C’est le cas aussi d’un jeune d’Ait Bouadda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui assure venir faire la navette Alger- Ait Bouadda depuis 04 jours sans réussir à composter son billet pour Paris. « Je suis venu ici avec un aller simple. Heureusement qu’un de mes clients en France a pu me dénicher un billet mais je dois regagner demain Tunis pour m’envoler après-demain vers la France », assure-t-il. Déçu par la petite mésaventure ? Certainement. Mais il ne compte pas pour autant couper les amarres avec la terre de ses ancêtres qu’il dit visiter chaque année.