CONTRIBUTION. Dans moins de dix jours – les 17 et 18 juin prochains, au siège social de l’ONU à New York – chaque pays membre de l’Assemblée générale de l’Organisation sera appelé à voter pour quelques pays ayant soumis leur candidature afin d’obtenir un siège non-permanent au Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité de l’ONU – dont le mandat concerne principalement la paix et la sécurité internationale – est constitué de 15 pays membres : 5 pays permanents (la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie) et 10 pays non-permanents, choisis pour deux ans par tous les pays membres de l’ONU et par région géographique. Le Canada a posé sa candidature pour l’un de ces sièges du « groupe des États d’Europe occidentale et autres » (GEOA) pour la période 2021-2022.
Le Canada a peaufiné sa campagne d’adhésion au Conseil de sécurité au cours des dernières années et a identifié cinq priorités complémentaires. Le nouvel impératif d’un monde plus fort, plus uni, et plus résilient post-pandémie COVID-19 a montré à quel point ces priorités sont redoublées et pertinentes.
Examinons l’importance de chacune, incluant dans le contexte des relations algéro-canadiennes :
Promouvoir la sécurité économique, ensemble
Concernant l’importance de promouvoir la sécurité économique, ensemble, le Canada veut explicitement lier les travaux du Conseil de sécurité au Programme à l’horizon 2030. Pour ce faire, le Canada propose d’intégrer activement et de façon novatrice les Objectifs de développement durable (ODD) aux travaux du Conseil ; encouragera une collaboration plus étroite entre le Conseil de sécurité,
l’Union africaine et d’autres organisations régionales ; et continuera de mettre davantage l’accent sur la prévention des conflits et la consolidation de la paix.
Le Canada travaille sur la sécurité économique avec des partenaires divers en Algérie, et il n’y a pas de meilleur exemple que celui du CRDI du Canada (Centre de recherches pour le développement international – un partenaire de coopération avec des partenaires en Algérie de longue date) et leur projet 2019-2023 de recherche sur la sécurité alimentaire. De pair avec le Collège d’Enseignement Général et Professionnel de Maisonneuve à Montréal, et l’Université Saad Dahlab de Blida-1, le but ultime de ce projet est de diffuser des modèles d’affaires qui favoriseront la production et l’adoption de bio-innovation (mycorhization) à grande échelle en Algérie via l’amélioration de la productivité et l’augmentation des revenus des petits agriculteurs.
Rien n’a illustré plus concrètement l’importance primordiale de la sécurité économique que la nécessité d’une approche globale d’un monde post-pandémique. Des mesures en ce sens ont été prises le 28 mai dernier, lorsque le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness ont co-présidé un « Sommet des Nations Unies sur le financement du développement à l’époque de COVID-19 et au-delà ». Le PM Trudeau a annoncé la création de groupes de travail de sujets aussi importants que la liquidité mondiale pour les pays en développement, la prévention de la crise de la dette et l’alignement des systèmes financiers mondiaux sur les objectifs de développement durable (ODD). Suite à ces déclarations, il est notable que le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad a intervenu dans le même contexte en parlant de la mise en œuvre des ODD durant la pandémie de COVID-19, et des décisions tangibles relatives à l’assistance aux pays en développement.
Soutenir la paix, ensemble
Concernant la priorité de soutenir la paix, ensemble les ODD aux travaux du Conseil de sécurité sont primordiaux et encore une fois le Canada aimerait aller plus loin en encourageant une collaboration plus étroite entre le Conseil, l’Union africaine et d’autres organisations régionales.
Plus de 125 000 Canadiens ont servi à l’étranger pour appuyer les missions de maintien de la paix de l’ONU. Notre contribution et notre engagement en faveur du maintien et de la consolidation de la paix se manifestent aussi dans les rôles de leadership que nous avons joués à l’ONU – sans oublier le fait que le PM du Canada Lester Pearson est parmi les pères du « maintien de la paix » à l’ONU, reflété par son
travail pendant la crise de Suez et en 1957 quand il a reçu le prix Nobel.
Et cette lutte continue, avec l’élection de l’ambassadeur canadien aux Nations Unies à New York, M. Marc-André Blanchard, comme président de la Commission de consolidation de la paix (CCP) en janvier dernier. Les priorités identifiées par M. Blanchard pendant sa présidence sont toutes liées a une reconnaissance de l’importance entre la paix et la sécurité économique et sociale ; parmi eux : soutenir
les pays intéressés qui risquent de tomber ou de retomber dans un conflit, et renforcer les liens entre les institutions financières mondiales et les banques régionales de développement pour que les risques macroéconomiques, les priorités fiscales et économiques et les besoins des populations affectées par les conflits soient effectivement intégrés dans le processus de prise de décisions à l’ONU.
Et le Canada et l’Algérie ? Concernant la paix au sein de l’ONU, à Genève au début de cette année 2020, le Canada a soutenu – et soutient encore – les efforts de l’Algérie (qui présidait l’ouverture de la session 2020 de la Conférence du Désarmement (ONU)) afin de redynamiser ce forum unique de négociations dans le domaine du désarmement mondial – un travail sans merci, mais qui reste très important !
Dans la région de l’Afrique de l’Ouest, au sein du « GCTF » (Forum mondial de lutte contre le terrorisme), le Canada et l’Algérie ont co-présidé le Groupe de Travail au Sahel (et subséquemment le Groupe de Travail de l’Afrique de l’Ouest) pendant huit ans. Et le Canada continue son soutien à la formation au sein de la MINUSMA, la mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, après un
déploiement de plus d’un an de centaines de membres des Forces armées canadiennes. Toujours au Mali, le Canada et l’Algérie travaillent ensemble pour faire avancer l’Accord d’Alger. Le Canada reconnait le rôle-clé de l’Algérie comme président du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), et a facilité des aspects importants de la mise en œuvre de cet Accord via le financement de 9,8 millions $ au Fonds
d’affectation spéciale de la MINUSMA, parmi d’autres contributions.
Lutter ensemble contre les changements climatiques
Quand on parle de la lutte contre les changements climatiques, ensemble on parle aussi d’autres sujets en raison des implications et conséquences qui en découlent – la migration des peuples ou encore la désertification, pour ne mentionner que deux exemples pertinents au contexte algérien. Comme le PM Trudeau disait lors de la cérémonie de signature de l’Accord de Paris : « Les pays en développement
ne devraient pas être pénalisés pour un problème qu’ils n’ont pas créé et ne devraient pas être privés des occasions de croissance propre dont les autres pays cherchent maintenant à profiter ». Et encore, pendant son intervention au Sommet de l’ONU sur le financement du développement à l’époque de la COVID-19 en mai, le PM Djerad a mentionné les mêmes sujets, c’est-à-dire la désertification et la sécheresse, que nos deux pays reconnaissent comme défis quand nous avons signé l’accord de Paris sur le climat il y a cinq ans.
Et lorsqu’il s’agit de la coopération entre le Canada et l’Algérie au sujet des changements climatiques, je pense encore à notre coopération avec le CRDI et la société civile algérienne. Je cite brièvement deux projets modestes, mais importants : le premier, « Les pêcheurs responsables au service des fonds marins », avec le Commissariat National du Littoral, Antenne de Tipaza (sous l’égide du ministère de
l’Environnement) était dans le domaine de la préservation de la biodiversité marine éprouvée, et environ 16 tonnes de déchets marins ont été récupérées, parmi d’autres résultats. Le deuxième, un projet dans les écoles primaires avec « Bariq21 » à Skikda, où un bassin d’experts formateurs sur l’écocitoyenneté et les changements climatiques a été formé pour mieux promouvoir l’importance des
énergies renouvelables, de la valorisation des déchets, du tri sélectif et du cycle de l’eau.
Faire progresser l’égalité des genres, ensemble
Oui, il reste des choses à faire pour faire progresser l’égalité des genres, ensemble – au Canada, en Algérie, et partout dans le monde. Mais il y a des exemples du progrès et des réalisations sur lesquelles s’appuyer : par exemple, notre coopération avec, comme le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) en Algérie pour mieux sensibiliser les gens contre la violence faite aux femmes et aux filles.
Malheureusement, c’est un sujet plus important que jamais dans nos deux pays – et ailleurs – pendant cette période de confinement engendrée par la COVID-19.
Et la conférence internationale « Women Deliver » à Vancouver il y a un an exactement, à laquelle des jeunes leaders algériennes ont assisté avec 8 000 autres participantes pour partager leurs expériences, tisser des liens et retourner en Algérie renouvelées et inspirées pour mieux aider les femmes et les filles dans leur pays natal. Plus récemment, le Canada et l’Algérie ont soutenu la participation algérienne à « FemParl MENA 2020 » à Tunis en février, afin de réunir 13 femmes leaders parlementaires et activistes de neuf pays et gouvernements de la région (incluant les pays maghrébins de l’Algérie, la Libye, le Maroc, et la Tunisie) pour discuter l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.
Renforcer le multilatéralisme, ensemble
Le Canada a toujours soutenu le renforcement du multilatéralisme, ensemble comme meilleure approche pour adresser des problèmes internationaux partagés, et nous avons toujours été axés sur la recherche de consensus et la promotion de la paix, encourageant ainsi une meilleure communication et des interactions plus fréquentes aux Nations Unies entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité.
Ce souci de dialogue continu a permis aussi à notre objectif d’améliorer la cohésion entre les membres élus au Conseil, et de faire suivre des rapports régulièrement aux groupes régionaux. Le Canada a d’ailleurs déjà agi en ce sens, incluant des réunions et des appels de la part du PM Trudeau et du ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne avec ses homologues et représentants des pays membres de la Ligue arabe et aussi de l’Union africaine, qui démontre notre engagement sérieux et soutenu avec nos collègues dans la région « MENA » et ailleurs.
Mais pour retourner à la crise de la pandémie que tout le monde vit en ce moment : y a-t-il un sujet qui révèle plus que jamais l’importance du multilatéralisme ?
J’ai eu l’occasion de discuter de la réponse canadienne a la pandémie COVID-19 avec beaucoup d’Algériens et Algériennes ; malgré des contextes différents, le Canada et l’Algérie partagent des perspectives similaires relativement à l’importance fondamentale de la santé publique et la nécessite d’une réponse coordonnée et multilatérale. Dans cette veine, le Canada a répondu promptement et vient d’annoncer des contributions de plus de 1 million $ pour l’Algérie, notamment via l’UNICEF, le HCR et d’autres partenaires, afin de répondre aux besoins médicaux et autres les plus urgents. Ces contributions bilatérales s’inscrivent dans le cadre de l’enveloppe de 159,5 millions $ annoncée par la ministre canadienne du Développement, Mme Karina Gould, et par le ministre Champagne au mois d’avril, visant une réponse multilatérale à la pandémie via l’OMS, le PAM, l’UNRWA, l’OIM, la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et d’autres organisations internationales. Ce financement sera aussi dirigé vers des innovations notamment concernant un vaccin contre la COVID-19 et servira aussi à soutenir les organisations régionales engagées dans la lutte contre le virus, incluant le Centre africain pour le contrôle et de la prévention des maladies (CACM) de l’Union africaine. Bref : le contexte de la pandémie COVID-19 a évidemment mis en exergue la logique et l’actualité des cinq priorités du Canada dans le cadre de notre campagne au Conseil de sécurité.
Notre soutien de longue date aux idéaux des Nations Unies dans le premier chapitre de la Charte des Nations Unies en particulier – sans parler de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations Unies à laquelle nous adhérons et que nous défendons – sous-tend également les engagements du Canada à cet égard.
Le vote pour un siège non-permanent au Conseil de sécurité le 17 juin sera serré, et le vote de chaque membre de l’ONU est important. Mais avec le soutien de l’Algérie et d’autres pays, le Canada continuera de parler haut et fort sur la scène internationale, et nous nous engageons à respecter le principe selon lequel nous sommes tous plus forts lorsque nous travaillons ensemble. Alors, ensemble, allons-y !
*Ambassadeur du Canada en Algérie
Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.