Le chef du Pentagone, Mark Esper, est attendu, ce jeudi 1er octobre, à Alger dans le cadre d’une tournée au Maghreb qu’il a entamé ce mercredi de Tunisie.
Pour l’Algérie, il s’agit de la première visite d’un ministre de la Défense américain depuis février 2006. Le dernier chef du Pentagone à avoir visité l’Algérie a été Donald Rumsfeld, sous l’administration du président George W. Bush.
Quatorze ans et deux présidents des États-Unis plus tard, c’est au tour de Mark Esper d’effectuer une visite dans le pays où il va rencontrer notamment le président Abdelmadjid Tebboune, qui occupe également le poste de ministre de la Défense nationale.
Le Pentagone considère l’Algérie comme « un partenaire stratégique et compétent, avec lequel les États-Unis entretiennent des relations de coopération solides en matière de diplomatie, de maintien de l’ordre, d’économie et de sécurité ».
Le déplacement de M. Esper s’inscrit dans le cadre d’une tournée régionale dans le Maghreb. Il s’agit en effet de la première fois que l’actuel secrétaire de la Défense américain visite le continent africain.
Esper a débuté donc sa tournée maghrébine à Tunis où il a été reçu par le président de la Tunisie, Kaïs Saïed. Un accord de coopération militaire entre les deux pays d’une durée de dix ans a été signé au cours de cette visite.
Accord militaire Tunisie – États-Unis
« Nous nous réjouissons d’approfondir cette relation afin d’aider la Tunisie à protéger ses ports et ses frontières et à faire reculer le terrorisme », a déclaré M. Esper, en annonçant la couleur que les États-Unis entendent bien faire face à ses deux concurrents en Afrique, qui sont la Chine et la Russie, qui entretiennent de bonnes relations avec l’Algérie notamment. La Russie est le principal fournisseur d’armes de l’Algérie et l’Empire du milieu son premier fournisseur en divers produits.
« Une armée apolitique »
En plus de la lutte contre les « extrémistes violents qui représentent une menace », M. Esper a expliqué que cet accord vise aussi faire face « à nos concurrents stratégiques la Chine et la Russie » au comportement « prédateur, mauvais et coercitif », selon le compte rendu de l’AFP.
Esper a rencontré aussi son homologue tunisien Ibrahim Bartagi, et souligné « l’importance du contrôle du pouvoir civil sur l’armée et l’importance d’une armée apolitique ». Il a fait cette déclaration après avoir offert à Bartagi une réplique du pistolet de George Washington, premier président des États-Unis.
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Les inquiétudes américaines sur l’influence accrue de ces deux puissances rivales ne datent pas d’aujourd’hui. Lors de sa prise de fonctions au poste de chef de l’US Africom à l’été 2019, le général Stephen Townsend avait désigné la Russie et la Chine comme étant les principales menaces à la primauté américaine en Afrique, affirmant s’attendre à ce que Pékin éclipse Moscou.
« Je pense qu’ils recherchent l’accès et l’influence à nos dépens », avait déclaré le nouveau commandant de l’US Africom à propos de la Chine lors d’une audition devant le congrès américain, cité par The Intercept. « La Chine a doté le Nigéria de systèmes aériens sans pilote armés … mais la piètre qualité des plates-formes a contribué à une utilisation peu fréquente », avait indiqué le général Townsend, qui a effectué une visite en Algérie la semaine dernière.
« Les coûts bas et les délais de livraison courts incitent les partenaires africains à acheter du matériel chinois, mais les achats ne répondent souvent pas aux besoins militaires sous-jacents », avait estimé en outre le commandant de l’US Africom.
« Il est important de se rappeler qu’en dehors de la vente d’armes pour leur propre bénéfice économique, la Chine et la Russie ne font pas grand-chose pour aider à contrer les groupes extrémistes qui volent aux Africains leur avenir », a déclaré dans la même veine en janvier dernier le général Gregory Hadfield, directeur adjoint chargé du renseignement de l’US Africom, cité par Military Times.
« Je pense que la partie la plus importante de notre approche est que nous cherchons à forger des relations », a affirmé quant à lui également en janvier le général William Gayler, directeur des opérations au sein de l’US Africom. « Il ne s’agit pas d’avoir accès à une ressource ou à un minerai, ou à la vente de matériel américain. Je pense que les relations que nous construisons auront un impact durable », a-t-il estimé.
Outre la volonté des États-Unis de contrecarrer l’influence de la Chine et de la Russie dans la région, la tournée du secrétaire de la Défense américain vise aussi à renforcer les relations avec les pays de la région pour mieux lutter contre le terrorisme, dans un contexte régional difficile.
Situation régionale tendue
La visite du ministre de la Défense américain prend place dans un contexte particulièrement sensible dans la région, notamment dans le voisinage de l’Algérie.
Avec sa visite, Mark Esper vise notamment à « approfondir la coopération avec l’Algérie sur des questions clés de sécurité régionale, comme la menace posée par les groupes extrémistes », fait savoir un haut responsable américain cité par l’agence AFP.
Au sud-est de l’Algérie, la situation en Libye demeure toujours chaotique, compliquée par l’ingérence de plusieurs puissances étrangères en soutien à chacune des deux parties en conflit.
Des violations de l’embargo sur les armes imposé sur le pays depuis 2011 sont également enregistrées constamment, menant notamment l’Union européenne à sanctionner trois sociétés basées en Turquie, en Jordanie et au Kazakhstan.
C’est d’ailleurs dans le cadre des efforts de l’Algérie de trouver une solution pacifique au conflit minant la Libye que le ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum s’est rendu en Tunisie ce lundi pour rencontrer son homologue tunisien, le Premier ministre mais également le président Saïed.
À l’est de l’Algérie, la Tunisie continue à être affectée par le fléau du terrorisme. Pas plus tard que ce dimanche, un membre de la Garde nationale tunisienne a été tué et un autre grièvement blessé lors d’une attaque au couteau à Sousse revendiquée le lendemain par l’État islamique. Le Premier ministre tunisien Hichem Mechichi s’est dans ce cadre engagé à « éradiquer les terroristes dans les plus brefs délais », appelant « les Tunisiens à ne pas avoir peur ».
Au sud de l’Algérie, la situation sécuritaire au Niger et l’instabilité politique au Mali continuent d’offrir un terreau aux groupes terroristes. Au Niger, l’État islamique a là aussi revendiqué le 17 septembre dernier l’assassinat des six humanitaires français et de leurs deux guides dans le pays perpétré au début du mois d’aout.
Enfin, la visite de Esper intervient également quelques jours seulement après la visite dans la région du chef du commandement des États-Unis pour l’Afrique (US Africom), le général Stephen Townsend.
Ce dernier s’est rendu en Algérie le 23 septembre dernier et a été lui-même reçu par le président Tebboune. « L’Algérie est un partenaire engagé dans la lutte contre le terrorisme. Affaiblir les organisations extrémistes violentes, les activités malveillantes et renforcer la stabilité régionale est une nécessité mutuelle », avait affirmé le commandant de l’US Africom lors de sa visite en Algérie.