Atteinte du cancer du sein triple négatif, Neikhla Larbi, journaliste de son état, fait partie de ces nombreuses femmes algériennes qui mènent sans relâche un courageux combat pour leur droit à des soins adéquats et une prise en charge à la hauteur de leurs attentes.
Sans langue de bois, ni rancœur, elle n’hésite pas à pointer du doigt les carences, les insuffisances et les faillites d’un système de prise en charge plombé par le manque de moyens, l’indisponibilité des médicaments, les passe-droits et la pression qui pèsent sur les médecins. Ses témoignages qu’elle publie régulièrement sur les réseaux sociaux révèlent le calvaire que subissent nombre de patientes atteintes du cancer du sein en Algérie.
« Il ne manque plus qu’une publicité sur le cancer ! Cette maladie pourrie est carrément en vogue sur les chaînes de la radio algérienne, à la télé, dans les séminaires … Partout, on parle que de cancer. Et on a l’impression que tous les problèmes y afférents sont réglés : médicaments, prise en charge multidisciplinaire des malades, équipements de pointe disponibles, hôpitaux », fulmine sur Facebook celle qui est atteinte d’un cancer du sein triple négatif, stade 4 et ne répondant pas à l’immunothérapie. Son témoignage fait froid dans le dos.
Ayant « difficilement » obtenu une prise en charge à l’étranger en Turquie, dont les prestations « sont chères sans pour autant que les promesses de guérison soient garanties », dit-elle, cette journaliste battante, victime sur place d’un « faux diagnostic » est « invitée » au bout de quelques semaines à regagner le pays alors qu’elle n’avait même pas fait ses « examens » après trois séances de chimio pour évaluer l’état d’évolution de sa maladie.
Selon elle, cette pratique de proposer aux malades de « rentrer chez eux » au bout de deux mois de séjour est courante dans cet hôpital turc. Non seulement, le médecin, auteur du « faux diagnostic » voulait la priver de la « thérapie ciblée américaine » pour lui imposer une « chimio » qui n’est pas appropriée pour son cas, mais il a pris sa décision de la renvoyer en Algérie « unilatéralement », sans se référer au colloque médical, ce qui constitue une « faute professionnelle grave ».
Or, une telle décision ne peut se faire sans l’aval de la CNAS. Elle affirme que dans cet hôpital turc, « il y a en effet de bons médecins qui y exercent mais il y a aussi de mauvais qui font des erreurs de diagnostic comme ce fût le cas pour moi. Et je ne suis pas un cas isolé (…)Comment expliquer que l’hôpital qui reçoit des malades ayant bénéficié d’une prise en charge de la CNAS soient invités, je dis bien “invités” à repartir chez eux un mois et demi après leur arrivée, donc à peine leurs soins entamés ?? », s’offusque-t-elle.
Revenue au pays, la journaliste, au courage admirable, a réintégré le CPMC d’Alger pour poursuivre les soins auprès de ses oncologues algériens « irréprochables ».
Elle a également présenté un rapport détaillé sur ses péripéties en Turquie et un rapport médical. Mais la patiente ne semble pas être au bout de ses peines : il ne lui reste que quelques semaines pour épuiser ses doses de Trodelvy, achetées au prix fort par l’Algérie que l’hôpital turc a mis du temps pour lui donner.
Cancer du sein en Algérie : le courageux combat d’une femme
« J’en ai pour moins d’un mois et je dois donc repartir en urgence sans quoi mon cancer va se généraliser », prévient-elle, non sans s’interroger sur le maintien d’une convention avec un établissement turc qui aurait ouvert un bureau à Alger.
« S’il n’y a aucune obligation de résultat, pourquoi l’Algérie a-t-elle signé une convention avec cet hôpital ?? », interroge-t-elle.
Au CPMC d’Alger où elle salue le sacrifice et l’expertise du corps paramédical « toujours aux petits soins avec les malades », Neikhla Larbi souligne que «ceux qui travaillent, avec nous, les cancéreux sont saturés, dépassés et impuissants ! ».
« Il faut faire des visites inopinées ou carrément être directement concerné par le cancer (parce que nul n’est à l’abri et beaucoup pensent qu’ils sont intouchables) pour toucher du doigt la réalité », clame-t-elle.
Mais au-delà de ce constat ahurissant, cette mère de trois adolescents orphelins de père, s’interroge sur le suivi de la mise en œuvre des instructions présidentielles concernant la prise en charge de cette pathologie.
« Qui est chargé de contrôler sur le terrain si les instructions du Président de la République sont suivies d’effet ? », se demande-t-elle.
« Le Président de la République sait-il combien on est à se rendre régulièrement à l’hôpital pour recevoir notre traitement et à s’entendre dire que notre médicament ( de la chimio orale ou d’autres médicaments qui nous sont vitaux) sont en rupture de stock ? », s’interroge-t-elle encore.
Pour elle, il faut se rendre à la triste évidence de la réalité : beaucoup de patientes atteintes du cancer perdent la vie parce que prises dans les mailles d’une prise en charge labyrinthique où les moyens font défaut.
« Entre la théorie et la pratique, il y a des centaines d’entre nous qui meurent chaque jour parce que rien n’est fait pour nous guérir et que la dose de stress que nous recevons au quotidien accélère notre mise en terre », regrette-t-elle.