Le Département d’État américain a publié ce mercredi 11 mars son rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme dans le monde, dont l’Algérie, couvrant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2019. Le rapport de la diplomatie américaine met en avant de nombreuses failles dans les questions relatives aux droits de l’Homme en Algérie.
« Depuis le 22 février, les citoyens ont organisé des manifestations hebdomadaires à l’échelle nationale, exigeant un changement politique. L’ampleur et la répartition géographique des manifestations ont été les plus importantes depuis la fin de la guerre civile en 2002 », indique le Département d’État dans son rapport.
« En dépit d’affrontements sporadiques avec des manifestants et de l’utilisation occasionnelle de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, les forces gouvernementales ont fait preuve de retenue et un seul décès a été signalé », affirme le rapport.
Pour le Département d’État américain, les problèmes les plus significatifs concernent « des informations faisant état d’un homicide illégal ou arbitraire ; détention arbitraire ; prisonniers politiques ; manque d’indépendance et d’impartialité judiciaires ; ingérence illégale dans la vie privée ; les lois interdisant certaines formes d’expression, ainsi que les lois pénales en matière de diffamation », indique le rapport.
Le rapport américain cite également « les limites de la liberté de la presse ; blocage de sites ; restrictions à la liberté de réunion et d’association, y compris des groupes religieux ; refoulement des réfugiés vers un pays où ils seraient menacés de mort ou de liberté ; la corruption ; traite des personnes ; la criminalisation de la conduite sexuelle consensuelle entre personnes de même sexe et les forces de sécurité contre les abus sexuels à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) », ajoute le rapport.
« Recours excessif à la détention provisoire »
« Le 12 avril, la police aurait battu Ramzi Yettou alors qu’il rentrait chez lui après une manifestation antigouvernementale à Alger. Yettou est décédé le 19 avril et la cause de son décès a été signalée comme ‘’indéterminée’’, ce qui a incité les autorités à ordonner une enquête sur les circonstances de sa mort, selon Amnesty International », relate le rapport du Département d’État, précisant que « l’enquête était en cours à la fin de l’année » 2019.
« Des militants des droits de l’homme ont déclaré que la police avait occasionnellement utilisé une force excessive contre des suspects, y compris des manifestants », souligne en outre le Département d’État dans son rapport, précisant que le Ministère de la justice « n’a pas fourni de chiffres sur les poursuites engagées contre les responsables sécuritaires pour abus au cours de l’année ».
« Les organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales ont affirmé que l’impunité des policiers était un problème », indique toujours dans ce cadre le Département d’État.
Le rapport du Département d’État évoque également l’abus de la détention provisoire par les autorités algériennes. « Le recours excessif à la détention provisoire demeure un problème. Les forces de sécurité ont régulièrement détenu des personnes qui avaient participé à des manifestations non autorisées. Des individus arrêtés ont indiqué que les autorités les avaient détenus pendant quatre à huit heures avant de les libérer sans inculpation », déplore la diplomatie américaine.
« La détention provisoire prolongée reste un problème », déplore également le rapport. « Les juges refusent rarement les demandes de prolongation de la détention provisoire », indique dans ce cadre le Département d’État, précisant que « selon certaines informations, les autorités auraient détenu certains détenus sans accès à leurs avocats et les auraient maltraités physiquement et mentalement ».
« Bien que la loi interdise les arrestations et les détentions arbitraires, les autorités ont parfois utilisé des dispositions vaguement libellées, telles que ‘’incitation à un rassemblement non armé’’ et ‘’insultes à un organisme gouvernemental’’, pour arrêter et détenir des individus considérés comme perturbant l’ordre public ou critiquant le gouvernement », souligne le Département.
« Alors que la constitution prévoit la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, les larges pouvoirs statutaires du pouvoir exécutif limitent l’indépendance judiciaire », affirme le rapport, qui soutient que « le pouvoir judiciaire n’est pas impartial et est perçu par certains observateurs comme soumis à l’influence et à la corruption ».
Atteinte à la liberté de la presse
Le Département d’État consacre une partie de son rapport aux atteintes aux libertés d’expression et de la presse. « Alors que le débat public et les critiques du gouvernement étaient répandus, les journalistes et les activistes ont estimé qu’ils étaient limités dans leur capacité à critiquer publiquement le gouvernement sur des sujets franchissant des ‘’lignes rouges’’ non écrites », indique le rapport.
« Les autorités ont arrêté et détenu des citoyens pour avoir exprimé des opinions jugées préjudiciables aux fonctionnaires et aux institutions de l’État, y compris l’utilisation du drapeau berbère pendant les manifestations, et les citoyens ont fait preuve de retenue pour exprimer des critiques publiques », souligne le rapport américain.
« Certains grands médias ont subi des représailles directes et indirectes pour avoir critiqué le gouvernement. Les organes de presse rapportent avoir pris des précautions supplémentaires avant de publier des articles critiquant le gouvernement ou les responsables gouvernementaux par crainte de perdre des revenus de l’ANEP », indique le rapport.
« Le 12 juin, les autorités ont bloqué l’accès à l’adresse IP de Tout sur l’Algérie (TSA), un site d’information, qui avait également été bloqué en 2017. Les autorités ont également bloqué les sites d’information Algérie Part et Inter-Lignes les 15 juin et 31 juillet, respectivement », relate le département d’État.
« Bien que la constitution garantisse la liberté de réunion et d’association pacifiques, le gouvernement a sévèrement restreint l’exercice de ces droits », affirme en outre le Département d’État américain dans son rapport. « La constitution prévoit le droit de réunion pacifique, mais le gouvernement a continué de restreindre ce droit », fait savoir le rapport.