Jamais sans doute dans son histoire, il n’aura vécu une crise d’une telle ampleur, y compris durant la période de clandestinité : le FFS, plus vieux parti d’opposition vit depuis quelques semaines une situation dont nul ne peut prédire l’issue.
Orphelin de la disparition de son chef charismatique, Hocine Ait Ahmed, le FFS est miné par des crises internes sur fond de luttes en sourdine pour le contrôle de l’appareil.
Censé remettre de l’ordre dans la maison, le congrès extraordinaire du parti tenu au printemps de l’an dernier n’a fait qu’exacerber la crise, laquelle sera accentuée par la mise à l’écart de nombreux cadres sous prétexte « d’assainissement des rangs ».
Cette purge sous-tendue par le souci de la nouvelle direction d’isoler ce qui est appelé le « cabinet noir » ne manquera pas de susciter des interrogations au niveau de la base et provoquera un malaise difficilement contenu.
Un malaise accentué également par le maintien, contre vents et marées et au mépris des statuts du parti, de Mohamed Hadj Djillani, un homme sans charisme qui peine à impulser une dynamique à un parti dont le crédo est la reconstruction du consensus national.
Conséquence : des militants quittent le navire qui tangue et des figures au sein de l’instance présidentielle montent au créneau pour s’insurger contre la gestion du parti. La crise va connaître son paroxysme hier vendredi 8 mars lorsqu’une partie de l’instance présidentielle s’oppose à la tenue d’un conseil national extraordinaire.
Selon des sources dans l’entourage du parti, des affrontements ont eu lieu entre ceux qui voulaient coûte que coûte la tenue du conseil et ceux qui s’y opposent. Des blessés ont été même enregistrés. La dispute a été éclipsée par les manifestations contre le 5e mandat, qui ont lieu le même jour à travers le pays.
Acculé, Ali Laskri qui tient d’une main de fer le parti, en compagnie de Mohand Amokrane Chérifi, accepte finalement un compromis en sacrifiant Mohamed Djillani. Il sera remplacé par le président de l’APW de Bejaia, Mhena Haddadou, qui a été accepté par les deux clans en conflit. Sa mission : organiser un conseil national extraordinaire dans moins d’un mois, pour désigner le successeur de Hadj Djilani. « La mission du prochain premier secrétaire national est d’organiser un congrès extraordinaire du parti avec la fin de l’année », explique une source du parti.
Mais ce qui semble avoir exacerbé davantage la crise, c’est la précipitation avec laquelle Ali Laskri a décidé du retrait des parlementaires sans passer par le conseil national, instance souveraine entre deux congrès.
Derrière cette décision, des membres du Conseil national soupçonnent des manœuvres dont l’architecte n’est autre que Chérifi.
Le retrait participerait selon eux, après la décision du gel des activités au sein du Parlement- ce qui contredit l’argument de la participation aux législatives pour faire du parlement une tribune- de calculs pouvant soutenir une démarche clanique.
D’où la décision des parlementaires de désavouer, laquelle transparait en filigrane dans leur communiqué, celle de la direction.
« Les parlementaires respectent la décision prise par la direction du parti, mais il n’y aucune démission pour le moment. Le retrait doit être validé par le Conseil national, sinon, il n’a aucune valeur », ajoute notre source.
La décision de la direction du FFS de retirer les parlementaires en soutien au mouvement populaire de contestation du 5e mandat ne fait pas l’unanime au sein du parti. « Nous avons discuté avec les autres partis de l’opposition qui siègent au Parlement, et nous sommes arrivés à la conclusion qu’un retrait de nos parlementaires, dans les conditions actuelles, n’est ni opportun, ni dans l’intérêt de l’opposition », explique notre source.
« Si demain, le pouvoir décide de reporter les présidentielles, il y aura une période de transition durant laquelle une nouvelle loi électorale sera votée au Parlement. L’opposition doit y être pour donner son avis, et ne pas laisser le FLN et le RND, décider seuls. Donc, le retrait du Parlement est dans l’intérêt du pouvoir », soutient-il.
Outre la ligne adoptée par Laskri, les contestataires soupçonnent une proximité douteuse entre des cadres du parti et le pouvoir, et une gestion hasardeuse des finances du FFS. « Des membres du Conseil national ont discuté et même négocié avec le pouvoir, sans informer les instances du parti. La gestion des finances du parti est opaque. Des comptes seront demandés lors du prochain conseil national », assure un cadre du parti.
Assurément, le prochain conseil national s’annonce chaud, d’autant qu’au sein du parti, certains entendent « demander des comptes » sur les finances du parti.