Survivra-t-il encore longtemps à son chef historique et charismatique Hocine Ait-Ahmed ? La situation « dramatique, voire chaotique » dans laquelle se trouve le FFS selon le constat de son premier secrétaire Hakim Belahcel autorise toutes les inquiétudes.
Sa lettre aux militants après les violences survenues au siège national à Alger laisse penser à un champ dévasté plutôt qu’à un parti politique. M. Belahcel parle d’embrasement, d’implosion, d’irréparable, d’humiliations causées, selon lui, par des « alliances douteuses et inavouées » et qui couronnent finalement une « crise qui couve en sourdine » depuis longtemps.
Hier, Hakim Belahcel est revenu sur sa démission. Mais le constat qu’il a dressé reste valide. On croirait difficilement que l’on parte du FFS. Le parti occupe une place particulière dans le paysage politique national et jouit d’une certaine admiration de la part de tous les Algériens. Si le FLN reste à leurs yeux le mouvement de la lutte pour l’indépendance le FFS incarne le combat pour l’instauration de la démocratie.
Le FFS c’est la continuité de la déclaration du 1er novembre et de la plate-forme de la Soummam. Hocine Ait-Ahmed a fondé le FFS pour libérer le pays de la dictature militaire imposée par le groupe de Oujda, après avoir été l’un des pionniers à vouloir le libérer de la domination coloniale et non pour en faire un instrument de conquête du pouvoir. Il en a d’ailleurs refusé tous les ors que les dirigeants successifs ne se sont pas privés de lui proposer pour le soustraire à son rôle de vigie populaire.
On ne peut pas parler de luttes démocratiques en Algérie sans penser à ce militant de la première heure. Ait-Ahmed est décédé après plus d’un demi-siècle de combat marqué par l’emprisonnement et un très long exil. Il incarne l’opposition pacifique par le débat et les idées. Le FFS c’est la mémoire de centaines de militants morts pour la démocratie en 1963. C’est la mémoire d’Ali Mécili, artisan de la réconciliation avec Ahmed Benbella, assassiné en 1887 à Paris. C’est la mémoire M’barek Mahiou, assassiné en pleine décennie noire.
Tout au long de son histoire, le FFS a rallié des militants de la démocratie qui l’ont quitté parfois. On pense à Abdelhafid Yaha, aux frères Sadi, aux frères Lounaouci, à Hachemi N’Ait-Djoudi, à Said Khelil, Mustapha Bouhadef, Rachid Halet. Mais le parti réussit toujours à dépasser les crises et à se remettre en marche, aidé par le prestige de son fondateur.
Le FFS doit rester ce repère du combat démocratique et ses militants doivent continuer à s’inspirer de ce guide. S’ils ne sont pas capables de lui faire jouer ce rôle qu’ils en fassent un héritage de tous les Algériens en le soustrayant définitivement des luttes de pouvoir qui le secouent depuis 2013, quand Ait-Ahmed avait décidé de se mettre en retrait.
Au moment où les Algériens demandent au régime de s’arracher du pouvoir qu’il domine depuis 1962, la direction et les parlementaires du FFS ne devraient pas s’accrocher à leur privilèges. Ce serait dommage de voir le parti quitter l’histoire au moment où le pays est au seuil de la deuxième République.