Politique

Le gaz lacrymogène peut-il régler des problèmes politiques ?

Vendredi 12 avril, les forces antiémeute ont fait usage de gaz lacrymogène, de canon à eau, de balles en caoutchouc et de bâtons pour disperser les manifestants à Alger.

Cette méthode répressive totalement disproportionnée n’a été utilisée qu’à Alger et à Béchar (samedi 13 avril). Dans les autres wilayas, les marches anti pouvoir se sont déroulées, comme pour les précédents vendredis, dans le calme et sans aucun incident.

Pourquoi la capitale devait-elle faire exception alors que les marches se déroulaient depuis le 22 février dans une ambiance sereine parfois festive mis à part quelques incidents marginaux imputables à des « casseurs » ? Les policiers ont chargé des foules désarmées pour répliquer à des « jets de pierres » qui ne venaient pas, selon des témoignages, des manifestants mais de « casseurs ».

D’où sont sortis ces « casseurs » ? La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a reconnu l’existence de « délinquants » qui auraient infiltré les manifestants et a annoncé l’interpellation d’un certain nombre d’entre eux.

Pourquoi ces « délinquants » sont-ils venus aussi nombreux alors qu’ils étaient invisibles les précédents vendredi ? Existe-t-il un ordre donné quelque part pour que « les infiltrés » provoquent les policiers pour les amener à réagir en tirant des bombes lacrymogènes et susciter « un climat superficiel » de violence sous l’œil des caméras ?

Les forces antiémeute et le GOSP (Groupement des opérations spéciales de la police) étaient-ils obligés de tirer autant de bombes lacrymogènes et d’actionner les canons à eau face à des manifestants, dont des enfants et des personnes âgées, pacifiques ? Théoriquement, les services de sécurité et la justice doivent enquêter pour savoir qui a « envoyé » les casseurs perturber une marches pacifique. A moins que la DGSN ne se contente du communiqué envoyé à la presse dans la journée du vendredi 12 avril.

Quelle image « future » pour la police ?

La manière avec laquelle les événements se sont déroulés à Alger dans des espaces bien précis laissent penser à l’existence d’un plan « opérationnel » pour faire dévier la marche pacifique d’Alger vers les affrontements violents pour briser et dénaturer le mouvement populaire de contestation et justifier les «interdits » d’après.

Qui a intérêt à ce que la contestation populaire prenne une tournure dramatique ? Maintenant, si ce plan a existé, il a clairement échoué. Non seulement, le mouvement a gagné plus de sympathie en Algérie et à l’étranger, mais la détermination de continuer l’action de rue est plus que jamais forte. Les victimes de la répression policière ont naturellement le droit de se sentir lésés et de réclamer réparation auprès des tribunaux. La DGSN doit visiblement « refaire » tout le travail pour se « rapprocher » de la population. La pente sera difficile à monter surtout que « le khawa, khawa », adopté comme slogan fraternel depuis le début du hirak, est particulièrement affaibli.

« Complot » étranger ?

La DGSN a choisi le vendredi 12 avril pour annoncer avoir interpellé « un groupe d’étrangers » venu en Algérie pour « attiser les tensions » et « pousser les jeunes algériens à recourir à des formes d’expression radicales durant les marches populaires ».

Qui sont ces « étrangers », pris « main dans le sac », prêts à attaquer les manifestations en usant de modes opérationnels de type terroriste et subversif ?

Comment sont-ils entrés sur le territoire national, obtenus des armes et accédé aux lieux de rassemblement ? La DGSN a ajouté : « Certains ont même été arrêtés en possession d’équipements sensibles, de substances psychotropes à effet hallucinogène, en quantités importantes et qui agissaient en réseaux et sur des points ciblés ».

Ce genre de précisions laisse entendre qu’un complot est en action contre l’Algérie par des services secrets étrangers. Si tel est le cas, la DGSN doit fournir à l’opinion publique plus d’informations parce qu’il s’agit d’une grave affaire de sabotage et parce que les Algériens se posent beaucoup de questions, d’autres émettent des doutes. Au-delà de ces aspects sécuritaires, qui tendent à faire oublier que les problèmes sont d’abord politiques, le pouvoir recourt à la manière forte, faute de proposition sérieuse pour sortir de l’impasse actuelle. Rester dans le cadre, clairement étroit, de la Constitution est pour les décideurs une solution, mais pas pour la rue.

Des propositions de sortie de crise

Des propositions ont été faites par l’opposition et des personnalités politiques pour s’engager dans une transition politique pouvant réaliser le consensus auprès de la population. Le FFS, le RCD, le MSP, El Adala, Talaie Al Hurriyet, le Parti des Travailleurs, Mustapha Bouchachi, Abdelaziz Rahabi et d’autres ont proposé des idées qui pouvaient faire l’objet d’une discussion et d’un débat larges.

Ce samedi 13 avril, Abdelmadjid Menasra, ex-président du MSP, a proposé un plan de sortie de la crise. « Il commence par la démission de Tayeb Belaiz de la présidence du Conseil constitutionnel, remplacé par un juriste accepté, désigné par Abdelkader Bensalah, président d’État. Le Premier ministre Noureddine Bedoui démissionne ensuite, remplacé par un membre du gouvernement. Bensalah présente ensuite sa démission. Le nouveau président du Conseil constitutionnel prend alors la direction du pays, nous aurions réglé le problème sans sortir du cadre de la Constitution », a détaillé Abdelmadjid Menasra dans un poste sur sa page Facebook.

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