L’Algérie a décidé de geler la mesure relative à l’importation des véhicules de moins de trois ans. Est-ce que c’est une bonne décision ? Quel est l’impact sur le consommateur algérien ? Les véhicules de moins de trois ans sont-ils plus chers que les véhicules neufs ? Abderrahmane Achaibou, apporte des réponses à ces questions.
Quel est votre point de vue après l’annonce par le ministre de l’Industrie du gel des importations des véhicules de moins de trois ans ?
Abderrahmane Achaibou concessionnaire automobile et patron du groupe Elsecom
Cette décision est une bonne chose ! L’APN qui avait voté cette loi n’a sans doute pas fait appel à des experts pour leur expliquer que les véhicules de moins de trois ans coûtent plus cher que les véhicules neufs. En effet, un véhicule neuf qui sort des usines européennes à 10 000 euros sera revendu localement, avec un minimum de 30 % de marge au profit du concessionnaire. Cela correspond déjà à 13 000 euros auxquels il faudra rajouter 20 % de TVA. Le prix serait donc de l’ordre de 15 600 euros. Au bout de 3 ans d’utilisation la décote serait de 30 %. Le prix de ce véhicule devenu d’occasion varierait alors entre 11 000 et 12 000 euros. Or, un véhicule neuf du même modèle arriverait en Algérie aux alentours de 10 600 euros.
Par ailleurs, l’Algérien qui achèterait un véhicule de moins de trois ans dépenserait au minium 2 000 euros de frais supplémentaires (billet d’avion, hébergement, transport du véhicule par bateau…) pour l’acquérir à partir de l’étranger. Le véhicule reviendrait à 14 000 euros environ, échangé au marché noir de la devise soit une contre-valeur de 2.800.000 DA auquel il faudra rajouter les droits de douane, sauf pour l’origine européenne et une TVA de 19 % le prix final serait de 3.160.000 DA. Qu’à cela ne tienne, le véhicules perdra la garantie et ne bénéficiera pas du service après-vente du concessionnaire local de la marque, ni des campagnes de rappel éventuelles pour remise à niveau technique. Il y a lieu de souligner qu’en raison de la qualité moyenne de nos carburants les véhicules en Euro 6 nécessiteront le remplacement fréquent du pot catalytique pour un coût minimum de 200.000 DA voir 750.000 DA pour le haut de gamme.
En définitive, on a bien fait de geler cette mesure. Alors que le même véhicule neuf vendu par un concessionnaire en Algérie reviendrait à 2.900.000 DA en toutes taxes comprises.
Le seul moyen est donc de revenir à l’ancienne formule de la concession automobile…
Oui, on y est déjà, et c’est une bonne formule car cela créera des milliers d’emplois, et engendrera des recettes conséquentes pour le Trésor public.
Aujourd’hui, l’arrêt de l’importation des véhicules neufs pose un problème d’approvisionnement du marché national. Comment va-t-on faire pour satisfaire la demande locale ?
Il faut rappeler qu’aujourd’hui, le monde entier est en crise. Il s’agit de bien préparer la relance économique pour faire en sorte que le véhicule neuf soit disponible dès le 1er trimestre 2021.
Peut-on dire que l’ère du véhicule « bon marché » est définitivement révolue en Algérie ?
Pas forcément ! Il faut savoir que la cherté des véhicules n’est pas due à leur prix d’achat auprès du constructeur dont l’augmentation annuelle est de l’ordre de 3 à 4 %, mais plutôt à la dévaluation du dinar. Sans oublier les droits et taxes indexés sur le coût d’acquisition du véhicule à l’étranger. Des droits et taxes exprimés en montants à l’instar de la Taxe sur véhicules neufs (TVN), permettraient d’atténuer l’impact de la dévaluation du dinar sur le coût de revient.
Le ministre de l’Industrie a dévoilé le nombre d’opérateurs qui ont procédé à leur préinscription pour l’importation des véhicules neufs. Avez-vous accompli cette démarche en ce qui vous concerne ?
Nous nous sommes effectivement pré-inscrits.
Un véhicule neuf importé va revenir à combien au consommateur algérien ?
Un véhicule acquis par un concessionnaire auprès d’un constructeur à 10 000 euros rendu Alger, sera proposé à un prix de 2.400.000 à 2.500.000 DA Toutes taxes comprises (TTC). Pour connaître le prix TTC d’un véhicule donné il suffit de multiplier son prix d’achat par 240 à 250 environ.
Peut-on avoir une idée sur le type de véhicules que vous comptez importer ?
Nous comptons reprendre la concession des marques dont nous avons été dépossédés par la « Issaba » à savoir : Isuzu, Suzuki, Kia, Daewoo et Ford.
Ces marques ont été octroyées à d’autres opérateurs dont certains ont été condamnés à la prison dans le cadre de la lutte contre la corruption. Avez-vous pu les récupérer ?
La justice a condamné ces individus à nous payer des indemnités mais il n’est pas de son ressort de nous restituer les marques que nous représentions ; nous comptons pour cela sur l’État, pour que l’on puisse reprendre notre activité.