Politique

Le gouvernement reconnaît une « grande pression » sur le Trésor public

C’est la version finale du projet de Loi de finances 2020 que Mohamed Loukal a présenté, ce mercredi 6 novembre, devant l’Assemblée populaire nationale , lors d’une séance plénière en présence de plusieurs ministres mais en l’absence de la quasi-totalité des députés.

Pourtant, l’enjeu était de taille. En plus de présenter un texte contenant de nombreuses dispositions, il était aussi question de la situation financière du pays.

En guise de préambule, le ministre des Finances a livré plusieurs chiffres inédits qui éclairent le contexte dans lequel le projet de loi a été élaboré. Mohamed Loukal évoque une « grande pression » sur le Trésor public en raison du recul des revenus du pétrole, dû à la baisse des cours à 66,1 dollars fin juillet dernier, par rapport à une moyenne de 73 dollars en 2018.

On apprend également pour la première fois, de la bouche de Mohamed Loukal, que les dernières années ont été caractérisées par « un recul des quantités d’ hydrocarbures exportées de 12% à fin juillet 2019 après une baisse de 7,3 % en 2018 ». On est bien loin, sur ce chapitre, des informations officielles et rassurantes qui étaient encore la règle voici à peine quelques semaines.

Mohamed Loukal a confirmé que le cadrage économique du PLF 2020 repose sur un prix référentiel du baril de pétrole à 50 dollars et un prix de marché du baril à 60 dollars pour la période allant jusqu’à 2022 ainsi qu’un taux de change de 123 DA /dollar pour 2020.

Il prévoit également, de façon plus réaliste que les années précédentes, une croissance économique à hauteur de 1,8 % et le même taux pour la croissance hors hydrocarbures ainsi qu’une augmentation du taux d’inflation à 4,08 % en 2020.

Un déficit d’un niveau encore très élevé

Les derniers ajustements réalisés par le ministère des Finances estiment le déficit du budget à 1.533,4 milliards de dinars (-7% du PIB) et celui du trésor à 2.435,6 milliards (-11,4% du PIB).
La différence, de près de 900 milliards de dinars, entre ces deux mesures du déficit des finances publiques s’explique selon le ministre, par la couverture, par le Trésor, du déficit de la Caisse nationale des retraites (CNR) qu’il estime désormais à 700 milliards dinars par an.

Selon nos sources, le complément des « interventions du Trésor », qui ne figure pas dans le calcul du déficit du budget au sens strict, est constitué, outre le financement de la CNR, par le solde des comptes d’affectation spéciaux ainsi que par la compensation, versée aux banques commerciales, des bonifications des taux d’intérêt.

Au total, on est donc bien sur un déficit du Trésor d’un niveau comparable à celui de 2019. A cette différence près que le déficit de la CNR sera pris en charge directement par le Trésor en 2020 alors que son financement avait été « confié » au FNI (et à la planche à billets) en 2019.

Quelles « ressources internes » pour le financement du déficit ?

Mohamed Loukal a encore assuré devant les députés que le financement de ce déficit du Trésor, qui reste d’un niveau considérable, sera réalisé par le recours à « des ressources internes ».

Le ministre des Finances n’a toujours pas précisé la nature exacte de ces ressources qui doivent se substituer à la planche à billets dont le mécanisme devrait faire une pause en 2020.
Cette question sensible devrait être d’actualité au cours des premiers mois de l’année prochaine. Le dispositif serait en cours d’étude et nos sources s’attendent principalement à un siphonage des liquidités bancaires, moyennant éventuellement une nouvelle baisse du taux des réserves obligatoires.

Ce nouveau dispositif de financement du déficit du Trésor pourrait être complété par la reprise d’une partie des ressources affectées initialement au FNI et toujours abritées dans le compte de ce dernier auprès de la Banque d’Algérie. Ce qui pourrait conduire notamment au gel des investissements prévus dans le cadre de l’ambitieux projet d’exploitation des phosphates de l’Est algérien.

La fiscalité ordinaire en hausse de 300 milliards de dinars

Les derniers chiffres livrés par Mohamed Loukal prévoient des recettes globales du budget qui passeront à 6.200 milliards de dinars en 2020 soit une baisse de 7% par rapport à 2019 en raison du recul de la fiscalité pétrolière à 2.200 milliards.

Le ministre des Finance se félicite néanmoins d “une amélioration considérable” en ce qui concerne les recettes de la fiscalité ordinaire qui progresseront de 300 milliards de dinars « grâce à l’élargissement de l’assiette fiscale, à l’amélioration du recouvrement et à la lutte contre la fraude fiscale », selon M. Loukal, qui a « oublié » de mentionner devant les députés la création ou l’augmentation de nombreux nouveaux impôts et taxes .

Les dépenses publiques en baisse de 8%

Coté dépenses, le ministre des Finances a affiné les chiffres définitifs Le PLF 2020 prévoit une baisse des dépenses publiques de 8,6%. Elles s’élèveront à 7.823 milliards de dinars, en recul de 1,2% pour les dépenses de fonctionnement.

En 2020, la masse salariale de la fonction publique dépassera les 2.900 milliards de dinars pour un nombre de 2.279.555 postes budgétaires.

Sans surprise, Mohamed Loukal confirme également « le maintien de la politique sociale de l’Etat pour préserver le pouvoir d’achat du simple citoyen, en conservant un budget élevé des transferts sociaux estimé à 1.798, milliards de da dans le projet de loi, soit 8,4 % du Produit intérieur brut (PIB) demeure parmi les constantes ».

De façon plus paradoxale, le ministre des Finances assure que « L’Etat veille à maintenir un certain niveau d’investissement à même de réaliser une croissance économique et de créer des postes d’emplois », alors que les dépenses d’équipements sont finalement prévues en baisse de 18,7%. Le budget d’équipement du PLF 2020 a réservé une enveloppe de 1.619 milliards de dinars aux autorisations de programmes et prévu un montant de 2.929 milliards pour les crédits de paiement.

Des objectifs très optimistes de recul du déficit de la balance des paiements

Des prévisions concernant l’évolution de la Balance des paiements figure depuis 2016 en annexe aux lois de finances. Elles tentent d’inscrire les politiques budgétaires dans un cadre triennal. C’est sur ce chapitre qu’on trouve sans doute les prévisions les plus surprenantes du PLF 2020.

Le texte prévoit tout d’abord une augmentation des revenus des exportations d’hydrocarbures, en 2020, en hausse de 2% par rapport à 2019 pour atteindre 35,2 milliards de dollars (contre 34,5 milliards en 2019), et ce en raison d’une augmentation de 2 % des quantités des hydrocarbures devant être exportées.

Les prévisions concernant l’évolution des importations sont encore plus surprenantes. Le projet de loi prévoit leur baisse de 13,3 % à 38,6 milliards de dollars en 2020. Les importations des marchandises devraient baisser de 12 % et celles des services de 16%. Le ministre des Finances na pas dit aux députés pas par quels moyens le gouvernement compte parvenir à des résultats aussi remarquables.

Au total la plupart des spécialistes consultés par TSA expriment également le plus grand scepticisme a propos de l’objectif affiché de réduction du déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre selon le gouvernement 8,5 milliards de dollars en 2020 contre 16,6 milliards en 2019 avec des réserves de change que le gouvernement espère, de façon très optimiste, maintenir à 51,6 milliards de dollars à la fin 2020.

Enfin, au chapitre des mesures législatives, c’est la fin du suspense concernant l’importation de véhicules d’occasion. Il s’agira, selon un amendement proposé par la Commission des finances de l’APN, de véhicules de moins de 3 ans de motorisation essence ou diésel.

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