Le hirak populaire entame ce mercredi 23 octobre son neuvième mois. Hélas, l’accouchement d’une transition démocratique véritable risque de se faire encore attendre. Rien de tout ce qu’entreprend le pouvoir en place ne laisse penser raisonnablement que le dénouement est proche.
D’ailleurs, hasard du calendrier, c’est aujourd’hui que Azzeddine Mihoubi, ancien ministre de Bouteflika et nouveau chef du RND, va déposer son dossier de candidature à la présidentielle du 12 décembre. Il est le premier candidat à le faire en attendant les autres prétendants.
Pendant huit mois, les Algériens ont marché tous les week-ends sans discontinuer, dans toutes les villes, parfois en millions, sous la pluie, la canicule, pendant le ramadhan. Leur seul acquis est d’avoir empêché à deux reprises le système d’acter sa régénérescence.
Même s’il n’a pas permis de conquérir plus de libertés, certaines étant au contraire en net recul par rapport à la situation ante 22 février à l’image de la liberté de la presse et de l’exercice politique, le hirak a néanmoins beaucoup appris en huit mois.
Son horizontalité et son pacifisme l’ont rendu invulnérable aux tentatives répétées de lui tordre le cou par les arrestations, les pressions, les manœuvres de division, maintenant intacte la mobilisation populaire et gardant le cap sur son objectif substantiel qui est le changement radical du système politique.
Le bras de fer avec le pouvoir est aussi intact comme au premier jour, la faute sans doute à ce dernier qui promet une élection propre et transparente mais dans des conditions que les manifestants et une partie de la classe politique estiment identiques, voire pires que celles des différents scrutins qui avaient permis à Bouteflika de garder les rênes du pays pendant vingt ans et de mettre en place son système de corruption et de prédation.
Les médias publics sont plus que jamais sous contrôle, la presse privée subit des pressions quotidiennes, le champ politique est fermé, des dizaines d’activistes sont emprisonnés. Raison supplémentaire pour le hirak de rejeter le scrutin du 12 décembre, tous les candidats annoncés, du moins ceux qui sont crédités de chances sérieuses de gagner, sont d’anciens soutiens ou proches de Bouteflika.
On compte au moins deux de ses Premiers ministres et autant de ses ministres. Le pouvoir n’a pas pu, et ce n’est pas faute d’avoir essayé, d’attirer dans la course des vétérans et des poids lourds de l’opposition qui auraient pu convaincre une partie de la société d’aller aux urnes. Un ratage qui risque d’être fatal pour la crédibilité des futures institutions et peut-être même pour la tenue du scrutin.
Car la sérénité et l’optimisme officiels sont contrariés chaque jour davantage par un hirak qui ne faiblit pas, qui se revigore à mesure qu’approche l’échéance électorale, qui fait preuve d’une discipline à toute épreuve et qui s’offre de nouveaux moyens de lutte. Face à la détermination de la rue d’imposer le changement, la résolution du pouvoir à ne rien céder est aussi ferme.
Le statu quo est appelé de ce fait à perdurer jusqu’au-delà du 12 décembre, que l’élection ait lieu ou non. A moins que les actions annoncées pour le mois de novembre parviennent à faire bouger les lignes. Une méga-marche nationale est annoncée à Alger le jour de la célébration du déclenchement de la guerre de Libération, le 1er novembre, des organisations syndicales comptent recourir aux grèves, l’opération mortier est appelée à se faire plus bruyante et les actes d’entrave de l’opération électorale, notamment des meetings de campagne, risquent de se multiplier.
Le pouvoir qui a tout essayé, en vain, pour mettre fin à la contestation, n’aura alors plus que deux choix qui lui sont aussi douloureux l’un que l’autre, c’est-à-dire tenter la manière forte avec tout ce qu’elle comporte comme risques de dérapages incontrôlés ou commencer à faire de sérieuses concessions qui mettraient en péril sa survie. Ceux qui qualifient de décisif le mois à venir n’ont peut-être pas tort…