Le mouvement populaire en Algérie entame ce lundi 22 juillet son sixième mois. Lorsque, le 22 février dernier, les Algériens sont sortis en masse pour s’opposer au cinquième mandat de Bouteflika, très peu avaient prédit la suite des événements, encore moins un tel souffle pour la mobilisation.
Le 2 avril, Bouteflika a démissionné et l’objet de la révolte est passé au démantèlement de tout le système politique en place. Vendredi dernier, les citoyens ont marché pour la vingt-deuxième fois de suite dans toutes les villes du pays, avec le même pacifisme et la même détermination à faire aboutir leurs revendications.
Le mouvement a ébahi le monde par son caractère pacifique et sa résilience. On déplore certes trois décès, mais globalement, les marches, qui rassemblaient parfois des millions de manifestants, se sont déroulées sans incidents majeurs.
La contestation a aussi résisté à toutes les tentatives de lui tordre le cou. Blocage des accès à la capitale, occupation des places principales par les forces de l’ordre, arrestations, intimidations, manœuvres de division, le pouvoir a tout essayé, en vain.
Les citoyens sont surtout sortis en masse durant tout le mois de ramadhan, sous la canicule de l’été et le jour même où l’équipe nationale de football jouait une finale de Coupe d’Afrique. Rien à l’heure actuelle n’est en mesure de freiner un mouvement pour lequel le plus dur semble être passé.
Beaucoup prédisent même la réédition des images surréalistes de la mobilisation record des premières semaines avec le retour de la fraîcheur et la rentrée sociale. Car sur le plan politique, les choses n’ont pas beaucoup évolué et le pouvoir en est toujours à manœuvrer pour ne rien céder.
Les atteintes aux libertés, principal facteur de blocage
Certes, il y a eu des acquis indéniables, dont les plus notables sont l’empêchement du cinquième mandat et les poursuites judiciaires engagées à l’encontre de ce qui est désormais appelé « la Issaba », le clan Bouteflika.
Plusieurs hommes d’affaires et anciens hauts responsables, dont des Premiers ministres, croupissent en prison en attendant leur jugement, ce qui était impensable il y a seulement cinq mois. Mais sur le plan des libertés et de la démocratisation, non seulement les choses n’avancent pas, mais un net recul est constaté par rapport même à la période du long règne de Bouteflika.
Arrestation d’activistes et de manifestants, journaux et télés publics réduits à un rôle de propagande, pressions sur les médias privés, blocage de sites d’information – dont TSA-, entraves à l’action de l’opposition et de la société civile, l’image que renvoie l’Algérie post-Bouteflika ne ressemble pas trop à celle pour laquelle les jeunes sont sortis dans la rue le 22 février.
En cinq mois de révolte populaire, le pouvoir a multiplié les errements et les échecs, dont le plus retentissant reste l’annulation de l’élection du 4 juillet et la prolongation de fait du mandat du chef de l’État par intérim.
Depuis, l’objectif déclaré est d’organiser l’élection « dans des délais raisonnables », contre l’avis de la rue et d’une partie de la classe politique qui réclament outre le départ des symboles du système, soit le chef de l’État et le Premier ministre, des garanties sérieuses pour la tenue d’une élection libre.
Le facteur de blocage aujourd’hui réside dans cet entêtement des autorités à ne pas satisfaire le préalable du respect des libertés et de l’ouverture des champs médiatique et politique, posé par l’ensemble des formations politiques, y compris celles qui sont disposées à aller aux urnes.
Avec un mouvement populaire qui ne s’essouffle pas et qui résiste à tout et un pouvoir qui hésite à montrer une réelle volonté de changement, la crise est appelée à s’inscrire dans la durée.