Dans un discours télévisé, le Premier ministre libanais Hassan Diab a indiqué que le Liban n’était pas en mesure de payer la dette arrivant à échéance dans les “circonstances actuelles” et qu’il s’efforcerait de restructurer sa dette par le biais de négociations avec les détenteurs d’obligations.
Secoué par une profonde crise économique, le Liban ne peut plus payer ses dettes pour la première fois de son histoire. Hassan Diab, le Premier ministre libanais a annoncé ce samedi que le pays ne paierait pas le 1,2 milliard d’Eurobonds (des bons du Trésor émis en dollar par l’Etat, dont une partie est détenue par les banques et la Banque centrale ) arrivant à échéance dans deux jours.
“Nos réserves en devises ont atteint un niveau inquiétant (…) poussant le gouvernement libanais à suspendre (le paiement d’une dette arrivant) à échéance le 9 mars”, a-t-il déclaré dans un discours à la nation, ajoutant que l’Etat allait “restructurer sa dette conformément à l’intérêt national”.
La dette équivaut à près de 170% du PIB
Le Liban croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit environ 170% de son produit intérieur brut (PIB), selon l’agence internationale Standard and Poor’s (S&P), l’un des ratios les plus élevés au monde. Les banques libanaises, qui détiennent une grande partie de la dette publique -dont près de la moitié des 30 milliards d’Eurobonds -, ont récemment appelé l’Etat à éviter un défaut de paiement, qui creuserait leur manque de liquidités notamment en dollars. Craignant un épuisement de leurs réserves en devises étrangères, les banques ont déjà imposé des restrictions drastiques ces derniers mois, plusieurs établissements plafonnant les retraits à 100 dollars par semaine et interdisant les transferts d’argent vers l’étranger.
“Un défaut aurait des retombées sur l’économie nationale”, déclairait récemment le chef du département de recherche à la Bank Audi, Marwan Barakat.
De nombreuses voix se sont élevées ces dernières semaines pour réclamer une restructuration de la dette afin d’accorder au gouvernement un délai supplémentaire afin de mener des réformes profondes pour remettre le pays sur la bonne voie.
La livre libanaise chute
Au Liban, le dollar est utilisé au quotidien au même titre que la livre libanaise et les Libanais craignent l’accélération de la perte de valeur de leur monnaie. La livre libanaise a perdu 40% de sa valeur depuis l’automne. Indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar, elle a récemment frôlé les 2.700 livres pour un dollar sur le marché parallèle, poussant la banque centrale à émettre vendredi une circulaire plafonnant le taux dans les bureaux de change à 2.000 livres pour un dollar.
La rue impute la situation actuelle à un cumul de mauvaises politiques au cours des trois dernières décennies. Le pays a commencé à s’endetter massivement à la fin de la guerre civile (1975-1990) pour reconstruire le pays. Mais faute de réformes et de bonne gouvernance, le déficit public n’a eu de cesse de se creuser au fil des ans et les banques locales ont continué d’acheter des bons du trésor. Conséquence: la dette publique a bondi de quelques milliards de dollars au début des années 1990 à plus de 90 milliards de dollars. Samedi, des manifestants ont défilé à Beyrouth pour crier leur colère.
Mission d’urgence du FMI
A la demande de l’Etat, une mission d’urgence du Fonds monétaire international (FMI) a été dépêchée le mois dernier mais aucune assistance financière de l’institution n’a été annoncée pour le moment.
“Le Liban a besoin avant tout d’un plan imminent de restructuration de la dette dans le cadre d’un plan global (…) sous l’égide du FMI pour que l’aide financière internationale se concrétise”, explique Marwan Barakat. Mais certaines forces politiques locales, notamment le Hezbollah, ont récemment affiché leur opposition à une “mise sous tutelle”.
Le Liban a longtemps compté sur les aides internationales. En avril 2018, une aide de 11,6 milliards de dollars a été promise lors d’une conférence parrainée par la France mais les fonds n’ont toujours pas été débloqués faute de réformes.