L’éviction et l’arrestation de Hamid Melzi, gardien du sanctuaire de la nomenklatura, ont remis sous la lumière dense d’Alger les privilèges accordés aux “commis” et “obligés” du système « réfugiés » en bonne partie à Club des Pins.
L’ancien village touristique qui tient son nom de la forêt des pins proche a commencé sous Chadli à perdre ses locataires saisonniers pour voir ses chalets et bungalows livrés à des occupants permanents alléchés l’iode, le sable fin et les loyers dérisoires.
Quand en 1992, les “soldats d’Allah” ont commencé à pourchasser les hauts cadres du pays, le Premier ministre Bélaïd Abdesselam décida d’en faire une résidence d’Etat pour les mettre à l’abri des sabres terroristes. Il délogea les vacanciers permanents qui, pour certains, ont laissé sur place de déplorables traces et installa ceux qui étaient en fonction pour maintenir à flot le fonctionnement des institutions.
Progressivement, le village touristique est devenu une enclave ultra sécurisée pour laquelle le visa d’accès est plus difficile à obtenir que le Schengen. L’antre de plus en plus verrouillée est accessible à des privilégiés vivant en majorité aux frais de l’Etat.
Elle est placée sous la surveillance d’un vigile devenu un coffre à secrets : Melzi connait les allées et venues des locataires, leurs visiteurs, les connexions entre les uns et les autres. Qu’importent les risques, une adresse à Club des Pins donne un sentiment de puissance et les heureux locataires croient même susciter des envies et de la jalousie. On appartient au pouvoir. Celui qui sait choyer ses obligés. Si et tant que les courtisans sont de plus en plus nombreux à vouloir rallier la tribu des copains et des coquins.
Dans l’art d’asservir, Bouteflika est un maître qui a su dépouiller bien des hommes et des femmes de leur dignité. En faire des “commis” au service d’un commettant. Non pas des hauts commis de l’Etat, un concept dont on ignore complètement le sens. Un haut commis de l’Etat est un haut fonctionnaire qui a un sens exceptionnel du service public, sacrifiant à cette mission les immenses privilèges qu’il peut acquérir dans le secteur privé. Pour nombre d’entre eux, ceux qui revendiquent ce statut en Algérie sont livrés à la déshérence quand un décret met fin à leurs fonctions. Ils vivent dans l’attente d’être rappelés et quand l’espoir fond, ils deviennent les grands contempteurs de leurs commettants.
Une adresse à Club des Pins n’est qu’un des nombreux privilèges accordés aux membres de la tribu. En dehors de l’enclave où les logements sont gracieusement équipés, les locataires ont aussi leurs résidences privées, villas ou appartements multiples.
Les postes occupés ouvrent droit à des salaires non indexés sur le Smig, au véhicule de service avec chauffeur parfois, au permis de port d’arme, à l’immunité parlementaire ou au privilège de juridiction. Quand on est de la tribu, on n’est pas un justiciable ordinaire.
Le passeport diplomatique fait partie de la panoplie, accordé même aux membres de la famille pour leur permettre de voyager plus confortablement. Mais l’appartenance à la tribu c’est aussi l’adhésion au réseau d’affaires. L’accès est plus facile aux crédits bancaires, au foncier, au marché et à toutes les facilitations accordées aux investisseurs. Il est exceptionnel de trouver aujourd’hui un adhérent du Club (voyons les Premiers ministres) dont les enfants ou le conjoint n’a pas sa propre entreprise. De préférence dans l’importation ou la captation de marchés publics. Là où l’on n’a pas besoin de savoir-faire, mais juste de papa.