C’est ce mardi 9 juillet que devait expirer le mandat légal du chef de l’État par intérim, du moins si l’on s’en tient à la lettre de la Constitution qui stipule que le président du Conseil de la nation assure l’intérim de la présidence de la République pendant 90 jours.
Abdelkader Bensalah a été officiellement installé dans ses fonctions de chef de l’État provisoire par les deux chambres du Parlement réunies en congrès le 9 avril dernier, une semaine après la démission du président Bouteflika. Il devait diriger le pays jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République.
Le 4 juillet, date retenue initialement, toujours conformément à la loi fondamentale, le scrutin n’a pas eu lieu, faute d’adhésion de la population et de la classe politique qui ont refusé d’aller aux urnes avec, à la tête de l’État, un homme considéré comme un symbole du système.
La situation de vide constitutionnel qui se profilait a été anticipée dès le 1e juin par le Conseil constitutionnel qui a émis un avis « autorisant » Bensalah à rester en poste au-delà du 9 juillet, sa mission étant, selon l’interprétation qui est faite de l’article 102 de la Constitution, d’organiser l’élection présidentielle.
Le 6 juin, Abdelkader Bensalah confirme lui-même dans un discours télévisé qu’il poursuivra sa mission.
Cette prolongation sine die, non prévue par les textes, est destinée à assurer une couverture « légale » à son maintien à la tête de l’État le temps qu’une solution à la crise soit trouvée. Mais est-ce une bonne idée ?
On en doute fort quand on sait qu’au-delà du problème juridique que pose la fatwa du Conseil constitutionnel, l’homme était déjà très décrié lorsque sa présence à la tête de l’État reposait sur un fondement légal solide. Avant même son intronisation, les manifestants avaient mis en garde contre l’application entière de l’article 102, synonyme du remplacement de Bouteflika par un homme qu’il avait lui-même désigné et le maintien du gouvernement dont le chef et les ministres avaient été choisis par le même président démissionnaire.
Durant les 90 jours qu’il a passés comme chef d’État intérimaire, Abdelkader Bensalah a lamentablement échoué dans sa mission principale : il n’a pas pu organiser le scrutin présidentiel, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. De même qu’il n’a pas pu convaincre l’opposition de s’engager dans un processus de dialogue pour amorcer une sortie de crise.
Là aussi, les appels de sa part n’ont pas manqué. Le dernier en date remonte au 3 juillet lorsqu’il a proposé à la classe politique un dialogue auquel aucune institution de l’État, pas même l’armée, ne prendra part, laissant aux partis et à la société civile le soin de choisir jusqu’à la composante de l’instance qui organisera le scrutin. Mais en dépit du fait que l’offre ne manque pas de concessions et s’apparente même dans certains aspects à une opportunité, elle a été rejetée, d’abord par la rue lors des marches du 5 juillet, puis par l’opposition.
Entre-temps, les manifestations populaires ne se sont pas estompées, gagnant en ampleur malgré les fortes chaleurs de l’été et continuant à réclamer une période de transition et le départ des symboles du bouteflikisme, dont justement Abdelkader Bensalah.
L’opportunité de l’expiration de son mandat n’a pas été saisie pour déverrouiller une situation bloquée par l’obstination du pouvoir à réserver un traitement juridique à une crise avant tout politique. Une obstination qui a déjà coûté au pays trois précieux mois sans réelle perspective d’un règlement rapide de la crise.
Il est évident qu’un homme qui a échoué en ayant la légalité de son côté n’a que peu de chances de réussir maintenant que le fondement juridique de sa présence à la tête de l’État ne tient qu’à une interprétation de la loi, donc facilement démontable.