Économie

« Le marché européen est le plus important pour le gaz algérien et devrait continuer à l’être »

Abdelmadjid Attar est ancien PDG de Sonatrach. Dans cet entretien, il analyse la nouvelle stratégie de Sonatrach et les perspectives du marché du gaz dans un contexte difficile.

Sonatrach veut commercialiser 50% de sa production de gaz sur de nouveaux marchés, notamment asiatiques. Comment expliquez-vous ce choix et quelles en seraient les conséquences en termes de coût de transport ?

Le pourcentage de 50% affiché est un objectif. C’est également un message aux clients européens traditionnels qui sont en négociation pour le renouvellement des contrats de vente. Ils demandent tous la réduction du prix, de la durée des contrats, et parfois d’autres concessions. Il est évident que le marché européen est le plus important pour le gaz algérien, et devrait continuer à l’être, mais pas à n’importe quel prix. Alors c’est une façon de dire que le gaz algérien peut trouver preneur ailleurs, notamment en Asie qui est en train de devenir le principal marché mondial pour le gaz et le pétrole.

La compétition sera certes difficile sur ce marché mais elle l’est déjà aussi en Europe où la croissance de la consommation énergétique est de toutes les façons en ralentissement par rapport à l’Asie. Quant au coût du transport, il faut tenir compte non seulement du fait que le prix au niveau du marché asiatique est plus élevé qu’en Europe, mais aussi de son évolution positive à l’avenir très probablement, ainsi que la demande en Asie, et enfin des progrès en matière de transport (taille des méthaniers)

Les contrats les plus longs qui seront signés à l’avenir seront au maximum de cinq ans. Cela veut dire que Sonatrach n’est plus en mesure d’assurer les contrats à long terme ? Nos réserves s’amenuisent ?

Il est vrai que la tendance est vers les contrats à moyen terme, mais leur durée dépendra de nombreux paramètres et il y aura aussi des contrats de 5 à 10 ans ou même plus en fonction des volumes importés et consommés, et du modèle de consommation énergétique qui est en train de muter très rapidement vers des mix énergétiques nouveaux. Cette tendance est liée surtout à la volonté des pays importateurs de réduire leur dépendance énergétique, et à la volatilité des prix des ressources énergétiques, notamment le pétrole sur lequel est indexé le gaz naturel.

Une formation personnalisée serait destinée aux nouveaux employés de Sonatrach. Cette nouvelle culture de formation a-t-elle pour objectif de limiter à long terme l’intervention des compagnies étrangères ?

Je ne pense pas que c’est cela l’objectif de cette formation qu’elle soit personnalisée ou continue ou de perfection, car l’intervention ou plutôt le partenariat avec les compagnies étrangères sera toujours nécessaire quand il faudra faire appel à des investissements importants, ou de nouvelles technologies de pointe qui sont le fruit de travaux de recherche dans des institutions de recherche et des universités. C’est ce qui nous manque de façon cruciale hélas, car les progrès dans le secteur pétrolier et même énergétique de façon générale, provient de nos jours des pays développés et des compagnies internationales.

Je suppose que le programme de formation annoncé par la Sonatrach consiste à :

– D’une part préparer, adapter, et orienter les nouveaux cadres aux métiers de base de la Compagnie, ainsi qu’à leur évolution, surtout dans un objectif de préparation continue de la relève.

– Mettre à jour de façon continue les compétences managériales des cadres dirigeants, à l’image d’une opération qui avait très bien fonctionné dans le temps au début des années 90 (Projet de Modernisation de Sonatrach PROMOS) mais malheureusement abandonnée.

– Donner naissance à une culture et un esprit d’appartenance à l’entreprise pour réduire l’hémorragie des cadres techniques surtout.

Le sureffectif est une des causes qui a affaibli Sonatrach et l’a rendu vulnérable. La démarche de développement durable mobilisateur serait-elle la solution pour attirer les meilleurs talents ?

C’est vrai qu’il y a du sureffectif au niveau de l’entreprise, mais cela concerne surtout les fonctions de soutien qui sont souvent éparpillées et démultipliées. On a souvent recruté et même trop, pendant les années passées, y compris en créant parfois des fonctions ou des structures inutiles pour des raisons sociales qui ne sont pas du ressort de l’entreprise.

Par contre il y a eu progressivement l’effet inverse dans les métiers de base de l’entreprise. Des départs massifs de cadres ayant accumulé une longue expérience et un savoir-faire, dont la relève n’a pas été préparée, en dehors d’une tentative de les remplacer par de nouvelles recrues, dont le nombre est souvent très important mais l’efficacité insuffisante. D’où cette volonté avec le projet SH2030 de mettre en œuvre une nouvelle stratégie de formation et une « Corporate University ».

Cette nouvelle démarche peut bien-sûr attirer les meilleurs talents, mais il faudra surtout les « créer » à mon avis avec cette politique de formation, et bien d’autres actions ou incitatifs, y compris salariaux.

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