Contribution. Décidément, les agenciers de la fameuse MAP (pour Maghreb Arabe…Propagande) ne chôment pas et ils redoublent d’ingéniosité pour synchroniser, à travers leurs dépêches suintant la haine de l’Algérie, le lobbying toxique et immoral mené par les chancelleries marocaines à Santiago, Rome, Bruxelles et Paris auprès de députés de la droite extrême en France et en Italie, qui ont tous en commun, leur goût immodéré et cupide pour les délices du royaume « enchanté » (pour les étrangers) et les plaisirs gracieux de la Mamounisation de la diplomatie.
En effet, Le Makhzen se livre depuis quelques temps à des gesticulations grotesques sur la question de l’aide humanitaire aux réfugiés sahraouis. Après ses vaines tentatives d’empêcher toute livraison humanitaire européenne dans le contexte de la pandémie du Covid-19, le Maroc exhume une vieille rengaine, bien recuite, sur les allégations de détournement de l’aide humanitaire ainsi que sur le nombre « réel » des réfugiés sahraouis.
Cette agitation vise avant tout à sauver l’argumentaire fallacieux sur la question du recensement, dont il a fait son cheval de bataille dans la pérennisation du statu quo, après l’écroulement des autres arguments fantasques sur la « marocanité » du Sahara occidental, notamment suite à la reconnaissance sur le plan juridique interne marocain, de la réalité du territoire sahraoui, au travers de la promulgation des lois portant adoption des accords de pêche UE-Maroc et d’adhésion à la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Une démarche bancale, lorsqu’on sait que le dessein des manœuvres dilatoires marocaines n’est autre que l’étouffement des chiffres officiels onusiens sur le nombre des réfugiés sahraouis en recourant à ses stipendiés au Parlement européen, dont le dernière recrue, Nicolas Bay, vice-président du rassemblement national (ex front national) et vice-président du groupe de l’extrême droite à l’hémicycle européen, vient d’étaler dans une publication toute la palette propagandiste du Maroc en la matière.
Un mode opératoire, usé à fond à cette fin : des allégations reprises par un site de désinformation, dit indépendant, en quête de notoriété « EU today », relayées par un site électronique marocain (Maroc-diplomatique), en collaboration et sous la supervision de l’agence officielle MAP, auxquels se joint, comme à l’accoutumée, un parlementaire, au discours xénophobe et raciste, devenu, comme par enchantement, un adepte forcené de la « cause nationale ». Comble de l’ironie, cet eurodéputé, qui accuse l’Algérie et le Polisario de détournement, est lui-même mis en examen pour détournement de fonds publics.
Cela passe bien évidemment par le dénigrement du pays hôte des réfugiés mais aussi par des appels à couper les aides de l’Union européenne au peuple sahraoui, au nom d’arguments spécieux visant à exhumer et à remettre sur le tapis un rapport de l’Office européen de lutte contre la Fraude (OLAF), datant de 2007, en le sortant de son contexte, dans le seul but de nuire à l’Algérie et au Polisario et d’arrêter l’aide de l’UE aux réfugiés sahraouis, sachant que l’ancienne vice-présidente de la Commission européenne, chargée du Budget, Kristalina Georgieva, avait déclaré, le 24 mars 2015, que les « accusations de détournement de l’aide humanitaire de l’UE aux camps des réfugiés à Tindouf sont injustes ».
Les responsables européens, qui ne font jamais référence audit rapport, ont toujours souligné que l’acheminement de l’aide humanitaire obéissait à un dispositif de contrôle extrêmement rigoureux, objet de rapports d’audit réguliers, y compris au niveau des camps de réfugiés.
D’ailleurs, son contenu a été formellement dénoncé le 14/07/2015 par le Directeur général de l’aide humanitaire et de la protection civile (DG ECHO), qui le qualifie « de rumeurs et non de faits vérifiés ». Notons que cette structure opérationnelle de l’UE est en charge du pourvoi de l’aide humanitaire et, donc, la mieux indiquée pour en évaluer l’efficacité de son acheminement.
Quelle mouche a donc piqué le Makhzen pour s’agiter de cette manière aussi bien à Genève, à Rome qu’à Bruxelles ?
La raison est à chercher dans un rapport du HCR sur l’évaluation du nombre de réfugiés sahraouis vivant dans les camps près de Tindouf, adopté officiellement et transmis au Secrétaire général de l’ONU en mars 2018. Ce document officiel a fortement dérangé l’occupant marocain, qui ne cessait d’argumenter ses allégations de détournement de l’aide humanitaire par des soi-disant chiffres surestimés fournis par le Polisario, par rapport aux chiffres réels qui seraient selon des « observateurs » cités par le Makhzen et ses affidés de 70.000 à 90.000 personnes.
Or, il se trouve qu’en mars 2018, le Haut-Commissariat aux réfugiés, la première instance internationale en charge de la question de l’aide humanitaire aux réfugiés sahraouis, a actualisé, non pas à la baisse comme le souhaitait et prétendait le Maroc, le nombre des réfugiés sahraouis dans les camps à Tindouf, mais à la hausse, pour le porter à 173.600 ; soit une progression de presque 40 %, par rapport aux estimations de 2007. Ces statistiques arrêtées au 31 décembre 2017 sont même supérieurs aux chiffres sur lesquels le HCR, l’UE et le Programme alimentaire mondial planifiaient leurs actions d’aide humanitaire.
L’importance de ce rapport du HCR réside dans au moins trois niveaux. D’abord, au plan de son exhaustivité, il représente l’analyse la plus complète jamais réalisée depuis 2007 sur le sujet, de l’aveu du HCR. Ensuite, du point de vue de la valeur heuristique, ses conclusions sont le fruit d’une mission d’experts multisectorielle impliquant, en plus du HCR, des organisations de renom comme l’UNICEF, le PAM et plusieurs ONG internationales. Comme le spécifie bien le rapport en question, l’équipe de la mission d’experts a eu un « accès complet » aux sites et informations demandés qu’elle a triangulés de manière « indépendante ». Il y a, également, la méthodologie rigoureuse de ce rapport, basée sur les conclusions du Groupe de travail sur les chiffres de la population (PFWG) et sur les normes internationales requises en matière de traitement des données statistiques, comparativement aux estimations de 2007. À titre d’exemple, la rigueur de cette évaluation a amené la mission du HCR à exclure de ses statistiques les étudiants sahraouis de plus de 18 ans se trouvant en dehors des camps de réfugiés.
Pire encore pour le Maroc. Le Programme alimentaire mondial (PAM) s’est approprié les nouveaux chiffres du HCR, en citant le rapport que cette agence onusienne a établi, en août 2018, sur « l’évaluation de la sécurité alimentaire pour les réfugiés sahraouis », lequel renvoie à trois reprises au rapport du HCR et au chiffre actualisé des réfugiés sahraouis.
Le couperet est venu de l’ancien Commissaire européen en charge de l’aide humanitaire et de la gestion des crises, M. Christos Stylianides. Dans une réponse écrite à une question d’eurodéputés l’interpellant sur la nécessité d’adapter à la hausse l’aide financière de l’UE aux réfugiés sahraouis à la lumière des nouveaux chiffres officiels des Nations Unies, M. Stylianides a indiqué clairement que l’Union européenne « est pleinement consciente des résultats du recensement de 2018 réalisé par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) sur la population de réfugiés sahraouis vivant à Tindouf ». Le même responsable avait souligné le 27 avril 2016 que « l’aide humanitaire de la Commission européenne n’est ni fournie, ni contrôlée par une quelconque autorité politique », en allusion aux allégations marocaines.
L’Exécutif européen vient de réitérer, de nouveau ce jeudi 2 juillet 2020, à travers la réponse du Commissaire à la gestion des crises, M. janez Lenarčič, à une question de l’eurodéputé de la gauche unitaire, Miguel Urban Crespo, sur la situation des réfugiés sahraouis notamment durant la crise sanitaire en cours, la détermination de l’UE pour le soutien aux réfugiés sahraouis, pour lesquels elle demeure « un donateur constant et fiable », a-t-il précisé. Le commissaire a ajouté, de manière qui ne peut souffrir d’aucune ambiguïté que « pour le détournement de l’aide humanitaire, je veux vous assurer que nous avons de fortes garanties sur place. Nous avons élaboré des mesures de contrôle et de surveillance pour garantir que l’aide de l’UE ne soit pas détournée à un point tel que nous sommes accusés par nos partenaires, à cause de ces standards très stricts, qu’il est devenu difficile de travailler avec nous » avant de conclure sa réponse en réaffirmant, de manière péremptoire, « nos garanties sont suffisamment robustes pour éviter que l’aide de l’UE ne soit détournée ».
Circulez, il n’y a plus rien à voir.
Voilà qui devrait faire taire, à jamais, les marionnettes Nicolas Bay et Dominique Bilde. Comme son collègue, cette dernière est impliquée dans l’affaire des assistants fictifs employés par les députés du Front national au Parlement européen. Elle est citée dans le rapport de l’OLAF sur cette question et elle doit rembourser une somme de 40.000 euros. Quant à l’autre marionnette du makhzen, l’italien Massililien Salini, dont toutes les interpellations au Parlement européen, frappées du sceau du crétinise, concernent l’Algérie ou le Front Polisario (étrange constance) vient d’enfourcher le canasson fourbu mis à sa disposition par la chancellerie marocaine pour mener une croisade indigne et mensongère sur une prétendue persécution des chrétiens en Algérie en relayant des foutaises préfabriquées à propos de la situation en Kabylie.
En faisant un abcès de fixation sur la question du recensement et de l’enregistrement des populations des camps des réfugiés à Tindouf, la diplomatie marocaine, avec l’aide de ses relais médiatiques et « politiques », croit trouver l’excuse imparable pour saborder le processus politique. On se demande en quelle qualité le Maroc peut-il formuler une telle demande, alors qu’il n’est pas le pays d’origine, ni un pays d’accueil et encore moins un donateur.
De plus, la question de l’enregistrement des réfugiés sahraouis est un élément parmi le package du Plan de paix onusien devant impérativement conduire à la tenue du référendum d’autodétermination et, qu’à ce titre, il ne peut être isolé en dehors des progrès tangibles à réaliser par les Nations Unies dans la recherche d’une solution définitive à cette question de décolonisation dont le statut ne changera pas avec ces énièmes et piteuses gesticulations marocaines.
*Slimane Hamzaoui est politologue
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