Le Maroc a franchi le pas de la normalisation des relations avec Israël, empruntant la voie tracée par les Émirats arabes unis en août dernier, avec l’appui à peine discret de l’Arabie saoudite.
Le royaume de Mohamed VI rejoint ainsi la liste des pays arabes ayant décidé d’établir des relations diplomatiques avec Tel-Aviv sans négocier la moindre contrepartie pour les Palestiniens, ne serait-ce que l’arrêt de la colonisation.
Comme pour les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, c’est le président américain Donald Trump, qui a annoncé la nouvelle, jeudi 10 décembre.
« Une autre avancée HISTORIQUE aujourd’hui ! Nos deux GRANDS amis, Israël et le Royaume du Maroc, ont accepté de normaliser complètement leurs relations diplomatiques – un grand pas en avant pour la paix au Moyen – Orient ! », a écrit le président américain sur Twitter, son réseau social préféré. Une quarantaine de mots pour annoncer une nouvelle qui risque d’avoir de lourdes conséquences dans une région peuplée par plus de 100 millions d’habitants.
En échange de sa décision d’établir des relations diplomatiques avec Israël, le Maroc a obtenu la reconnaissance par les États-Unis de Donald Trump de sa « souveraineté » sur le Sahara occidental.
Cet accord a été scellé au cours d’un entretien téléphonique entre Trump et Mohamed VI. Le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita a vanté un succès diplomatique du Maroc dans le dossier du Sahara occupé, en affirmant que des années d’efforts de son pays ont été « couronnées par la reconnaissance des États-Unis, la grande puissance du Conseil de sécurité, acteur influent sur la scène internationale ».
Pour matérialiser cette reconnaissance par une grande puissance, il a indiqué que les États-Unis allaient ouvrir un consulat à Dakhla au Sahara occidental occupé.
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Cet « accord entre colons », comme l’a qualifié une députée du Parlement européen, est-il vraiment d’un succès diplomatique pour Mohamed VI ? Pour l’ancien diplomate algérien Abdelaziz Rahabi, il n’y a pas de quoi être fier d’un tel accord.
« Le Maroc perd toute légitimité sur le Sahara occidental qu’il tient désormais de l’étranger. C’est la remise en cause de toute la construction de l’argumentaire marocain sur le Sahara occidental. Maintenant, cette légitimité, il la tient d’un président en fin de mandat », développe-t-il, dans une déclaration à TSA.
Le Maroc, qui considère le Sahara occidental comme une partie intégrante de son territoire, ne peut pas se suffire de la décision unilatérale du président Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur un territoire classé par l’ONU sur la liste des territoires non autonomes depuis 1963.
Comme l’a rappelé le ministère algérien des Affaires étrangères ce samedi, le président Trump n’a aucune légitimité à décider, seul, du sort des conflits liés à la décolonisation.
Par ailleurs, l’opinion publique marocaine est en majorité hostile à la normalisation avec Israël au détriment de la cause palestinienne. Le roi du Maroc doit pouvoir trouver les bons arguments pour convaincre en interne.
Autre motif d’inquiétude pour le Maroc : « Aucun pays n’a suivi la déclaration de Trump sur le Sahara occidental, y compris la France qui est un soutien traditionnel du Maroc parce qu’elle sait que sur le plan du droit international, c’est une hérésie », remarque Abdelaziz Rahabi.
Pour M. Rahabi, la décision de Trump n’aura aucun effet sur le processus de décolonisation au Sahara occidental. Il rappelle que le président américain a déjà pris des décisions unilatérales pour le Golan syrien et Jérusalem.
M. Rahabi déplore la décision du Maroc de faire intervenir des acteurs étrangers dans le conflit au Sahara occidental. Du coup, cette question n’est plus un « problème régional ». « Nous ne sommes plus dans la diplomatie régionale, mais mondiale. Le Sahara occidental est devenu un problème moyen-oriental », explique-t-il, réfutant l’idée que la reconnaissance par Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental comme un échec de la diplomatie algérienne, même si sous le règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie a perdu du terrain au plan diplomatique.
Abdelaziz Rahabi pense que la décision de Trump sur le Sahara occidental ne tiendra pas longtemps parce qu’elle est contraire à la doctrine américaine sur ce dossier. Toutefois, si le nouveau président des États-Unis Joe Biden, qui prendra le pouvoir le 20 janvier, est un fervent défenseur du multilatéralisme, l’establishment américain soutient la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. En liant les deux dossiers (Sahara occidental et normalisation), Donald Trump a laissé un dossier explosif à son successeur.
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