Abdelkrim Boudraâ est le porte-parole du collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées), think tank fondée en 2011 et fortement engagé dans le mouvement populaire contre le pouvoir.
Comment évaluez-vous le déroulement de ce onzième vendredi de manifestations contre le pouvoir ?
Ce onzième vendredi a été une grande réussite dans le sens où il y a eu une très grande mobilisation. Je parle bien d’Alger mais aussi des autres wilayas. Il y a même des villes où la mobilisation a progressé par rapport aux vendredis précédents.
À Alger, la mobilisation a été très forte, peut-être plus forte que lors du dixième vendredi. Certains ont encore les références du 1er ou du 8 mars où il y avait plus de monde, il y a peut-être moins de personnes qui se sont déplacées que lors de ces deux dates, mais le plus important est que cette fois-ci il y a eu une mobilisation politisée. Hier, j’ai eu l’impression de participer à une marche de militants engagés, conscients, avec des slogans puissants. C’est ça la nouveauté, le mouvement a atteint un seuil et il s’engage sur une nouvelle phase politique.
Les Algériens ont exprimé hier leur rejet de Bensalah et de Bedoui et de la tenue des élections du 4 juillet sous cette présidence…
C’est une confirmation de ce qu’ils ont dit lors des précédentes marches. Les Algériens ne veulent pas de Bedoui et Bensalah et tous ceux qui représentent les restes du système Bouteflika. Il n’y aura pas d’élections sous la conduite de ces personnes, c’est clair.
Personne ne peut imaginer qu’un peuple qui sort par millions pour dire son rejet de ce système puisse accepter qu’il y ait des élections dans ces conditions. Je pense que même à l’intérieur du pouvoir ils n’y croient pas. La tenue des élections dans ces conditions est matériellement difficile et politiquement impossible.
Il faut rester prudent pour ne pas faire dire au mouvement ce qu’il n’a pas dit, mais j’ai vu que les manifestants refusent que des gens impliqués dans le système Bouteflika soient impliqués d’une façon ou une autre dans la transition ou même la pré-transition. Ils rejettent bien évidemment tout dialogue mais pas que, ils rejettent toute solution qui pourrait provenir de ces personnes. Les Algériens savent que le pouvoir est maintenant détenu par l’armée et ils l’ont donc appelée à assumer ses responsabilités.
Le mouvement populaire va-t-il se poursuive pendant Ramadan ? Et sous quelle forme ?
Bien sûr, on en a eu confirmation hier. Les Algériens sont totalement engagés sur cette voie et j’imagine mal qu’ils puissent faire marche-arrière. On a des échos d’associations, de mouvements qui s’organisent et on a déjà dit que pendant le Ramadan, on continuera à sortir.
Peut-être qu’il y aura d’autres formes de manifestations mais il y a déjà la confirmation que vendredi prochain il y aura des Algériens qui sortiront pour dire non au pouvoir.
Les Algériens ont choisi la voie pacifique pour lutter, ils l’assument et le comprennent. Ils ont dit qu’ils ne veulent pas de solution violente. Donc ils vont marcher, s’exprimer, ce sont les instruments de lutte qu’ils ont choisi et ils vont continuer à manifester.