En moins d’une semaine, deux rapports des plus sérieux, émanant du FMI et du Département d’État américain, ont sévèrement critiqué la gestion de la chose économique par le gouvernement Ouyahia.
Le bureau des affaires économiques et commerciales du Département d’État américain, chargé de promouvoir la sécurité économique et la prospérité des États-Unis à l’étranger, a pointé du doigt le « difficile » climat des affaires en Algérie marqué par « un environnement juridique incohérent » et des « politiques contradictoires qui compliquent les investissements étrangers » alors que le pays recèle un grand potentiel en matière d’opportunités d’affaires « dans presque tous les secteurs ».
Rien n’a échappé au regard critique du Département d’État qui a énuméré un chapelet d’hérésies économiques comme les restrictions imposées, depuis 2014, par le gouvernement aux importations, la règle dite de 51/49 présentée comme une vraie barrière devant les PME étrangères voulant accéder au marché algérien, l’« incertitude du marché algérien » accentuée par « la nature arbitraire des changements fréquents apportés par le gouvernement à la réglementation des affaires », une instance dédiée à l’investissement, l’Andi, qui se distingue par son « inefficacité » et son manque de pouvoir décisionnel », la mainmise du politique (le gouvernement) sur la moindre décision économique, etc.
Dit en termes abruptes, l’Algérie est loin d’être, aux yeux des Américains, une terre bénie pour l’investissement malgré son énorme potentiel. Ce qui explique la frilosité de leurs entreprises à s’implanter chez nous.
De leur côté, les experts du Fonds monétaire international (FMI) ont prédit, le 16 juillet, un avenir sombre pour l’économie algérienne. Leur cible principale : la planche à billets actionnée par le gouvernement en septembre 2017 pour faire face aux difficultés budgétaires. Une mesure qui ne trouve pas grâce aux yeux de l’institution dirigée par Christine Lagarde qui l’estime porteuse de « tensions inflationnistes » et de « sérieux risques » pour l’économie.
Des choix économiques qui risquent, craint le FMI, de « compliquer la gestion macroéconomique, « nuire à la croissance » et « aggraver les risques pour la stabilité financière à moyen terme ». Et à l’institution de Bretton Woods de prévenir : « Dans un environnement où les aléas extérieurs risquent d’entraîner une révision à la baisse des perspectives, la nouvelle stratégie pourrait exacerber encore les déséquilibres macroéconomiques, voire les tensions sociales ».
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Ainsi donc la démarche du gouvernement, que ce soit pour « attirer » les investissements étrangers ou pour faire face à la crise financière, est sévèrement remise en cause par deux institutions étrangères sans faire réagir les gardiens du temple nationaliste, très prompts pourtant à froncer les sourcils et à vilipender la main de l’étranger dès qu’une critique est formulée par une partie étrangères à l’égard de l’Algérie.
En effet, les partis dits du pouvoir, le FLN et le RND, se sont tout bonnement inscrits aux abonnés absents eux qui tenaient les clés de la boutique depuis des décennies. Idem pour le gouvernement qui s’est muré dans un silence assourdissant et inexplicable alors que c’est toute sa politique économique qui vient d’être malmenée. Ni le patron de l’Exécutif qui s’était publiquement gaussé, en avril dernier, des mises en garde des experts algériens sur les effets pervers du financement non conventionnel, ni le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, qui a , il n’y a pas longtemps, brandi à la figure du FMI qui a critiqué le recours à la planche à billets, la souveraineté de l’Algérie dans ses choix économiques, n’ont jugé utile de répondre aux critiques consignées dans les deux rapports susmentionnés.
Seul le patron de l’UGTA Abdelmadjid Sidi Said est monté au créneau, samedi à l’occasion de l’ouverture des travaux du congrès de la Fédération des travailleurs des banques et assurances, pour porter la contradiction au FMI qui, selon lui, « n’a aucune crédibilité ni aucune autorité en ce qui concerne la politique économique ou sociale de l’Algérie ». Et d’ajouter : « Une telle politique a son dépositaire, et il s’appelle Abdelaziz Bouteflika, président de la République ».
Dans les faits, ce n’est pas à la Centrale syndicale (elle doit avoir d’autres chats à fouetter et fort à faire avec les problèmes des travailleurs) mais plutôt au gouvernement de répondre à ses détracteurs et, du coup, rassurer un tant soit peu les Algériens quant à la pertinence des options économiques ou politiques retenues. Sauf si l’équipe gouvernementale minimise la portée des sévères critiques émises par une institution comme le Département d’État américain ou un partenaire de poids comme le FMI. Ou que le gouvernement ne soit gagné par le doute et n’a plus d’arguments solides à opposer à ses contradicteurs.
Conclusion hâtive ? Peut-être. Mais le gouvernement doit s’exprimer et, surtout, s’expliquer sur ses choix pour ne pas laisser l’opinion publique dans le flou.
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