Après avoir célébré leur Journée nationale sur fond de mouvement populaire dimanche 19 mai, les étudiants sont sortis par milliers ce mardi dans l’espoir d’obtenir un changement radical du système en place.
Pour cette treizième semaine de mobilisation, les jeunes gens, qui avaient déjà innové la semaine dernière en proposant un nouvel itinéraire (sièges de la wilaya et de l’APN, tribunal Sidi Mhamed), ont cette fois souhaité se rendre au le Palais du Gouvernement.
« Parce qu’on n’a nulle part où aller, justifie l’un d’entre eux. Ils ont fermé la Grande Poste, l’avenue Pasteur, la place Audin, le Tunnel des Facultés ».
Le cortège, particulièrement dense, s’est élancé comme à son habitude à 10h30, rue Didouche-Mourad. Comme depuis trois mois, les slogans appellent au départ des hommes forts du régime (Bédoui, Bensalah, Gaïd Salah).
« Doula madaniya machi askariya (Nous réclamons un état civil, non militaire) » est aussi scandé à plusieurs reprises. Sur les pancartes, le report des élections présidentielles fixées au 4 juillet est toujours réclamé. « On doit rester mobilisés contre ce système. La constitution actuelle est rejetée par le peuple. Élire un président sur la base de cette Constitution, ça ne changera pas les choses. On a besoin d’une période de transition et pendant laquelle on pourra préparer calmement des élections », argumente un étudiant resté anonyme.
La foule atteint la rue du Docteur-Saadane vers 11 heures. Là, les manifestants qui espéraient accéder à l’une des entrées du Palais du Gouvernement sont confrontés à un imposant dispositif de police. Les esprits s’échauffent. On entend à plusieurs « Yal hagarine ! »
Des aînés, hommes et femmes, présents sur place, expriment aussi leur « mépris » à l’égard des forces de l’ordre. Quelques minutes plus tard, un premier cordon cède sous les applaudissements et les youyous des étudiants.
Mais la joie est de courte durée : d’autres agents ainsi que des fourgons blindés font barrage. La tension est à son maximum. Du spray lacrymogène est aspergé sur les manifestants. Des coups sont donnés. Des cris de terreur retentissent. Les manifestants les plus mal-en-point son immédiatement évacués et pris en charge par les brassards orange.
Les policiers finissent par éloigner la totalité du cortège à l’aide de leurs boucliers. « Ils ont arrêté des étudiants, des docteurs. On les a pris comme des chiens ! Ils ont eu des propos sexistes à l’égard des femmes. On leur a dit que leur place était à la cuisine à préparer de la chorba », raconte Oussama, étudiant en télécommunication à l’USTHB.
« Depuis tout ce temps, nos revendications ne sont pas prises en considération. Alors oui, on a voulu taper plus fort, ajoute son camarade de classe. Mais c’est décourageant de voir les policiers, qui sont nos frères, des citoyens comme nous, qui ont peut-être leur propre famille ici, nous séquestrer en plein ramadan. C’est intolérable ». Pour préserver le côté pacifique du mouvement qui a fait la renommée du peuple algérien à travers le monde, un enseignant de l’USTHB suggère lui de « ne plus franchir les barrières ».
Dispersés, certains empruntent la rue du 19 mai 1956 quand d’autres font un plus large détour pour récupérer la rue Didouche et repartir vers la Grande Poste. Il est alors 13 heures.
Les derniers manifestants quittent l’hyper-centre en milieu d’après-midi. « Pour qu’on soit contents, il faut qu’ils dégagent tous, conclut Meriem, qui étudie la chimie en master. La jeunesse est fatiguée ! Si la jeunesse est fatiguée, il n’y aura jamais de rendement sur ce pays ».