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« Le Panel a commis une erreur de jugement »

« Le Panel a commis une erreur de jugement »

Mansour Kediri est politologue, chercheur associé au CRASC (Oran) et professeur associé à l’École supérieure d’économie.

Comment se présente la situation politique après plus de 5 mois de protestations populaires pacifiques ?

Lorsque dans une situation politique, l’incertitude quant au dénouement de la crise perdure, le désarroi s’installe, les acteurs politiques interagissent sous les contraintes du moment et on n’est pas loin d’une radicalisation. À raison parce que les lendemains font peur. Pour reprendre une expression de Gramsci, dans le clair-obscur que nous vivons peuvent surgir des monstres.

Pourquoi sommes-nous arrivés à cette situation ?

Une première réponse nous renvoie au système politique algérien, monolithique et fermé à tout changement. Cela a été dit et écrit, sous le choc, il chercherait à s’adapter avec un ravalement de façade. On a vu comment il s’est conformé aux conventions internationales (droits de l’Homme) tout en maintenant la société cadenassée.

Une deuxième réponse se rapporte à l’incapacité des partis de s’entendre sur une feuille de route. C’est la faillite des partis qui risque de faire plonger le pays dans le noir. Une troisième a trait au détenteur du pouvoir réel. C’est la question la plus importante. L’institution militaire appréhende cette situation avec plus de gravité eu égard à ses missions constitutionnelles.

Mais devant une classe politique éparpillée, un hirak exerçant chaque vendredi une pression politique, que peut-elle espérer sinon la tenue des élections comme voie salutaire pour sortir de la crise ? En revanche, si les partis, toutes tendances confondues, s’entendent sur une démarche commune, l’institution militaire pourrait les accompagner.

Le panel de dialogue et de médiation présidé par Karim Younes peut-il réaliser le consensus auprès du Hirak ?

Le panel n’a pas de crédit. Désigné dans la précipitation, il porte les tares de sa propre destruction. Deux membres ont déjà démissionné. En dehors du profil des membres qui sont, du reste, des personnes respectables, on se demande s’ils ont bien la capacité d’assumer la médiation tant attendue ? Convaincre tous les acteurs politiques et sociaux de s’asseoir autour d’une table pour arriver à un compromis commande des personnalités d’envergure nationale, ayant bâti leur légitimité sur une intégrité politique et la présence de représentants du pouvoir réel. Dans le cas contraire, le dialogue s’apparenterait à une farce.

Le dialogue peut-il se faire sans préalables alors que l’opposition les réclame ?

Par naïveté ou par manque d’appréciation de l’équilibre des pouvoirs, le panel avait cherché à acquérir une certaine légitimité en posant des préalables. Il pensait que par cette démarche, il pourrait s’imposer à la classe politique. C’était une erreur de jugement. Dans sa lettre de mission, le chef d’État a souligné que le panel devait amorcer les contacts pour la tenue d’un dialogue national. La question du dialogue devait être posée lors des assisses de ce dialogue. Mais là, nous sommes loin du problème. Lorsque les mêmes voix qui avaient soutenu le 5e mandat répondent favorablement à l’appel du panel et que ce dernier procède de la même manière dans l’approche des problèmes politiques comme si nous étions dans les années quatre-vingt, on prend conscience, dès lors, de la forfaiture qui s’y prépare.

Aller directement aux élections ou passer par un processus constituant, ce sont les deux tendances enregistrées chez la classe politique et les activistes des droits de l’Homme. Quelle option choisir ?

Les deux thèses sont défendables. On peut rapprocher les deux points de vue dans un compromis. Comme je l’ai déjà souligné, les partis d’opposition, les personnalités nationales intéressées et engagées dans le processus et les intellectuels actifs doivent arriver à des arrangements lors d’une conférence nationale. Le compromis abouti doit prendre la forme d’un pacte national. Si la voie des élections fera le consensus, le président élu sera tenu d’appliquer durant sa mandature le pacte national. Je pense que de cette manière, on pourra rapprocher les deux visions. Au demeurant, la situation actuelle ne se prête pas à un dialogue responsable, puisque le panel désigné s’apparente à un feu de brindilles.

La posture du pouvoir est-elle en faveur du dialogue ?

Quelle que soit notre conception du pouvoir actuel, je pense qu’il croit au dialogue, néanmoins sa posture, caractérisée par des hésitations et le changement de ton dans le discours, nous amène à mettre en exergue les tergiversations dans la gestion de la crise. Longtemps, les crises en Algérie ont trouvé leur dénouement dans les procédures sécuritaires. C’est pour dire que les autorités nationales n’ont jamais cherché à construire des paradigmes dans la prévention et la gestion des crises. Cela montre notre perplexité devant tant d’incompréhension dans la recherche d’une solution de la crise alors que le pays regorge de compétences avérées.

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