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Le parcours d’un migrant afghan pour s’intégrer dans un village français

Le parcours d’un migrant afghan pour s’intégrer dans un village français

« J’ai un travail, beaucoup d’amis français, de bons contacts avec les habitants. Je ne suis jamais seul ». Trois ans après son arrivée dans l’est de la France avec d’autres migrants, Nemat Faryabi, un Afghan de 27 ans, s’intègre dans la vie d’un village de 160 âmes.

S’il raconte aujourd’hui son histoire en souriant, les débuts sont durs lorsqu’il arrive, de nuit, en décembre 2015. « Il faisait froid. Il y avait plein de brouillard. Je ne savais pas du tout où j’étais », se souvient le jeune homme.

Il était parti de Calais, port du nord de la France où s’entassent les candidats à l’immigration clandestine vers la Grande-Bretagne, dans un des bus affrétés alors par les autorités pour désengorger un immense camp sauvage de migrants, appelé « la jungle » et situé à Calais, en transférant des réfugiés vers des centres d’accueil et d’orientation ouverts ailleurs en France.

Le trajet a été long, le migrant pense qu’il est en Grèce ou en Allemagne. Avec deux autres Afghans et trois Soudanais, il vient pourtant d’arriver – au hasard de son affectation – en Saône-et-Loire (est), où il est accueilli par les frères de la communauté oecuménique chrétienne de la petite localité de Taizé.

Ensemble, ils rejoignent sept Soudanais, arrivés quelques jours plus tôt, dans une maison mise à leur disposition par les religieux au centre du village. Mais dès le troisième jour, les deux autres Afghans décident de partir. Faute d’argent, Nemat ne peut pas les suivre.

A l’époque, celui qui était militaire dans son pays ne se sent pas en sécurité à la campagne. « En Afghanistan, il y a plein de villages et de montagnes, c’est là que les talibans viennent pour faire la guerre, j’avais peur que cela soit pareil ici », explique-t-il.

Il se retrouve seul parmi dix Soudanais du Darfour (zone de conflit de l’ouest du Soudan), sans pouvoir communiquer. « Je ne parlais pas français, pas anglais, pas arabe. Au début, c’était vraiment difficile. J’avais peur », relate-t-il aujourd’hui dans un français courant.

« Si un Soudanais entrait dans une pièce quand j’y étais, je quittais la pièce. Ils se parlaient entre eux, je ne comprenais pas. Petit à petit, cela a été mieux ».

– ‘Particulièrement isolé’ –

Les journées s’organisent autour de cours de français et des démarches de demande d’asile, longues et complexes. Il finira par obtenir la « protection subsidiaire » – droit d’asile pour les personnes en danger mais ne répondant pas aux critères précis du statut de réfugié.

Un parrainage, mis en place avec des familles volontaires, aide à la pratique du français et à l’intégration de chacun. De nombreuses personnes des villages alentour proposent leur aide. Marie Braun, musicienne et danseuse de profession âgée d’une quarantaine d’années, donne ainsi des cours de français.

« Les migrants n’ont pas choisi de venir ici, ils ont fui leurs pays en guerre. Ils ont l’élégance, la pudeur de se montrer forts et positifs malgré leur souffrance ». Elle est admirative de Nemat, devenu son ami. « Il a été très courageux car il était particulièrement isolé ».

La communauté de Taizé, qui rassemble une centaine de frères catholiques et protestants venus d’une trentaine de pays, a accueilli et aidé ces dernières années plus d’une trentaine de migrants originaires du Soudan, d’Afghanistan ou d’Érythrée, ainsi que quatre familles réfugiées d’Irak et de Syrie.

Tous ne sont pas restés sur place mais la majorité est toujours en France et a gardé des liens forts avec les frères, auxquels ils donnent des nouvelles régulièrement.

Pour frère David, le fait que Nemat ne parle pas la même langue que les autres a permis « d’ouvrir le groupe ». Le jeune homme reste d’ailleurs très proche de la communauté et des autres réfugiés, qu’il considère aujourd’hui comme sa famille.

Fin 2016, il a débuté une formation de maçon, tout en travaillant dans une entreprise locale. Après dix mois passés à Taizé, il a pris son autonomie et loué un studio dans le village voisin d’Ameugny (est).

Et l’été dernier, pendant une semaine de congés, le jeune Afghan est retourné à Calais. Mais comme bénévole cette fois, pour aider d’autres migrants.

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