Le front social est en ébullition en Algérie. Après une trêve sociale qui a duré plus d’une année, les mouvements de protestation sont revenus en force depuis plus d’un mois, avec des grèves et des rassemblements des travailleurs pour réclamer la satisfaction de leurs revendications sociales.
Ce que tout le monde redoutait est peut-être en train de survenir, soit la jonction entre le mouvement de contestation politique du Hirak et les revendications sociales de différentes catégories de la population algérienne.
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Les manifestations du Hirak ont repris en février dernier après une année de suspension pour cause de crise de Covid-19 et les mouvements sociaux sont de retour depuis début avril.
Le front social grogne et certains syndicats sont « passés à l’acte » en décrétant des grèves. D’autres prédisent une « explosion sociale » si les revendications ne sont pas prises en charge.
Dans une conjoncture de baisse des revenus du pays et de ralentissement de l’activité économique et de blocage quasi-total de l’investissement, les autorités auront besoin de beaucoup de tact et d’ingéniosité pour gérer la situation.
La première catégorie à être montée au créneau, ce sont les personnels de la santé. Ereintés par une année de lutte, dans des conditions difficiles, contre la pandémie de Covid-19 qui a emporté des dizaines de leurs camarades, et faisant face à des conditions sociales chaque année plus difficiles, médecins, infirmiers et enseignants chercheurs ont eu recours au débrayage le 8 avril dernier.
Moins d’une semaine plus tard, les postiers surprennent tout le pays par une grève inattendue au moment où étaient virées les pensions de retraites et au tout début du Ramadan où les citoyens ont particulièrement besoin de disposer de leur argent pour faire face aux dépenses de ce mois. Les postiers avaient été accusés de « chantage » et de prendre les citoyens en « otage ». Après des promesses de la direction d’Algérie Poste, ils ont mis fin à leur mouvement.
Les agents de la Protection civile sont eux aussi montés au créneau en observant des sit-in de protestation. Ils réclament la revalorisation de leur salaire de base, entre autres revendications. Pour les calmer, leur direction n’avait que la promesse d’une prise en charge des points soulevés lors de la révision des statuts particuliers.
La dernière corporation à entrer en scène est la plus habituée ces dernières années aux débrayages et aux mouvements de protestation : les enseignants.
Pendant que les prix montent, les salaires stagnent
Trois syndicats de l’éducation (Satef, Cela, et Unpef) viennent d’appeler à une journée de protestation ce mercredi 28 avril, avec au menu un débrayage et des rassemblements devant les directions de l’éducation à travers tout le territoire national.
Les enseignants soulèvent plusieurs revendications, mais au cœur de leur action se trouve l’amélioration du pouvoir d’achat, dont l’augmentation des salaires. Les choses risquent de s’avérer difficiles à gérer cette fois puisque avant cet appel des syndicats, des enseignants ont entamé un mouvement de protestation, avec des rassemblements devant les directions de l’éducation de plusieurs wilayas. Le mouvement a commencé à l’Ouest et a atteint la capitale où des rassemblements ont été tenus devant les directions de l’éducation.
Le point commun entre tous les mouvements observés ces dernières semaines, c’est l’hégémonie des questions sociales, salariales plus précisément, sur le reste des revendications. Même les personnels de la santé qui ont beaucoup insisté sur la réforme du secteur, ont réclamé le paiement de la prime Covid.
Il n’est pas étonnant que de telles revendications remontent à la surface dans une conjoncture d’érosion sensible du pouvoir d’achat. Aux retombées de la crise sanitaire sur l’emploi et les revenus de franges entières de la société, se sont ajoutées des tensions successives sur de nombreux produits de première nécessité et une inflation qui a touché quasiment tous les produits.
« Aujourd’hui, le travailleur algérien, dont l’enseignant, vit dans la pauvreté et dans la misère. Il y a une érosion insupportable du pouvoir d’achat », résume Boualem Amoura, SG du Satef.
Pendant que les prix montent, les salaires stagnent et il ne faut pas plus pour que les travailleurs renouent avec la protesta. Et tout cela ne pouvait pas plus mal tomber pour le pays qui, empêtré dans une crise politique qui dure depuis plus de deux ans, n’a pas entamé sa mue économique de laquelle est attendue la relance de l’investissement productif et la diversification de l’économie, seule voie à même de permettre de prendre en charge de manière pérenne les besoins de la société.
A moins deux mois des législatives du 12 juin, le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour permettre à la machine économique de redémarrer, car sans relance, il n’y a point de salut. Augmenter les salaires sans contrepartie en production conduirait à une hausse de l’inflation et affaiblirait davantage le pouvoir d’achat des Algériens.
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