Le dixième vendredi de manifestations populaires a tenu toutes ses promesses en matière de mobilisation. Comme lors des précédentes semaines, des millions d’Algériens ont manifesté pacifiquement dans les rues des 48 wilayas du pays pour réaffirmer leur rejet du système et réitérer leur principale revendication : une transition démocratique réelle sans les figures du régime.
Dans leurs slogans, les Algériens ont précisé qu’ils n’ont pas l’intention de se lancer dans des règlements de comptes. Au contraire, ils réclament une justice indépendante dans le cadre d’un régime démocratique.
En face, plus de deux mois après le début des manifestations, le pouvoir continue de répondre par des manœuvres et un double discours qui trahit l’absence d’une volonté de changement. Ce vendredi, les images de gendarmes fermant les accès routiers à Alger et refoulant parfois violemment des manifestants n’indiquent pas une volonté d’aller vers une satisfaction des revendications populaires.
Bien au contraire. Ces actes de répression s’inscrivent dans la continuité des menaces à peine voilées proférées mardi par Ahmed Gaid-Salah contre l’opposition et les manifestants. Ils s’inscrivent dans la logique des manœuvres du pouvoir pour tenter d’affaiblir et de diviser le mouvement populaire.
Dans ses tentatives de casser la protestation, le pouvoir a déjà joué beaucoup de cartes, dont certaines porteuses de réels dangers pour le pays, à l’image du régionalisme. Chercher à dresser les Algériens les uns contre les autres après leur unité retrouvée est dangereux. Ces actes montrent que le pouvoir ne recule devant rien pour tenter de se maintenir. Sur les réseaux sociaux, ses relais sont de plus en plus actifs, comme lors des premières manifestations contre Bouteflika.
Pour la première fois depuis le début du mouvement, ces signes d’une tentation répressive commencent à inquiéter aussi bien en Algérie qu’à l’étranger. Samir Bouakouir, ancien cadre du FFS, a appelé ce vendredi l’armée algérienne à « méditer » les exemples irakien et syrien.
« Les exemples irakien, libyen ou encore syrien sont à méditer sérieusement par les chefs militaires. Ce qui a provoqué les interventions étrangères, c’est, d’abord et avant tout, le refus quasi-pathologique des dirigeants militaires et civils de se plier à la volonté de leurs peuples », a écrit Samir Bouakouir.
En s’impliquant de manière très directe dans la gestion de la transition politique, l’armée prend le risque de s’exposer de manière inquiétante et à travers elle, elle expose le pays aux dangers d’une ingérence.
Pour sa part, l’International Crisis Group s’est alarmé ce vendredi de l’apparition de signes de répression. Une option contre laquelle le centre met clairement en garde : toute tentation répressive de la part du régime déboucherait sur le chaos.
« L’Algérie de l’après-Bouteflika se trouve à une étape charnière. Elle pourrait s’engager sur la voie de réformes substantielles et de mesures originelles capables de changer le système. Sans quoi, le régime pourrait renouer avec ses tendances autocratiques et répressives. Ce dernier scénario finirait par entraîner l’effondrement du régime, mais le coût humain n’en serait que trop élevé », avertit ICG.
Aujourd’hui, l’option la plus raisonnable est de répondre rapidement et de manière sérieuse aux aspirations des Algériens. Les manœuvres ont montré leurs limites. Poursuivre sur cette voie, c’est jouer avec le feu.