Hakim Belahcel est membre de l’instance présidentielle du Front des forces socialistes (FFS) élue par le congrès extraordinaire tenu en juillet dernier. Dans cet entretien accordé à TSA, il parle de ce congrès, de la crise qui a secoué le parti, du référendum sur la révision constitutionnelle…
Le premier conseil national post-congrès de votre parti vient de se tenir dans la sérénité, tout comme le congrès d’ailleurs. Peut-on dire que la crise est derrière le FFS ?
Soulignons tout d’abord que le congrès national extraordinaire du parti que nous avons tenu en juillet dernier, a réglé le problème de la légitimité et de la légalité des instances dirigeantes vis-à-vis de nos militants et des lois en vigueur dans le pays, et que le premier conseil national post-congrès a rétabli le statut politique de cette instance au sein du FFS. Il faut également rappeler que si le conseil national du parti n’a pas pu jouer son rôle statutaire, d’espace de débat, de contrôle et de délibération, c’est parce qu’il n’a pas pu se réunir durant plus d’une année.
Aujourd’hui fort de ses nouvelles instances légitimes et incontestables et porté par une formidable dynamique militante, le Front des forces socialistes a plus que jamais le regard tourné vers l’avenir. Nous pouvons affirmer que la crise interne qu’a vécue notre parti est derrière nous.
Il s’agira pour nous à présent d’entretenir ce grand élan de rassemblement et de communion qui anime le FFS pour réaliser nos engagements et nos objectifs politiques et organiques. En ligne de mire, la relance du FFS sur la scène nationale comme force incontournable de proposition et de mobilisation aux plans politique, économique et social, ainsi que l’organisation du sixième congrès national ordinaire du FFS.
Vous avez vécu la crise de ces derniers mois en tant que premier secrétaire. À quoi est dû ce « déchirement » auquel on a assisté en plein hirak ? La collégialité n’y était-elle pas pour quelque chose ?
À chaque fois que notre pays est confronté à des évènements socio-politiques, le FFS est paralysé dans son action par des forces extérieures relayées au plan interne, qui l’empêchent à jouer un rôle, par son apport politique et pédagogique, dans le combat pour l’instauration d’un État de droit démocratique et social, à l’origine de ces évènements. L’épisode conflictuel duquel nous venons de nous extraire constitue un exemple frappant des multiples épreuves que le FFS a dû affronter depuis sa fondation en 1963.
Lorsque le FFS s’est impliqué dans les marches contre le cinquième mandat de l’ex-président et plus tard lorsque notre parti avait proposé une initiative de sortie de crise pour l’avènement de la deuxième République, une certaine presse, secondée par les réseaux sociaux, ont mené une campagne de dénigrement et une propagande mensongère contre notre parti. Tout a été fait pour minimiser le rôle du FFS dans le mouvement populaire du 22 février.
Mais grâce à la mobilisation de nos militants et à la haute estime dont bénéficie notre parti au sein de la population du fait de son parcours historique, nous avons pu contribuer activement à la dynamique de ce sursaut populaire pacifique.
Certains parlent d’un « repositionnement » du parti. D’abord pouvez-vous clarifier la situation du FFS vis-à-vis du PAD ?
La ligne politique du FFS est inviolable. Nous avons toujours les mêmes valeurs et les mêmes principes. Nos revendications politiques sont constantes depuis le 29 septembre 1963. Elles ne changent pas au gré des circonstances. Par devoir de mémoire et d’éthique politique, il faudra rappeler qu’à l’origine, le PAD se voulait être une plateforme politique qui reflète les revendications populaires et qui représente une alternative à la feuille de route du régime. Notre indépendance politique et notre autonomie de décision n’ont jamais été dissoutes dans un tel cadre.
Nos instances, qui ont retrouvé leur légitimité et leur fonctionnement normal, vont débattre en toute sérénité et transparence de la situation politique nationale et des perspectives à envisager dans les prochains jours. Il sera notamment question de faire un bilan exhaustif de notre action politique durant les mois écoulés et de décliner les orientations politiques stratégiques pour la suite.
Le FFS appelle de nouveau à un compromis pour construire un consensus national. De quoi s’agit-il et quelles sont les actions concrètes que vous comptez engager prochainement dans ce sens ?
Le FFS est un parti responsable. Le FFS n’a jamais cessé d’alerter les tenants du pouvoir réel sur la gravité de la situation politique, économique et sociale, amplifiée par la crise sanitaire et les menaces à nos frontières. Dans un tel contexte, nous avons fait des propositions pour la résolution de la crise multidimensionnelle qui menace l’effondrement de l’Etat et l’unité de la nation, basées sur un dialogue sincère et transparent pour la reconstruction d’un consensus national en vue de réaliser les idéaux du 1er Novembre et de la plateforme de la Soummam.
Le FFS considère en effet que seule la construction d’un compromis politique historique, qui ralliera dans un cadre consensuel, transparent et sincère, tous les acteurs politiques et sociaux de la nation, sans exclusive, pourra sortir le pays de l’impasse actuelle. Nous sommes conscients de la difficulté de cette mission. Mais nous sommes aussi convaincus que l’amorce d’un vrai dialogue national, qui prendra en charge toutes les questions qui ont trait à l’histoire et au destin commun de la nation, redonnera espoir au peuple algérien.
Il y a comme un manque de visibilité concernant la question des libertés, avec d’un côté des promesses d’apaisement et des libérations, et de l’autre, la poursuite des arrestations. Quelle lecture faites-vous de la situation des libertés et de la situation politique d’une manière générale ? Une sortie de crise rapide est-elle encore possible ?
II est vital de soulager les souffrances de notre peuple et d’œuvrer à sa cohésion, en mettant fin aux atteintes aux libertés collectives et individuelles et aux violations quotidiennes des droits de l’Homme. Nous constatons avec beaucoup d’incompréhension le maintien et le renforcement de mesures répressives à l’encontre des voix pacifiques qui s’élèvent contre l’ordre établi et qui revendiquent un changement démocratique dans le pays. Au FFS, nous nous sommes toujours élevés contre le recours à l’utilisation de la force policière et de l’appareil judiciaire contre des militants, des étudiants ou des journalistes lors de manifestations pacifiques. Nous continuons à exiger la libération immédiate de tous les détenus politiques et d’opinion et la non-judiciarisation de l’acte politique.
Le pouvoir en place a intérêt à comprendre que le peuple algérien aime profondément son pays. S’il s’est engagé d’une manière unitaire, patriotique et pacifique durant plusieurs mois, c’est dans l’espoir de construire un État fort, démocratique et prospère. Désormais, le pouvoir serait bien inspiré de tirer les leçons des échecs du passé. Tourner le dos au peuple et à ses aspirations légitimes c’est encourager la défiance des citoyens à l’égard de l’Etat et de ses institutions.
Le référendum sur la nouvelle constitution aura lieu le 1er novembre. La position du parti vis-à-vis du projet est-elle déjà arrêtée ou le sera-t-elle en fonction de la teneur de la mouture finale, ou d’autres facteurs peut-être ?
Cette question et d’autres sujets d’actualité feront l’objet prochainement d’un large débat au niveau de nos instances, à l’issue duquel nous ferons connaître notre position.
Sans entrer dans le fond du sujet, ce que l’on constate à ce stade est que la démarche pour l’élaboration et l’adoption de cette Constitution n’a pas jugé nécessaire d’associer le peuple algérien à travers ses représentants légitimes dans une assemblée nationale constituante démocratiquement élue. Cela ne garantit donc pas l’adhésion de la population à cette démarche.
Votre lecture de la première mouture rendue publique en mai dernier ?
Au FFS, nous considérons que seul un processus constituant pourra obtenir l’adhésion populaire et construire la confiance qui manque terriblement aujourd’hui pour la réussite de toute initiative politique. Il est encore temps d’accorder au peuple algérien le droit inaliénable et imprescriptible de rédiger, dans le cadre d’une assemblée constituante souveraine, sa première constitution en toute liberté. Lui refuser encore une fois ce droit, c’est parier sur l’échec.