Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane est arrivé à Tunis mardi soir pour une visite controversée, marquée par des manifestations contre son rôle dans la guerre au Yémen et la répression en Arabie saoudite.
Mohammed ben Salmane qui doit rencontrer le président tunisien Béji Caïd Essebsi, est le premier membre de la famille royale saoudienne à se rendre en Tunisie depuis la révolution de 2011.
Des centaines de Tunisiens ont manifesté mardi dans le centre de Tunis contre cette visite, aux cris de « Dégage assassin ».
La Tunisie, seul pays à poursuivre sur la voie de la démocratisation après les soulèvements du Printemps arabe, « est un des rares pays arabes où l’on peut afficher de telles positions », a souligné Youssef Cherif, chercheur en politique internationale.
Cette brève halte se déroule dans le cadre de la première tournée du prince héritier à l’étranger depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Mohammed ben Salmane, qui s’est notamment rendu au Bahreïn et en Egypte, doit ensuite aller au G20 en Argentine.
Le prince héritier est accusé par la presse et des responsables turcs d’avoir commandité ce meurtre, qui a suscité un scandale international et terni l’image de l’Arabie saoudite dans le monde. Les autorités saoudiennes démentent toute implication de sa part.
Sa venue en Tunisie « s’inscrit dans la lutte entre d’un côté l’Arabie saoudite, et de l’autre le Qatar, premier investisseur arabe en Tunisie, et la Turquie, un de ses principaux partenaires économiques », estime M. Cherif.
Par cette rencontre, après une série de visites ministérielles ces derniers mois, « les Saoudiens cherchent à contrer le Qatar et l’influence qu’il peut avoir » en Tunisie, détaille-t-il à l’AFP.
Sur le plan de la politique intérieure tunisienne, l’Arabie saoudite pèse pour une « diminution du degré de démocratie », selon M. Cherif.
Ryad, qui a accueilli l’ex dictateur tunisien Zine el Abidine ben Ali chassé du pouvoir en 2011, a oeuvré « à discréditer la révolution en Tunisie, » et n’apprécie pas la place conquise par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, souvent considéré comme plutôt proche du Qatar.
En revanche, « ses relations sont bonnes avec la composante de la classe politique liée à l’ancien régime », explique M. Charif.
« L’administration tunisienne voit d’un meilleur oeil l’argent saoudien que qatari », ajoute-il, tout en avertissant: « ouvrir la porte aux Saoudiens n’est pas une solution à tous les problèmes, surtout dans une Tunisie en pleine transition ».