Après les dernières pluies, l’espoir renaît en Algérie. Les campagnes ont retrouvé leurs couleurs printanières. Le vert des blés et des pâtures domine.
Pour beaucoup d’agriculteurs algériens, on est passé tout près d’une catastrophe. La région de Relizane a été particulièrement touchée par la sécheresse hivernale. Ainsi, les dernières pluies ont été accueillies avec soulagement.
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Dans les champs encore clairsemés, le blé redémarre. Le manque d’eau avait même conduit des agriculteurs à lâcher leurs moutons sur les parcelles sinistrées. Sur Ennahar TV, Mohamed, agriculteur témoigne : “Cette parcelle de blé que vous voyez verte, on la croyait irrécupérable.”
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Plus loin, des moutons broutent l’herbe en bordure de champs. L’herbe est parsemée de fleurs dont le jaune tranche avec le vert de la végétation. Il aura suffi de quelques jours de pluie pour que la végétation jaunissante reprenne des couleurs et s’épanouisse.
Ces pluies ont redonné de la vigueur aux plants de petits pois. Il y a quelques semaines, les agriculteurs se plaignaient du faible nombre de gousses par pieds. Comme le confie Boualem, l’eau a permis aux plantes un nouveau cycle de végétation. Et de 6h du matin jusqu’à 13h, des journaliers récoltent à la main des sacs entiers des précieuses gousses.
En ce mois de Ramadan, la couleur verte a même envahi les villes et ses marchés. Partout des bottes de persil et de menthe à même les étals ou sur les marchés de gros comme à Bougerra (Blida). “On se lève à 5 heures du matin pour ramener la marchandise depuis les champs jusqu’ici”, explique un commerçant. Devant sa camionnette chargée de menthe, persil, fenouil et salades, Abdelwaheb confie vivre du commerce informel de ces produits.
A Relizane et dans les régions ayant connu un épisode de sec, le rendement des blés sera, sans aucun doute, affecté par le manque d’eau. Le retour de la pluie permet aux céréales de former de nouvelles tiges.
Mais pour que ces “tardillons” arrivent à former des épis et rattrapent leur retard, les pluies d’avril seront déterminantes. Les quelques quintaux ainsi gagnés paieront les frais de semences et d’engrais engagés par les agriculteurs et permettront de relancer un nouveau cycle de culture en espérant de meilleures conditions climatiques l’an prochain.
Céréales, l’amateurisme reste dominant
Le paysage bucolique de la campagne algérienne de ce printemps n’est qu’un intermède saisonnier. Passé le mois de mai, les premières chaleurs seront au rendez-vous puis viendra la canicule estivale ainsi que l’absence de pluie jusqu’au mois d’octobre. Dans le contexte tendu du marché mondial des céréales, pour les services agricoles la question est d’arriver à produire le maximum en utilisant au mieux et de façon durable les ressources du milieu.
Pour beaucoup d’entre-eux, les champs ne doivent pas faire illusion, l’amateurisme domine. Leur couleur verte cache mal la faible densité des pieds de blé.
Leur végétation reste clairsemée du fait de pratiques de semis dépassées qui font que sur trois graines seulement deux germent quand ce n’est pas une seule. D’autres sont d’un vert incertain du fait de semis tardifs. La croyance “qu’il faut attendre la pluie pour semer” reste forte quand ce n’est pas les quantités d’engrais qui restent insuffisantes.
Quand la parcelle présente de loin un bel aspect vert, un examen de près révèle bien des surprises. Dans la wilaya de Guelma, au niveau de nombreuses parcelles, les espaces entre les plants de blé sont occupés par du brome. Une plante parasite dont un seul pied peut produire 3 000 graines. Une plante qui, tout au long de la saison puise à son seul profit l’eau et les engrais du sol initialement destinés au blé.
Grains manquants au semis, doses insuffisantes d’engrais, lutte inappropriée contre les mauvaises herbes font que les parcelles de blé n’expriment pas entièrement leur potentiel.
Parfois, comme à Oued Zénati (Guelma), nulle trace de pieds de blé sur les parcelles; même pas des pieds chétifs ou entourés de brome. Seulement à perte de vue en cette saison la trace hideuse du sol non travaillé. La cause La jachère, une tradition datant de la période coloniale qui veut “que la terre doit se reposer une année sur deux”.
Cet amateurisme reste très présent dans les campagnes et se traduit par des quintaux manquants. Des quintaux qui devront être compensés par des importations de blé avec des prix flirtant avec 400 euros la tonne.
Le défi de l’agriculture, profiter du printemps
Le climat semi-aride oblige l’Algérie à profiter des conditions idéales de culture des mois de pluie dont celles du printemps. Plus facile à dire qu’à faire.
L’agronome Arezki Meckliche dénonce les livraisons tardives des engrais et semences dans le Sud au niveau des exploitations cultivant du blé sous pivot.
Depuis le Nord du pays, il s’agit de transporter des centaines de tonnes d’intrants sur des milliers de kilomètres. Apparemment, les services agricoles rencontrent de sérieux problèmes de logistique.
Sur la Chaîne III de la Radio algérienne, Souhila El Hachemi demande à ses invités conviés à se pencher sur les questions agricoles s’il ne faudrait pas plus de moyens à accorder au secteur de l’agriculture. Certainement.
Pour les services agricoles, le défi est d’arriver à ce que chaque année, au Nord du pays, les agriculteurs emblavent la totalité de leur terre, qu’ils sèment à temps, épandent les doses nécessaires d’engrais et luttent contre les “pestes vertes” telles le brome.
En outre, il s’agit pour eux de trouver et proposer aux agriculteurs les meilleures techniques permettant aux plantes de parer aux “coups de sec” entre deux périodes de pluie.
Le contexte de la crise ukrainienne fait qu’il s’agit là d’un minimum urgent. A moyen terme, le défi est encore plus grand. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) annonce aux portes d’Alger, un climat identique à celui d’El-Oued.
Pour le moment, avec le retour des pluies printanières, les agriculteurs ne boudent pas leur plaisir.