L’Algérie compte plus de 20.000 écoles primaires, gérées dans leur volet pédagogique par le ministère de l’Éducation, et par le ministre de l’Intérieur via les communes pour ce qui est de leur fonctionnement.
C’est sur ce dernier volet que s’est penché la Cour des comptes dans son rapport 2024 publié dimanche 15 décembre. De nombreuses insuffisances sont pointées dans le rapport.
En dehors de l’aspect matériel, le rapport rappelle que “le rendement du système scolaire algérien est considéré comme l’un des systèmes les plus bas au monde” et que “le chiffre théorique de 32 semaines par an au minimum n’est toujours pas atteint”, en citant les conclusions du document portant “L’école algérienne et les enjeux de qualité – Cadre stratégique 2015-2030. Cela, alors que la moyenne mondiale et européenne est de 36 et 38 semaines respectivement.
« De même, la comparaison du volume horaire hebdomadaire des mathématiques dans l’enseignement primaire révèle des déséquilibres évidents : Algérie 720 heures, Tunisie 960 heures et France 900 heures », écrit la Cour des comptes.
Pour l’enseignement des mathématiques, la Cour des comptes indique que les « opérations d’identification et de mobilisation des ressources nécessaires et leur intégration pour la résolution de problèmes ne sont pas acquises. Ces difficultés sont
liées à la faiblesse du dispositif didactique mis en place dans le processus d’apprentissage et qui ne permet ni aux enseignants, ni aux élèves de rompre avec les pratiques traditionnelles, empreintes de mémorisation/restitution des connaissances ».
Enseignement des mathématiques
La Cour s’est penchée sur “la contribution des communes au fonctionnement courant des écoles primaires”. Un contrôle a été effectué en 2022 sur un très large échantillon de 3786 écoles réparties sur 14 wilayas de toutes les régions du pays.
“En dépit du soutien financier consenti par l’Etat à travers les contributions de la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales, des progrès restent à faire pour un bon
fonctionnement des écoles primaires, consistant à assurer de meilleures conditions de scolarisation aux élèves”, lit-on dans le rapport.
La Cour des comptes souligne, sur la base de l’analyse statistique des données recueillies, un manque de personnel de nettoyage et de gardiennage, d’infrastructures scolaires, d’espaces d’éducation physique et sportive, de salles d’informatique et de lecture et d’équipements informatiques.
Le rapport note en outre une surcharge des classes dans certaines zones urbaines et semi-urbaines. Il est fait état de défaillances dans la programmation et la réalisation d’écoles et de retards dans la mise en service de certains établissements nouvellement réalisés.
La surcharge s’explique aussi par le “choix inapproprié des sites d’implantation des nouvelles écoles”. Le nombre d’élèves par classe dépasse l’indicateur national qui fixe ce nombre à 30 au maximum.
Chaque année, des crédits de l’ordre de 15,2 milliards de dinars sont alloués pour les besoins des dépenses d’entretien et des salaires du personnel de gardiennage et de nettoiement, rappelle la Cour des comptes.
Aussi, dans la période de 2020 à 2023, les communes des 14 wilayas qui ont fait l’objet du contrôle ont reçu des subventions de l’ordre de plus de 74 milliards de dinars via la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales (CSGCL), pour la prise en charge des travaux d’entretien, d’extension et d’aménagement, du mobilier, des équipements de chauffage et de climatisation et les salaires du personnel de service. De 11,5 milliards Da en 2020, cette enveloppe est passée à près de 39 milliards Da en 2023.
Sur la période 2017-2022, la Cour dit ne pas disposer d’informations suffisantes sur le volume des dépenses publiques en matière d’éducation.
Algérie : les écoles primaires victimes de la crise économique
Bien que des sommes colossales soient consacrées au secteur, les demandes ne sont pas toujours satisfaites. Le rapport cite la restauration et l’entretien du patrimoine en service pour laquelle une demande de 51,984 milliards de dinars a été satisfaite seulement à 18,75%, et le renouvellement des équipements avec une demande de 34,41 milliards Da satisfaite à 36%.
« Le ministère des finances justifie les faibles taux de satisfaction par les restrictions budgétaires dues aux ressources financières limitées de l’État, qui ne peuvent couvrir tous les besoins formulés par l’ensemble des secteurs de l’Etat », précise la Cour des comptes.
Dans son analyse détaillée de la situation des écoles, la Cour des comptes indique, concernant le personnel de service, que l’effectif global au niveau national s’élève à 61 839, répartis sur 20 414 écoles.
La Cour des comptes constate des écarts dans le nombre des agents dans les écoles d’une même wilaya et d’une wilaya à une autre car, explique-t-elle, le nombre requis d’agents est laissé à l’appréciation des communes.
Un total de 338 écoles, réparties sur 9 wilayas, ne sont dotées que d’un seul gardien, soit 11% des écoles relevant de ces wilayas.
La moyenne des agents de nettoyage dans les 14 wilayas étudiées ne dépasse pas 2 agents par école. Aussi, 61 écoles relevant de 5 wilayas ne sont pas pourvues d’agents de nettoyage.
Pour ce qui est des salles de classe, le rapport signale que la majorité n’atteint pas la superficie prévue par la réglementation qui est de 62 m2. Cela s’explique par le fait que la plupart des écoles existantes ont été réalisées avant la promulgation du décret fixant le statut-type de l’école primaire, en 2016. Leur état est jugé globalement bon.
Sur l’ensemble des écoles étudiées, 64% des salles sont en bon état. En outre, les écoles de toutes les wilayas contrôlées, mis à part Blida, souffrent d’un manque de structures sportives ou de terrains de jeu. Le déficit est encore plus accentué dans les wilayas d’Oran, Mascara, Mostaganem et Relizane. En moyenne, 23,62% des écoles sont dotées d’un terrain de jeu.
La couverture en salles de lecture et d’informatique demeure aussi insuffisante. Elles ne sont disponibles qu’à hauteur de 59% et 57%, respectivement.
Le rapport note par ailleurs des résultats satisfaisants concernant la disponibilité du matériel pédagogique et du mobilier scolaire ainsi que du chauffage dans les écoles.
La majorité des écoles primaires contrôlées sont dotées d’équipements de chauffage suivant des taux variant entre 95 et 100%, même si 22,5% des directeurs d’établissements primaires ont exprimé leur insatisfaction quant aux conditions liées aux équipements de chauffage dans les classes.
Pour remédier aux insuffisances, la Cour des comptes fait une série de recommandations, dont “la mise en place d’un cadre organisationnel adapté, dédié à la gestion des écoles primaire”, le respect strict du “cadre normatif fixé par le statut type des écoles primaires” lors de la construction de nouveaux établissements, et la mise à disposition des écoles primaires d’équipements et des fournitures nécessaires et leur pourvoi en personnel de service suffisant.
Cours particuliers en Algérie : un phénomène qui prend de l’ampleur, mais mal connu
Le rapport de la Cour des comptes aborde aussi la « recrudescence » du phénomène des cours particuliers en Algérie. Directement lié à la « qualité de l’enseignement public », ce phénomène « n’a pas fait l’objet d’étude appropriée par le ministère de l’éducation nationale », pointe le rapport.
D’après la Cour des comptes, ce phénomène, est « considéré par tous, comme une activité informelle qui tend à se généraliser » en Algérie.
Selon le rapport, le « manque de supervision et de suivi au sein des établissements scolaires, l’insuffisance dans la compréhension et la perception des cours des matières de base, la faiblesse des résultats scolaires et la pression sociale pour l’obtention de meilleures notes ou niveaux scolaires » sont derrière l’explosion des cours particuliers.