On les voit un peu partout, sur les bretelles des autoroutes et dans le centre-ville d’Alger. Après une éclipse de quelques mois, les migrants subsahariens reviennent en force dans la capitale.
À Alger-centre, à Ben Aknoun et dans d’autres quartiers, ils sont nombreux à squatter les trottoirs et les alentours des marchés et rues commerciales. Les femmes, flanquées de 2 ou 3 enfants tendent la main en suppliant les passants de leur donner une pièce de monnaie.
Quand aux petits chérubins, ils sont laissés parfois sans surveillance, vadrouillant au milieu de la chaussée sans pantalons ni chaussures. D’autres, pas plus haut que trois pommes, vous tirent par la manche, vous demandant l’aumône, dans un arabe dialectal approximatif.
Rue Capitaine Menani, à proximité de la rue Didouche Mourad et du siège du RCD, elles sont plusieurs femmes subsahariennes à partager un bout de trottoir.
Moyenne d’âge, entre 20 et 40 ans. Origine : Mali, Nigéria, Togo… Signe particulier : un bébé entre les bras et deux autres assis à leurs côtés. L’une d’entre elles, mord dans un sandwich offert par un passant, en coupant des petits bouts à ses deux petits garçons.
Pour l’un des commerçants de cette rue, la situation est intenable. « Ce n’est pas leur place ici ! Ils obstruent l’entrée de nos boutiques et jettent leurs ordures partout. Leur dortoir se trouve à deux pas d’ici, au passage Barnave. Allez- y faire un tour et demandez aux riverains dans quel état ils trouvent leur environnement chaque matin ! »
Le dortoir du passage Barnave
Nous nous rendons au passage Barnave (Cité Barnave) qui jouxte le marché Ferhat Boussaâd (Ex-Meissonnier). L’un des habitants de l’immeuble dont l’entrée donne sur ce passage fulmine : « Tous les soirs, à partir de 19 h, des familles entières de migrants subsahariens avec femmes, maris et enfants installent leur squatte ici. Il y a entre 15 à 20 individus. Cela perturbe grandement la quiétude de la cité, en plus des conditions d’insalubrité que cela implique. Le matin, nous découvrons urines et excréments dans les recoins. Les odeurs sont intenables. Il y a aussi toutes sortes d’emballages et de cartons. Par ces temps de pandémie, cette situation augmente les risques de contamination au Covid-19 ».
L’un des commerçants ayant son magasin sur ce passage a du mal à contenir sa colère devant cette situation : « Nous avons attiré l’attention de la police. Les agents de sécurité les pourchassent, mais ces migrants finissent par revenir. Leur nombre ne fait qu’augmenter. Chaque nuit, ils s’installent ici pour la nuit, étalent leur literie sur des cartons et laissent ce passage jonché d’ordures, avant d’aller mendier. Les pouvoirs publics doivent réagir au plus vite ».
La générosité des Algériens
La plupart de ces migrants subsahariens s’adonnent à la mendicité, afin de survivre. Apitoyé par ces femmes flanquées d’enfants en bas âge, les passants font preuve de générosité en leur achetant à manger.
Ils leurs donnent aussi des vêtements, des médicaments et un peu d’argent. Certains offrent aussi des couches et du lait pour bébé comme nous avons pu le constater lors de ce reportage.
En cette période de pandémie, la présence de ces migrants inquiète au plus haut point les citoyens. « Ils pourraient être un vecteur de transmission du virus. Tous les jours, ils vous abordent, vous touchent pour vous demander de l’argent. Ces migrants d’Afrique subsaharienne vivent dans la rue, dans un manque criard d’hygiène », observe un passant.
Organisé en réseau, avec des femmes et des enfants en avant-poste, le flux migratoire subsaharien retrouve du poil de la bête ces dernières semaines après une période d’accalmie. Une situation qui pourrait devenir incontrôlable, dans les mois à venir si les pouvoirs publics ne réagissent pas avec diligence.
L’Algérie fait face à un afflux considérable de migrants subsahariens qui fuient les difficultés économiques et les guerres dans leurs pays, mais les conditions de leur prise en charge sont mauvaises. Ils sillonnent les rues d’Alger et des villes et mêmes des villages pour demander l’aumône, alors que certains travaillent au noir dans des chantiers du bâtiment ou comme domestiques.
Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement organise régulièrement des opérations de rapatriement ou d’expulsion des migrants vers leurs pays.
En octobre dernier, l’ONG Humain Rights Watch (HRW) a indiqué que l’Algérie a expulsé plus de 3 400 migrants dont d’au moins 20 nationalités différentes, dont 430 enfants et 240 femmes, vers le Niger depuis le début du mois de septembre. En dix mois, l’Algérie a expulsé 16.000 migrants vers le Niger, dont la moitié sont des Nigériens, selon la même source.
HRW a rappelé que l’Algérie a conduit 50.000 migrants subsahariens au Niger en 2018 et 2019. L’ONG avait demandé au président Abdelmadjid Tebboune de « mettre fin aux détentions arbitraires et aux expulsions collectives, enquêter sur les abus présumés et mettre en place des procédures d’examen individualisé, équitables et légales pour les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière ».
En novembre 2019, l’Organisation internationale pour les migrants (OIM) avait indiqué que 500 migrants subsahariens arrivaient chaque jour en Algérie, qui est régulièrement l’objet d’accusations de la part notamment des ONG de défense des droits de l’Homme, de maltraiter les migrants subsahariens.