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Le RN aux portes du pouvoir : ces Algériens de France qui pensent à un plan B

L’onde de choc provoquée par la victoire du Rassemblement national (RN) en France lors des élections européennes du 9 juin fragilise davantage la situation des Franco-Algériens qui sont visés depuis des années par l’extrême-droite.

La diaspora algérienne, qui est l’une des populations étrangères les plus importantes en France, a vécu ce scrutin comme un signal d’alerte.

Pour beaucoup d’entre eux, il faut se préparer au pire et anticiper une prise de pouvoir réelle de l’extrême-droite en France. Leur premier réflexe ? S’assurer de l’obtention d’une nationalité algérienne. 

L’organisation d’élections législatives, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron après cette défaite électorale, laisse craindre une large élection de députés d’extrême-droite aux législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet.

Une telle situation politique pourrait favoriser l’intégration de leaders du Rassemblement national – le parti d’extrême-droite ayant reçu le plus de suffrages – au sein du gouvernement français. 

Les Algériens seront visés par l’extrême-droite, et ils le savent

Pour de nombreux Algériens de France, un tel scénario serait un désastre. Et pour cause, l’extrême-droite n’a jamais caché ses objectifs politiques concernant la gestion de l’immigration en France et plus particulièrement la place spéciale accordée à la population d’origine algérienne.

Le Rassemblement national combat sur le plan idéologique et politique la présence trop importante de générations d’Algériens, de la première immigration à sa descendance, pourtant née sur le territoire français. 

Dès le lendemain des élections européennes, le porte-parole du Rassemblement national Sébastien Chenu est venu rappeler l’obsession de son parti pour l’Algérie.

Il a rappelé que l’une des premières actions du parti, en cas de victoire lors des législatives, serait d’abroger les accords de 1968 entre l’Algérie et la France.

Cette décision est justifiée par la lutte les clandestins algériens qui font l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une communication politique qui place les Algériens au cœur des problèmes migratoires de la France. 

L’immigration au sens large est aussi l’une des trois urgences que le RN a promis de régler en cas de victoire aux législative. Le parti d’extrême-droite a toujours revendiqué son intention de réduire au maximum la venue d’étrangers extra-européens en mettant un terme au droit du sol et au regroupement familial.

Mais aussi en élaborant une loi immigration qui faciliterait l’expulsion systématique d’étrangers ayant une autre nationalité en cas de délit ou de crime. 

Impossible pour les Algériens de la diaspora en France de ne pas se sentir visés. Si un droit fondamental comme le droit du sol est supprimé, qu’en sera-t-il du renouvellement de titres de séjour ou encore de l’obtention de la nationalité française, ces moyens d’intégration pourront-ils être menacés un jour ou l’autre ?

C’est en tout cas les questionnements qui reviennent au sein des communautés algériennes situées dans les grandes villes françaises.

Un deuxième passeport, une vraie sécurité ? 

Les Français d’origine algérienne sont conscients que l’officialisation d’une extrême-droite au pouvoir peut potentiellement bouleverser leur quotidien en France.

Pour certains, il existe une première mesure de protection évidente : s’assurer une place dans leur second pays, afin de parer à n’importe quelle situation politique en France. 

Nous avons rencontré plusieurs Algériens qui ont accéléré leur demande de nationalité algérienne ou leur renouvellement de passeport. 

“J’y pensais depuis un moment mais là ça a tout accéléré. Demander la nationalité algérienne est devenu une urgence. Je pense que ça reste une sécurité quand on est Français descendant d’immigrés dans un pays qui assume de plus en plus son racisme et serait prêt à l’institutionnaliser à travers des lois”, raconte Celia, une franco-algérienne basée à Paris. 

“C’est une évidence. Plus j’ai de passeports et plus je suis en sécurité”, estime Amine, basé en région parisienne. 

Ces Algériens sont-ils alarmistes ou lucides ? Pour l’heure les intentions de l’extrême-droite laissent penser que les Algériens ayant une nationalité française et une résidence longue ne seront pas impactés par les mesures législatives de l’extrême-droite si cette dernière accède au pouvoir. 

Cependant c’est sur le plan idéologique que certains Français d’origine algérienne craignent de ne plus se sentir chez eux en France. Que reste-t-il dans un pays qui assume publiquement de voter massivement pour des partis attisant une hostilité constante à l’égard des Algériens de France ? 

Le pays a enregistré une hausse de 32% des actes racistes en 2023 par rapport à 2022. L’année précédente, la hausse observée était de 4%.

Les services de police ont recensé près de 15.000 actes de racisme et antireligieux. On parle seulement de ceux déclarés et dénoncés. Qu’en est-il de ceux passés sous silence ? Comment cette courbe tristement ascendante va-t-elle évoluer après une succession de victoires de l’extrême-droite ?

D’où la nécessité de compter sur un autre « chez soi ». ‘Je ne vais pas attendre d’être exclu de mon propre pays pour réagir. J’ai subi pas mal d’agressions racistes ces dernières années. Je sens que ma place est constamment menacée au travail. Je fais profil bas pour le moment, mais jusqu’à quand ?”, s’interroge Amine. 

“Je n’en peux plus et surtout je ne suis pas du tout assuré que les choses ne vont pas empirer. Avoir un passeport algérien valide me rassure. Je pourrais toujours me réfugier dans mon second pays ou un autre État qui reconnaît ma nationalité algérienne”, estime Amine. 

Difficile d’être rassuré dans une France qui peine à avoir de bonnes relations avec sa communauté algérienne depuis plusieurs années. 

L’Algérie est constamment placée au centre des tensions politiques en France.

L’extrême-droite n’est pas la seule à s’acharner sur les Algériens. Le 30 mai dernier, le parti Les Républicains (droite) était allé jusqu’à publier un tweet haineux sur X dans lequel on voyait un photomontage des supporters algériens sur les Champs Elysées avec le commentaire  “Message de service à l’Algérie, il faut tout reprendre, les biens et le mal : criminels, délinquants, clandestins, OQTF”, suivi du #OneTwoThree. 

Sans oublier la question mémorielle qui continue d’entacher les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie et de maintenir une tension perpétuelle entre les deux pays.  

En face, l’Algérie fait des appels du pied à ses ressortissants de l’étranger en leur facilitant l’accès au pays. Les autorités algériennes n’hésitent pas à valoriser la diaspora algérienne en l’invitant à s’impliquer dans les prochaines élections algériennes ou encore à venir investir dans leur second pays qui les accueillera toujours les bras grands ouverts.

Des arguments qui pourraient faire mouche auprès des Algériens de France effrayés par cette extrême-droite française de plus en plus puissante. 

Offrir une porte de sortie à leurs enfants

Même si le scénario d’une extrême-droite au pouvoir en France reste hypothétique pour le moment, certains Algériens de France veulent déjà penser à l’avenir. 

La montée des droites ne concerne pas seulement la France mais une grande partie de l’Europe. Pour les Algériens de la 2e et la 3e génération, il faut d’ores et déjà imaginer un avenir sombre pour les non-Européens, notamment les Algériens. Certains parents prennent les devants pour leurs enfants et demandent pour eux la nationalité algérienne. 

“J’ai paniqué quand j’ai vu que j’avais perdu mon S12 (acte de naissance spécial) et ceux de mes enfants. J’ai réalisé que j’avais peur de ne pouvoir vivre qu’en France. Conserver ma nationalité algérienne et la transmettre à mes enfants est un choix qui me rassure. J’ai appelé le Consulat algérien pour m’assurer que je pouvais quand même renouveler mes papiers algériens et faire ceux de mes enfants. Ils m’ont dit que oui, j’étais soulagée”, raconte Rania, à Lyon. 

“Je sais que c’est une drôle de démarche. Mes enfants ne sont jamais allés en Algérie, ils ne parlent pas un mot d’arabe. Je veux juste leur donner une option par sécurité. C’est assez instinctif”, estime Rania, mère de trois enfants. 

À l’heure actuelle, il n’est pas possible de chiffrer les demandes de passeports afin de voir si l’on peut observer une recrudescence de demandes dans les consulats algériens de France.

Les législatives françaises seront une échéance charnière pour les Algériens de France qui détiendront à travers les résultats une preuve que leur pays est encore une terre d’accueil ou non. 

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