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Le Royaume-Uni veut repenser ses interventions étrangères

Un rapport indépendant du ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni appelle le pays à repenser les méthodes utilisées durant ses interventions étrangères, soutenant qu’il est parfois nécessaire de coopérer avec ceux qui opposent les valeurs du Royaume-Uni ou même ceux « ayant pu commettre des crimes de guerre », rapporte ce mardi le quotidien britannique The Guardian.

 

L’étude se base sur l’analyse de 21 conflits internationaux dans lesquels le Royaume-Uni a souvent joué un rôle. Le rapport admet ainsi que les efforts hâtifs d’établir des institutions libérales démocratiques en partant de zéro ont de grandes chances d’échouer, particulièrement si les nouveaux dispositifs mis en place ne correspondent pas au contexte politique et aux raisons ayant mené à la distribution des élites déjà en place.

 

« Il y aura des moments où nous aurons à nous pincer le nez et à soutenir le dialogue avec ceux qui opposent nos valeurs, ou qui auraient pu commettre des crimes de guerre », a expliqué Alistair Burt, responsable au sein du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO) ayant commandé le rapport.

 

« Bien trop souvent par le passé nous avons évité de discuter avec des individus ou groupes que nos jugements moraux et politiques ont considérés comme étant intouchables. Ou, alternativement, nous avons cherché à appliquer des solutions trop formelles et techniques à des problèmes essentiellement politiques », a affirmé en outre M. Burt. Le responsable britannique a ainsi estimé qu’il y avait parfois intérêt à établir des canaux de communications avec le Hamas, les Talibans ou les insurgés sunnites ayant tué des soldats américains en Irak.

 

Le cas libyen

 

Revenant sur l’intervention britannique en Libye, Alistair Burt a admis que le Royaume-Uni « s’est précipité pour établir des capacités permettant au nouveau gouvernement de gouverner. Mais cela a été fait en l’absence d’un règlement politique reflétant à la fois les intérêts des élites belligérantes et les aspirations du peuple libyen. Nous aurions dû donner la priorité à la politique plus qu’à l’édification d’un État technocratique », a estimé le responsable au sein du Foreign office.

 

Le rapport affirme qu’il n’existe pas de formule magique, mais prévient ; plus la solution proposée est transformative, plus les risques d’instabilité ou de retour à la violence sont grands. « Nous devons réfléchir davantage à ces choses parce que nous avons eu tellement tort. Si nous continuons à faire la même chose encore et encore en s’attendant à un résultat différent, alors nous sommes des imbéciles », a soutenu le Dr. Christine Cheng, maitre de conférences sur les études de guerre et une des auteures du rapport. « Nous devons beaucoup repenser notre approche », a-t-elle estimé.

 

Le rapport estime par ailleurs qu’une intervention militaire peut avoir pour tendance de « geler » la guerre plutôt que d’y mettre fin. Dans  les faits, les troupes internationales deviennent la coalition dominante au pouvoir et le jeu de négociations pour les acteurs nationaux devient celui de négocier des « pactes de protection et de provision » avec la force occupante plutôt que de parvenir entre eux à un règlement politique.

 

Néanmoins, le rapport est loin de s’opposer aux interventions étrangères, estimant simplement que beaucoup d’entre elles se sont concentrés sur « les efforts visant à renforcer les institutions officielles – réforme de la Constitution, renforcement de l’État de droit, démocratie- dans l’espoir que celles-ci fourniront des mécanismes pour ‘’dompter’’ les comportements politiques et gérer les conflits violents ».

 

« Toutefois, dans de nombreux contextes, les institutions officielles ne sont pas l’arène politique clé où le pouvoir est contesté et où la violence est gérée », conclut le rapport.

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