L’appel lancé par une fillette d’un orphelinat à sa maman le jour de l’Aïd el-fitr qui a été célébré cette année vendredi 21 avril a ému les Algériens.
La séquence est déchirante. « Je veux ma maman », a lancé la petite fille, les yeux larmoyants sur El Hayet TV. Les paroles sortent difficilement pour laisser la place aux larmes de la fillette débordée par l’émotion. Personne ne pouvait rester indifférent face à la souffrance de cette fille qui vit dans un orphelinat.
La vidéo a suscité un énorme émoi auprès des Algériens et a ouvert la voie au commentaire de toutes sortes voire aux dérapages.
La vidéo a été largement partagée et commentée sur les réseaux sociaux.
Sur Instagram, le comédien Merouane Guerouabi a éclaté en sanglots devant la dureté de la séquence. « Comment est-ce possible d’abandonner son enfant dans un orphelinat ? J’espère que la maman va voir la vidéo pour qu’elle nous dise ce qu’elle ressent », a-t-il commenté, très ému par les images qu’il venait de voir.
Ce que dit la loi sur l’exposition médiatique des enfants
Au-delà de l’émotion et des commentaires déplacés de nombreux Algériens se pose la question de l’exposition médiatique dangereuse d’une fillette dans la jungle impitoyable des réseaux sociaux.
Invitée à s’exprimer, la fillette a répondu spontanément donnant son ressenti du moment.
Interrogé par TSA ce lundi 24 avril, Me Fouad Ghelamallah, avocat et membre du réseau algerien pour la défense des droits de l’enfant (NADA) a posé d’emblée un problème d’ordre juridique.
« Du point de vue de la loi, il est strictement interdit d’exposer un enfant publiquement sans le consentement de sa tutelle. Dans le cas de la fillette, le centre dans lequel elle est placée fait office de tuteur. Il faudrait savoir si la chaîne de télévision qui a diffusé la séquence a reçu l’autorisation pour le faire », explique-t-il.
C’est très important d’aborder le point de la protection de la petite fille car sur les réseaux sociaux, un énorme tribunal populaire s’est auto-saisi de l’affaire condamnant d’office la maman sans connaître l’histoire qui a mené l’enfant dans cet orphelinat.
Tout en versant des larmes de crocodiles, de nombreux Algériens se sont permis de spéculer sur la fillette et l’honneur de sa maman, ce qui pourrait lui causer des préjudices psychologiques à l’avenir.
Ignorant sa souffrance et son exposition médiatique, ils se sont lancés dans des hypothèses farfelues et indignes, se posant la question si la fillette est issue d’un mariage légitime ou non ?
« L’enfant est une victime dans cette histoire. Nul ne peut la juger ni elle, ni sa maman. Personne ne connaît les circonstances qui ont poussé la maman à laisser sa fille dans ce centre », ajoute Me Ghelamallah.
Quelles conséquences sur la petite fille ?
Les conséquences d’une telle exposition devant les médias ne peuvent être que négatives, déplore le Pr Fatima-Zohra Sebaa-Delladj, psychologue et enseignante à l’université d’Oran.
« En plus du fait que ce soit interdit par la loi, la fillette est doublement pénalisée. Déjà que le fait d’être placé dans un centre pour enfants provoque des troubles psychologiques certains, l’exposition (médiatique) dont fait l’objet la petite fille la pénalise encore plus », développe la psychologue qui affirme que ce genre d’exposition devrait être interdit par la loi.
La fillette est mise au premier plan et exposée à vivre sous les clichés sur son origine, explique Fatima Zohra Sebaa – Delladj. « Elle va être systématiquement ramenée à un statut qu’on lui a attribué et renvoie directement à sa maman sans qu’on connaisse les circonstances de celle-ci », ajoute-t-elle.
L’association Insaf qui active dans la protection de l’enfance basée à l’est du pays regrette l’exposition médiatique à grande échelle de cette fillette et s’interroge sur le rôle de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) sur ce cas précis.
« C’est des images qui ne devaient pas être diffusées. La loi est claire, il faut une autorisation du tuteur. Dans ce cas, c’est le centre qui doit assumer la responsabilité s’il est avéré qu’il a autorisé la chaîne à exposer la fillette, ce dont je doute fort », soutient Adel Bourgazene, président de l’association.
Pour lui, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) doit « intervenir et demander des explications à la chaîne de télévision à ce sujet ». Pour le moment, l’Arav n’a pas réagi.
Le président de cette association soulève un point important concernant les commentaires condamnant la maman de la fillette. Pour lui, le placement dans un orphelinat pourrait être une solution dans certains cas.
« Au-delà du fait que personne ne connaît les circonstances de la maman, il est parfois préférable que les enfants grandissent dans un centre que dans un milieu où règnent les fléaux », poursuit-il en précisant que dans la plupart des cas, les parents des enfants placés dans les orphelinats sont connus notamment les mamans.