C’était la hantise du gouvernement français : un attentat visant un des onze candidats à la présidentielle ou les électeurs lors d’un rassemblement.
Le drame aurait pu se produire sans la vigilance des services de sécurité. À trois jours de la fin de la campagne électorale, deux hommes ont été arrêtés à Marseille, soupçonnés de préparer une attaque “imminente”.
Une grosse quantité d’explosifs et des armes à feu dont un pistolet mitrailleur Uzi ont été saisis dans le petit appartement qui leur servait de refuge, récemment loué dans la cité phocéenne.
Quel était leur cible et où entendaient-ils frapper ? Pour l’instant, les questions n’ont pas de réponses précises même si les autorités ont averti prioritairement François Fillon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le candidat de la Droite est protégé depuis par six officiers de sécurité, affectés de manière permanente.
Les deux suspects “aussi méfiants que déterminés”, se préparaient à mener “une action violente, de manière imminente sur le territoire français, sans qu’on puisse déterminer avec précision le jour, le ou les cibles visées”, a déclaré mardi à la presse le procureur de Paris François Molins, qui s’est imposé comme la figure de l’antiterrorisme en France.
En réalité, les enquêteurs étaient sur la piste de Clément Baur, 23 ans et de Mahiedine Merabet, 29 ans, depuis plusieurs semaines. Mais la menace s’est précisée ces derniers jours.
Le 4 avril, Mahiedine Merabet a envoyé un pli au commissariat de Roubaix accompagné d’un mot : “Je vous donne ma carte d’identité et ma carte (bancaire, ndlr) car à cause de vous je n’en ai plus l’utilité. Je vais bientôt me rendre, on discutera. (…) je n’ai rien à vous dire, je vis d’amour et d’eau fraîche, je médite, laissez moi tranquille, salut”.
Il cherchait également à entrer en contact avec l’organisation État islamique (EI), notamment pour transmettre “une vidéo d’allégeance ou de revendication”, selon le procureur.
Le document a été intercepté le 12 avril par la Direction générale de la sécurité intérieur (DGSI). On y voit une table sur laquelle est posé un fusil mitrailleur UZI, le drapeau noir de Daech, des dizaines de munitions et la Une du journal Le Monde du 16 mars, où figurait François Fillon.
Par précaution, les photos des deux jeunes hommes, de nationalité française, ont été distribuées dès jeudi aux services de sécurité des candidats à l’élection présidentielle, selon les états-majors de certains candidats.
L’arsenal en possession des suspects comportait notamment plus de trois kilos de TATP, l’explosif artisanal prisé des groupes terroristes , une grenade artisanale ainsi qu’un fusil mitrailleur, deux pistolets et des munitions.
Dans cet appartement “d’étudiant” du IIIe arrondissement de Marseille, les enquêteurs ont découvert au mur “un plan de la ville ainsi que de très nombreuses copies couleur de photographies représentant des enfants morts, victimes de guerre, de bombardements ou d’exactions”, a indiqué François Molins.
Un drapeau de l’EI ainsi que de la “documentation jihadiste” avaient déjà été découverts au domicile à Roubaix de Mahiedine Merabet, en son absence, lors d’une perquisition administrative en décembre 2016, a précisé le procureur.
Les deux hommes ont été arrêtés en sortant de leur logement mardi matin par la DGSI, assistée du Raid, l’unité d’élite de la gendarmerie dans le cadre d’une enquête en flagrance ouverte à Paris le 12 avril, notamment pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et infraction à la législation sur les armes en relation avec une entreprise terroriste.
Connus pour leur radicalisation et fichés S depuis 2016 et 2015, les deux suspects se sont connus en partageant leur cellule pendant deux mois en 2015. Ils étaient incarcérés pour des faits de droit commun.
Ces interpellations interviennent à cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle, sur fond de menace terroriste très élevée en France, frappée depuis 2015 par une série d’attentats qui ont fait 238 morts.
Plus de 50.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour assurer la sécurité de l’élection. Cinq projets d’attentats ont été déjoués depuis le début de l’année 2017, après 17 en 2016, avait affirmé le 21 mars le Premier ministre Bernard Cazeneuve. En mars encore, “19 interpellations antiterroristes” ont eu lieu, selon le ministre de l’Intérieur Matthias Fekl.
Sur le plan politique, la candidate de l’extrême droite a immédiatement tenté de saisir les dividendes politiques de cette action avortée. Elle a annoncé un moratoire sur l’immigration. Fillon et Macron n’ont pas voulu jouer la carte de la récupération qui peut se révéler contre productive.