Société

Le torchon brûle entre les pharmaciens et le ministre de la Santé

Le projet de libéralisation des conditions d’installation et de l’exercice de la pharmacie, qui a été annoncé par le ministre de la Santé continue de faire réagir associations professionnelles de pharmaciens d’officine.

Jeudi, devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN),  Abderrahmane Benbouzid a évoqué l’existence d’un projet de révision des dispositions réglementaires qui régissent l’installation des pharmacies d’officine. Il a promis une libéralisation du secteur de la pharmacie.

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Une annonce qui a mis le feu aux poudres chez les pharmaciens d’officine. Samedi, le bureau national du Syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO), a annoncé l’organisation d’une grève nationale d’une journée renouvelable lundi 28 février.

Le syndicat entend protester contre « des mesures imminentes qui vont toucher aux fondements de la profession ». À sa suite, le bureau national du Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA), a fait part, dimanche 13 février, de sa consternation après la sortie du ministre de la Santé.

« Nous en sommes profondément consternés », a déclaré le SNPAA dans un communiqué. « Le projet auquel vous avez fait allusion devant les membres de l’APN, va à l’encontre non seulement des principes universellement reconnus (…), mais également à l’encontre de la politique publique du médicament », a lancé le syndicat à l’adresse du ministre.

Le SNPAA « appelle toutes les forces vives de la nation, à leur tête monsieur le président de la République à la vigilance concernant ce dossier fort sensible et hautement stratégique de la nation », et « demande avec beaucoup d’insistance à monsieur le ministre à bien mesurer les implications futures de ce projet ».

Le syndicat se dit opposé « à toute tentative de récupération politique » de ce dossier. Le SNPAA se joint à la grève des pharmaciens d’officine prévue le 28 février, a indiqué à TSA son président Toufik Bentouila.

Contacté, le président du SNAPO, Messaoud Belambri, affirme être dans l’ignorance des intentions du ministre. « Nous avons d’ailleurs été surpris quand il a annoncé qu’un arrêté était fin prêt et qu’il allait être le sortir rapidement », raconte M. Belambri ajoutant qu’aucune concertation n’a eu lieu avec les représentants des pharmaciens d’officine.

« Parler de concurrence et donner à cette activité un aspect purement commercial et lucratif, c’est ce que nous refusons », a appuyé le président du SNAPO.

« Le pharmacien est pleinement intégré dans la carte sanitaire. Il répond à des besoins spécifiques en matière de santé de nos concitoyens », martèle-t-il. « On a besoin de 8 000 pharmacies alors qu’on en compte 12 000. On veut encore en créer 12 000 autres pharmacies. Pourquoi ? Pour faire tourner les pouces et qu’on mette nos 71 000 employés au chômage », s’interroge Messaoud Belambri.

Selon lui, il n’y a pas lieu d’ouvrir de nouvelles officines dans la mesure où l’offre dépasse la demande au niveau national. « L’Algérie enregistre actuellement la plus grande saturation en matière de nombres d’officines. La norme est d’une pharmacie pour 5 000 habitants. En Algérie, nous avons une pharmacie pour 3 300 habitants. Il y a des localités où il y a une pharmacie pour 800 habitants », explique-t-il.

Les propositions de la profession

L’ex-président et néanmoins membre du Conseil de l’ordre des pharmaciens, le Dr Abdelkrim Touahria, estime de son côté que la profession de pharmacien « n’est pas un commerce ordinaire », tout en soulevant le risque d’une « concurrence déloyale » en en multipliant le nombre de pharmacies.

Le Dr Touahria a indiqué que les acteurs de la profession ont déjà formulé des propositions « pour absorber le chômage » chez les diplômés en pharmacie.

Parmi ces propositions, poursuit Dr Touahria, c’est de mettre en place une sorte de numerus clausus en limitant le nombre d’étudiants en pharmacie.

Le Dr Toufik Bentouila du SNPAA appelle à ouvrir dans la fonction publique de postes de pharmaciens inspecteurs notamment dans les grandes wilayas.

« Il en faut au moins une vingtaine dans chaque wilaya. À Alger, on compte plus de 1 200 pharmacies, on se demande comment ils se font inspecter par un seul inspecteur. Si on inspecte le premier, le 1000e le sera l’année prochaine. Dans le cadre de la Fonction publique on peut facilement créer à l’échelle nationale aux alentours de 1 500 postes », propose la Dr Bentouila.

La création de postes pourrait aussi se faire dans les grossisteries, ajoute-t-il, précisant que dans certains pays les grossistes peuvent compter jusqu’à une vingtaine de pharmaciens. Les importateurs de médicaments peuvent aussi recruter « des centaines » de pharmaciens.

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