Le professeur Djidjik est chef de service immunologie au CHU de Beni Messous à Alger. Dans cet entretien, il revient sur la situation épidémiologique en Algérie, l’éventualité d’une quatrième vague de covid-19, le pass sanitaire. Il rassure les Algériens que le vaccin ne provoque ni la stérilité, ni la mort dans quelques années.
L’Algérie enregistre actuellement une baisse significative du nombre de nouveaux cas de contamination au covid-19. Avez-vous constaté cette décrue au niveau de votre service ?
Actuellement la situation épidémiologique du covid-19 est satisfaisante. Au regard des indicateurs que nous avons à l’hôpital, nous avons moins de malades hospitalisés, moins de malades qui ont besoin d’oxygène, et surtout moins de nouveaux cas.
Au niveau du laboratoire de diagnostic de la maladie, nous sommes au creux de la vague. C’est donc maintenant qu’il faudrait réorganiser les choses et se préparer à une éventuelle crise.
Nous parlons beaucoup d’une quatrième vague, c’est une éventualité à ne pas méconnaître. Le challenge actuel est de ne pas subir ce que nous avons vécu au mois de juillet dernier, c’est-à-dire une vague qui nous a frappés de plein fouet, avec tous les désordres qu’elle a entraînés au niveau des structures hospitalières.
Depuis, il y a eu quelques investissements sur l’oxygène, les services cliniques sont maintenant mieux équipés et mieux organisés pour se préparer. Et surtout, nous avons actuellement le vaccin.
Je pense que la disponibilité du vaccin au niveau des différentes structures hospitalières fait que si nous arrivons à une immunité collective d’ici la fin de l’année, si le maximum d’Algériens est vacciné, nous aurons une vague douce où il n’y aura pas forcément recours à l’oxygène ou à l’hôpital.
Ce sera un covid, mais un covid bénin. J’encourage donc durant cette phase de répit à s’organiser au niveau des structures hospitalières, mais surtout à sensibiliser les citoyens à aller se faire vacciner.
Je ne comprends pas qu’à un certain moment les Algériens couraient après le vaccin, et maintenant qu’il est disponible partout ce n’est plus le cas.
On parle de onze millions d’Algériens vaccinés à ce jour. Cela est-il suffisant pour atteindre l’immunité collective ?
Cela n’est pas suffisant, il faut que l’on vaccine au moins 50 à 70 % de la population cible algérienne. On n’en est loin. Je pense qu’il faut faire un effort de sensibilisation, et essayer de casser les tabous autour du vaccin.
Prendre toutes les questions qui rodent dans les têtes des gens, et les traiter de manière scientifique, faire des tables rondes et en parler à la télévision et au niveau des entreprises.
Je pense que nous n’avons aucun autre moyen que de faire de la sensibilisation. On ne peut pas rendre le vaccin obligatoire. On ne peut pas obliger quelqu’un à se faire vacciner.
Cela doit être un acte volontaire pour se protéger et protéger autrui. Mais la vaccination est le seul rempart si l’on veut vivre une éventuelle vague de covid de manière tranquille, et qui ne va pas perturber notre travail, la scolarisation de nos enfants ou perturbé nos étudiants au niveau des universités.
Et donc s’il vous plaît, faites-vous vacciner. Actuellement, c’est le seul moyen que nous avons sur le plan scientifique pour contrôler cette pandémie.
Comment expliquez-vous cette réticence des Algériens face à la vaccination ?
L’être humain réagit toujours quand il a peur, et quand il est face à une détresse. Lorsqu’il y a eu la dernière vague, il y a eu une ruée pour la vaccination et les gens pensaient qu’ils allaient être protégés en se faisant vacciner pendant cette vague.
Or, cela est faux. Je l’avais dit à l’époque. Le vaccin protège un mois après l’avoir fait. Se vacciner en plein pic pour se protéger, c’est faux. C’est maintenant qu’il faut se faire vacciner pour les éventuelles futures vagues qui vont survenir.
Pourquoi toute cette réticence, je ne le sais pas, mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas propre à l’Algérie. Cette réticence est mondiale, et particulièrement francophone.
Les Algériens suivent beaucoup la télévision française et c’est de là qu’ils alimentent cet esprit anti-vaccin. Je pense qu’il faudrait maintenant tourner nos paraboles et ne plus suivre les chaînes françaises.
Il serait préférable de voir ce qui se passe en Angleterre, aux États-Unis et dans les pays anglophones où la vaccination a bien fonctionné. Tous ces tabous et ces idées reçues sur la vaccination, je pense qu’il faut les traiter et les décortiquer.
Il faudrait notamment expliquer que le vaccin n’entraîne pas la stérilité. C’est très stupide de penser cela. De penser que le vaccin va entraîner la mort dans quelques années est tout aussi stupide. Il faut expliquer aux citoyens que ce n’est pas la peine d’écouter ces idées. Elles sont non fondées.
Les experts, les scientifiques et les médecins algériens peuvent tous expliquer que cette réticence n’est pas fondée sur des arguments scientifiques.
Avec cette décrue, il y’a certainement moins de pression au niveau de votre service…
Actuellement nous sommes en pleine décrue. Au niveau de mon service, mes assistants viennent de m’informer qu’ une ou deux personnes se sont présentées pour faire des tests antigéniques, qui se sont révélés négatifs.
Il y a aussi pratiquement plus personne qui demande un test PCR, ce qui est une très bonne chose. Nous vivons actuellement une accalmie. Mais il ne faut pas oublier qu’entre les mois de janvier et de juin 2021, nous avons vécu la même accalmie, mais cela n’a pas empêché la vague meurtrière du mois de juillet.
Ce répit ne veut pas dire que l’épidémie est partie, ou que le virus n’ est plus là. Il est toujours en circulation. C’est pour cela que je le dis, préparons-nous à faire face à une éventuelle quatrième vague.
À nous de nous faire vacciner, de se protéger et garder les gestes barrières pour ne pas amplifier cette contamination. Pour cette fin d’année 2021, c’est tout ce que nous avons pour lutter contre cette maladie.
Peut-on dire que le virus est actuellement moins virulent ?
Le virus est un organisme vivant. Il y a un cycle biologique du virus. Il ne peut pas être en activité pendant des mois et des mois. Il vit selon des cycles.
Partout sur cette planète il y a des conditions que nous ne maîtrisons pas, des conditions d’environnement notamment où le virus fait des cycles, et il y a ensuite une décrue.
Certes, le comportement humain peut aggraver la situation, mais le cycle biologique du virus est là…Si l’on a des indicateurs biologiques solides, on peut détecter très précocement une activité virale dans un endroit, dans une ville, ou dans une localité, et à partir de là, mettre en place des mesures de confinement strictes.
Et c’est dans cette situation, que le comportement humain viendrait arrêter cette chaîne de transmission et aplatir cette courbe. Biologiquement, les virus vivent par cycle…
En quatrième vague du covid-19 en Algérie, elle peut survenir quand ?
Il y a des modèles de prédiction épidémiologiques, mais si nous analysons de façon simple la situation en Algérie, nous avons vécu deux pics à la même période, au mois de juillet 2020 et au mois de juillet 2021.
Nous avons également vécu un pic au mois de novembre 2020. Nous pouvons donc nous attendre à une activité virale au mois de novembre prochain. Mais ce n’est pas sûr. Il peut y avoir un décalage jusqu’en janvier ou février de l’année prochaine.
Comme il peut ne rien se passer. Mais si l’on calque à la situation que l’on a vécue en 2020, il se pourrait que l’on ait une activité virale à la mi-novembre ou décembre.
Au regard de la situation actuelle, faut-il, selon vous, alléger les mesures de confinement ?
Actuellement de semaine en semaine, les mesures sont allégées et les dispositifs changent. Si l’on voit que les indicateurs épidémiologiques continuent de s’améliorer, bien sûr qu’il faut lever le confinement, et laisser les gens vivre une vie normale.
Pour ce qui est du vaccin, on peut demander des pass sanitaires dans les lieux publics. C’est une façon indirecte d’obliger les gens à se faire vacciner, et c’est le seul moyen de revenir à une vie normale.