Le wali d’Oran, Saïd Saayoud, a dénoncé des pratiques malsaines dans l’immobilier dans sa wilaya et ce de la part de « ceux qui font du business du foncier public au détriment de la vie des Algériens ».
Le wali a répondu à diverses doléances lors d’une rencontre mercredi 5 avril avec des associations locales.
Parmi les sujets abordés figurait la question du foncier public récupéré suite à la démolition de vieux immeubles dans le cadre des opérations de relogement.
Parmi les participants ayant pris la parole lors de cette rencontre, un représentant de l’association Ness El Khir, a interpellé le wali sur ce sujet.
« Monsieur le wali, je veux soulever un sujet sensible qui nous inquiète. Il concerne le foncier à Oran. Tout le monde sait que dans le passé, les terrains récupérés suite aux démolitions du vieux bâti sont accordés à des promoteurs privés. Pour l’intérêt général, nous souhaitons que ces assiettes foncières soient plutôt affectées aux projets publics, au bénéfice de la société en général ».
Le wali d’Oran demande alors à cet intervenant d’être précis: « Qui bénéficie de ces terrains ? Donnez-moi des noms ». Le chef de l’exécutif de la capitale de l’ouest algérien pointe ensuite du doigt les propriétaires des immeubles démolis.
« Ce sont des particuliers qui vendent leurs biens aux promoteurs privés. Il n’y a que 5 ou 6 immeubles démolis qui appartenaient à l’OPGI. Tout le reste des immeubles démolis appartenaient à des particuliers qui les ont vendus aux opérateurs privés », affirme le wali.
Said Sayoud poursuit en affirmant que l’Etat « n’a jamais vendu de biens fonciers à quiconque. » « Ni moi, ni mes prédécesseurs anciens walis, n’avons vendu de terrains publics. Je vous mets au défi de me citer un seul cas où l’État a vendu un terrain à un privé. Citez-moi un seul cas, je démissionnerais tout de suite et je rentrerais chez moi », met-il au défi.
Devant la demande insistante du wali adressée à l’intervenant pour qu’il soit précis, ce dernier reste encore vague. Le chef de l’exécutif enchaîne alors : « Aucun fonctionnaire n’a vendu un bien immobilier ou n’a participé ni de loin ni de près à la vente d’un bien public. J’ai mené des enquêtes. Ceux qui vendent sont des propriétaires privés (…) 90% des propriétaires d’immeubles dans le vieil Oran sont des particuliers qui vendent aux promoteurs ».
Immobilier à Oran : le wali révèle des faits gravissimes
Sur sa lancée, le premier responsable de la capitale de l’ouest de l’Algérie a fait une série de révélations.
« Un jour, je suis allé au quartier Les Castors avec ma propre voiture. J’ai trouvé une tranchée au milieu de la voie publique. J’ai alors ordonné une enquête. Il s’est avéré qu’une femme a acheté un vielle bâtisse qu’elle a démoli sans permis de démolition et elle a construit sans permis de construire. Tout cela a été fait parce qu’elle a payé », accuse le wali d’Oran.
Sur sa lancée, le premier responsable de la wilaya d’Oran cite encore un autre exemple et dénonce des faits gravissimes. Il s’agit de l’effondrement lundi 13 mars d’un immeuble vétuste dans le quartier du Plateau. Une femme et un enfant avaient été extraits vivants des décombres.
Le drame a été évité de justesse et le wali avait accusé un promoteur, qui a démoli un immeuble mitoyen, d’être à l’origine.
« Le récent effondrement d’un immeuble au quartier Plateau est dû au fait qu’un voisin a terrassé en profondeur. Alors que ceci est grave, aucun habitant de cet immeuble ne s’est pourtant plaint parce qu’ils ont été payés. Il y a ceux qui font du business au détriment de la vie des algériens ».
Lors de cet effondrement, le wali avait accusé un promoteur immobilier d’être à l’origine de cet incident.
Le premier responsable de la capitale de l’Ouest algérien ne s’arrête pas là. Il pointe du doigt des pratiques malsaines dans le secteur de l’immobilier à Oran.
« Sachant que l’Etat s’apprête à reloger les habitants, certains propriétaires vendent leurs immeubles pour bénéficier à la fois du relogement des familles et de la démolition gratuite des immeubles », accuse-t-il.
Le chef de l’exécutif de la wilaya d’Oran revient à la charge pour inviter l’intervenant qui a pris la parole à apporter des preuves et des précisions pour pouvoir prendre les décisions qui s’imposent.
« Ce que vous avez comme informations mérite que je vous invite à une séance de travail sur ce sujet. Mais vous devez être précis. Certains cherchent à coller de mauvaises étiquettes aux fonctionnaires de l’État. Nous sommes innocents. Le jour où vous aurez des preuves que j’ai donné un terrain récupéré suite à la démolition d’un immeuble, je déposerai ma démission et j’ouvrirais une enquête sur moi-même », lance le wali.
M. Saayoud revient encore à la charge sur ce sujet. « Nous ne sommes pas venus pour faire du business au détriment de la vie des Algériens. Il y a un particulier qui a acheté un immeuble menaçant ruine, et qui a obtenu un registre de commerce. Personne n’a dénoncé cela », déplore-t-il.
« Personne ne me fait peur car je suis du côté du droit »
Le chef de l’exécutif de la wilaya d’Oran remonte dans le passé pour faire un rappel sur l’ampleur des pratiques malsaines dans l’immobilier dans la deuxième plus grande ville d’Algérie.
« Lors des premières opérations de relogement, les immeubles qui ont été évacués n’ont pas été démolis alors qu’ils menaçaient ruine. D’autres immeubles en revanche n’ont pas été réhabilités alors qu’ils étaient classés dans la catégorie vert 2 et orange 3 », regrette le wali.
Et ce dernier de poursuivre : « Ceux qui ont des dossiers et des preuves de malversations sont les bienvenus. Ils seront protégés. Nous mettrons à leur disposition tous les moyens humains et matériels pour dénoncer des faits contraires à la loi. Les maires et les chefs de daïra présents ici dans cette salle ne sont complices ni de près ni de loin ».
M. Saayoud fait d’autres révélations concernant d’autres pratiques: « Oran compte 1200 promoteurs immobiliers agréés. Mais il y a aussi ceux qui activent sans agrément. Certains ont construit des immeubles R+18 alors qu’ils n’ont pas d’agrément de promoteur. J’ai déjà annulé un projet d’un particulier à qui j’ai dit que l’État n’est pas obligé de donner des terrains publics aux promoteurs. Je ne suis pas contre les promoteurs, mais je considère qu’ils n’ont qu’à acheter des terrains auprès du privé ».