Il y a un peu plus d’une année, ce n’était pas encore le Hirak mais les premiers « dégage » fusaient déjà dans les stades. Le peuple ne voulait pas de Rabah Madjer à la tête de l’équipe nationale de football.
L’affaire était sportive, mais avec beaucoup d’arrière-pensées politiques. Pour le public, Madjer n’était pas nommé au poste pour ses compétences de coach qu’il n’a du reste jamais étalées ailleurs. Beaucoup y ont vu la main de ce qu’on appellera plus tard la Issaba, le clan Bouteflika.
L’ancienne star du football algérien n’avait jamais caché son soutien au président, participant activement à ses campagnes électorales tant en Algérie qu’à l’étranger.
A tort ou à raison, on a prêté au ministre de la Jeunesse de l’époque, El Hadi Ould Ali, la paternité de son intronisation en octobre 2017 en remplacement de l’Espagnol Lucas Alcaraz. En mars, le même Ould Ali était soupçonné d’avoir poussé vers la porte le puissant président de la Fédération, Mohamed Raouraoua, pour imposer un nouveau bureau fédéral.
Le problème n’était pas tant cette immixtion du politique dans le sportif, du reste monnaie courante depuis des décennies, que le manque de références de Rabah Madjer dont la carrière d’entraîneur se limitait à deux fiascos à la tête de la même équipe nationale et un passage éphémère dans un petit club du Golfe.
Entre octobre 2017 et juin 2018, on assistera à un prélude du grand soulèvement du 22 février 2019. Dans les stades et les cafés, sur les réseaux sociaux et les plateaux télé, Madjer est unanimement décrié. Après plusieurs défaites en amical, le président de la Fédération Kheireddine Zetchi finira par céder en juin. Rabah Madjer est limogé et le peuple obtient sa première victoire. Commence alors une autre bataille pour la désignation d’un nouveau timonier.
Alors que Zetchi voulait un « grand nom », le peuple, lui, en connaisseur, avait fait son choix : Djamel Belmadi. Ancien international, le franco-algérien avait malgré son jeune âge (42 ans) déjà fait ses preuves sur les bancs, notamment au Qatar où il a collectionné les titres tant avec les clubs qu’avec la sélection du petit émirat.
Pour la FAF, c’était un choix imposé par la pression de la rue et surtout par défaut, les « grands noms » approchés ayant tous décliné l’offre. Dix mois plus tard, le jeune coach mène les Verts jusqu’en finale de Coupe d’Afrique, une première depuis 29 ans. Surtout, l’équipe a toutes les chances de soulever le trophée vendredi prochain.
Le métier et la très forte personnalité de Belmadi ont fait la différence. Le succès de l’équipe nationale est certes la victoire des joueurs et du staff, mais c’est aussi celle du peuple qui a su imposer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. On se hasarderait à dire que sans la montée au créneau du public, Madjer serait toujours à la tête des Verts.
Survenant en plein mouvement populaire, cette épopée vient conforter tous ceux qui battent le pavé chaque vendredi pour exiger un changement radical, donc la fin de pratiques qui ont empêché le pays d’avancer dans tous les domaines, la cooptation, l’exclusion, les passe-droit, l’allégeance comme critère premier sinon unique pour toute nomination.
C’est la victoire du peuple, du patriotisme vrai, de la transparence et de la compétence… C’est celle de l’unité et de la communion nationales, avec des joueurs issus de l’émigration, du championnat local, de toutes les régions du pays, mais solidaires comme un seul homme. La leçon de cette belle réalisation n’est pas compliquée à tirer : le peuple ne se trompe jamais. Et pas qu’en football…