À partir du 22 février 2019, tout le peuple algérien s’est retrouvé dans sa diversité et ses démembrements, de l’est à l’ouest et du nord au sud. Il s’est levé comme un seul homme, un poing à la face du régime, pour rejeter le 5ème mandat de Bouteflika et exiger... Lire la suite
À partir du 22 février 2019, tout le peuple algérien s’est retrouvé dans sa diversité et ses démembrements, de l’est à l’ouest et du nord au sud. Il s’est levé comme un seul homme, un poing à la face du régime, pour rejeter le 5ème mandat de Bouteflika et exiger la chute du Système. Cette force tranquille et pacifique appelle de tous ses vœux une Algérie libre et démocratique qui saura reconnaître l’ensemble de ses enfants dans la vie et la justice. Jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, enfants se sont retrouvés dans la rue et toutes les villes du pays, marchant au même pas et au même rythme, libérant leur souffle, une colère longtemps contenue.
Ses pancartes, dessins et écriteaux, tout aussi originaux les uns que les autres, ne disent pas seulement leurs frustrations, le déni et l’étouffement que le peuple subit depuis septembre 1962, le coup d’état de l’armée des frontières qui a confisqué sa Révolution, mais ils parlent aussi et surtout du projet de société qu’ils souhaitent pour eux et leurs enfants.
Le Pouvoir, à sa tête Abdelaziz Bouteflika, ses frères et ses hommes liges, qui ont édifié une république de copains et de coquins, est resté sourd et muet à cette clameur qui, tous les jours, submergeait le palais.
Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont marché et marchent encore, dans un même mouvement et un même souffle. Pendant six semaines, six vendredi de suite, plus d’un mois, le président, sa fratrie et leurs porte-voix se sont emmurés dans le silence, répondant par le mépris et le reniement à cette « masse » longtemps considéré par eux comme une populace insignifiante. Ils n’ont pas voulu écouter et entendre cette force tranquille et pacifique qui manifestait sa désapprobation. Mais…, ils ont entendu la force brutale, le bruit de bottes des militaires à leur porte, celle qui les a portés au pouvoir. En moins de deux heure, le 2 avril 2019 au soir, le président Bouteflika, aussi ministre de la défense nationale, fait semblant de démissionner, alors qu’il est démis par la menace et l’invective par son vice-ministre, Gaïd salah, également chef d’état-major.
Cette destitution s’est effectuée dans un climat de lutte intestine entre clans rivaux digne de la « Camorra » italienne. Le vieux général a sommé la « bande de malfaiteurs » de déguerpir d’El-Mouradia sans tergiverser et vite ! Ce à quoi les Bouteflika ont obtempéré sans rechigner, montrant par cela qu’ils ne comprenaient que le langage de la force brutale, celle qui les a portés aux plus hautes fonctions et qui vient de les démettre.
C’est par un coup de force, et non pas le suffrage universel, que Bouteflika a été porté au pouvoir en 1999, c’est par un coup de force renouvelé qu’il a été reconduit en 2004, puis en 2009, après le viol de la constitution, c’est par la force qu’il a été maintenu en 2014 et qu’il a voulu repasser en avril 2019, un vrai Roi. Il est normal qu’il n’écoute pas le peuple qui n’a jamais compté pour lui et qu’il a abusé depuis 20 ans par ses mensonges et ses fourberies. Seule la force brutale dont il connait l’efficacité pouvait le déloger de l’olympe.
Maintenant, il ne faut pas se tromper. Ceux qui croient que GaId salah veut sauver le pays se foutent le doigt dans l’œil. Il a seulement pris Saïd Bouteflika et son clan de vitesse, car ils voulaient le descendre par un décret présidentiel. Si Gaïd a sacrifié ses copains qu’il a d’ailleurs servi avec fidélité jusqu’au bout, s’aventurant même à menacer le peuple au début des manifestations pour soutenir Fakhamatouhou, il ne lâchera jamais le système qui lui confère le pouvoir, Il voudra le sauver pour se sauver lui-même, il ne va pas scier la branche sur laquelle il est assis. Le commandement militaire a aussi ses ripoux et ses « affairistes » qu’il ne va pas s’aventurer à démettre pour les envoyer devant les tribunaux. C’est maintenant que les choses se compliquent.
C'est en fait lui le plus gros morceau, si le clan des Bouteflika avait le pouvoir politique et était habilité à parlementer avec le peuple, Gaïd Salah, lui, non..., et pourtant c’est le seul interlocuteur qui reste. Maintenant, la rue aura sûrement à affronter une force brutale, perverse et silencieuse. Quoi faire et comment ? Ce sont les questions de l'heure. Provocations, arrestations, bastonnades, manœuvre et coups fourrés commencent déjà à se faire sentir… C’est maintenant que le combat commence, le vrai.
Le militaire a toujours été derrière le pouvoir et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va se conformer aux principes de la Soummam. Le recours à l’article 102 et son imposition par le commandement militaire consacre la continuité… dans la continuité ! La nomination de Ben Salah à la place de son promoteur, le maintien du gouvernement Bedoui et du conseil constitutionnel de Belaïz, sont loin d’être innocents. Ce qui vient d’être ainsi confirmé par le chef d’état-major, en visite à Oran, le 10 de ce mois d’avril : « Il est irraisonnable de gérer la période de transition sans les institutions qui organisent et supervisent cette opération, et ce, au regard des conséquences découlant de cette situation qui pourraient compromettre tout ce qui a été réalisé depuis l’indépendance à ce jour, en termes d’acquis et de réalisations qui demeurent la fierté des générations. »
Comment remettre en cause le pouvoir militaire et le système qui demeurent pour lui un acquis et une réalisation irremplaçables aux regards des générations, ces mêmes générations qui les dénoncent aujourd’hui dans la rue ?
Dans tous les cas Gaîd Salah et le commandement militaire sont aux premières loges et décident qu’on le veuille ou non de la nature de la transition et des modalités de son déroulement. L’armée qui disait se tenir loin du politique est en plein dedans, suivant une idéologie, et entend imposer sa volonté coûte que coûte. Gaïd Salah justifie sa position contradictoire à la volonté du peuple par… la volonté du peuple ! Il dit : « Je voudrais en cette occasion rappeler de nouveau que je me suis engagé personnellement à soutenir le peuple en cette étape cruciale et de me tenir à ses côtés, en dépit des voix qui s’élèvent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, exaspérées par la forte cohésion entre le peuple et son Armée. » Toute opposition est de fait considérée comme inacceptable. Il menace même les Algériens d’un éventuel état d’exception au cas où ils ne voudraient pas se conformer à leur solution constitutionnelle et légaliste selon eux.
Le peuple algérien en son temps a bouté dehors le colonialisme français et la 4ème puissance militaire mondiale. Il peut par conséquent, et sans effusion de sang, avec sa mobilisation, sa détermination et son sourire, foutre dehors ce colonialisme intérieur et son état-major militaire. Sa victoire est inéluctable. Le pacifisme, il faut le savoir depuis Gandhi, est une arme redoutable, et cette force immense et tranquille viendra à bout de toutes les épreuves. Ce n’est pas à Gaid Salah et à sa force brute et brutale de décider du destin d’un peuple aussi grand et magnifique.