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L’effondrement du pétrole place le gouvernement face à des choix difficiles

L’effondrement du pétrole place le gouvernement face à des choix difficiles

Le prix du baril poursuit sa chute. Il est tombé ce lundi 9 mars à moins de 35 dollars. Cette forte baisse des prix pétroliers est-elle de nature à remettre en cause les options économiques du gouvernement ?

Pour le moment, le dernier Conseil des ministres, réuni hier dimanche 8 mars, n’apporte aucune information supplémentaire dans ce domaine et ne fait aucune mention de la crise financière à laquelle pourrait faire face notre pays dans les mois à venir.

Dans leurs interventions récentes, le président de la République et son Premier ministre s’étaient montrés très confiants à propos des perspectives financières pour notre pays

A l’occasion de sa première rencontre avec des médias de la presse nationale, le chef de l’État avait estimé que « la situation financière du pays n’est pas critique, comme cela a été le cas ces deux dernières années, il y a une certaine amélioration. Les recettes fiscales augmentent et il y aura d’autres mesures ».

Très optimiste, le président de la République affirmait en outre que « le dinar connait à présent un frémissement et nous avons même une légère stabilité des réserves de change, nous espérons la voir consolider à la fin de ce trimestre ».

Dans la même veine, le premier ministre Abdelaziz Djerad avait assuré à l’occasion de la présentation du programme de son gouvernement devant les députés, qu’« il existe énormément de possibilités qui s’offrent à l’Algérie lui permettant de réunir beaucoup d’argent ». Abdelaziz Djerad indiquait en outre que « nous avons de l’argent qui existe en Algérie qui peut être récupéré à travers les réformes des systèmes bureaucratiques, de la fiscalité et des banques ».

Face aux interrogations des parlementaires sur les moyens de financer un programme qui comporte beaucoup de dépenses et annonce peu de recettes nouvelles, Abdelaziz Djerad avait notamment affirmé que son équipe s’attellera à diversifier les ressources financières du pays « par l’augmentation de l’efficacité du recouvrement fiscal, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ainsi que la révision du système des avantages fiscaux ».

La chute brutale des cours pétroliers, qui s’annonce durable si on en juge par les analyses d’experts publiées au cours des derniers jours dans la presse nationale et étrangère, risque désormais de contredire l’optimisme des responsables algériens et de fausser tous les calculs de l’Exécutif.

Vers une dévaluation du dinar ?

Les conséquences les plus immédiates devraient concerner les prévisions du gouvernement en matière de recette budgétaires. La chute actuelle des prix pétroliers devrait rendre fortement caduques les prévisions du gouvernement qui sont en réalité basées sur un prix de marché de 60 dollars en 2020.

Le déficit du budget de l’État évalué de façon très « conservatrice » à un peu plus de 7% du PIB et 1550 milliards de dinars devrait être sensiblement plus élevé que prévu. Une situation d’autant plus préoccupante que le déficit réel des comptes publics était déjà en réalité supérieur à 11% du PIB si on tient compte de la contribution de l’État au financement des retraites (700 milliards de dinars de déficit prévu en 2020).

Il est encore difficile pour le moment de savoir comment réagira le gouvernement qui n’était manifestement pas du tout préparé au scénario actuel.

On peut cependant prévoir que, pour des raisons politiques évidentes, il ne renoncera certainement pas à la concrétisation des promesses du président Tebboune en matière d’amélioration du pouvoir d’achat des revenus les plus faibles et de réduction de la charge fiscale.

L’impact de la suppression de l’IRG sur les salaires inférieurs à 30.000 dinars a déjà été évalué à 90 milliards de dinars par les services du ministère des Finances. On ne connait pas encore celui d’une augmentation du SMIC à 22 000 dinars ni celui de l’abandon de la taxation au réel des revenus des professions libérales.

Pour éviter un gonflement considérable du déficit budgétaire qui pourrait dans un tel cas de figure dépasser largement 15% du PIB compte tenu des nouveaux prix pétroliers, la parade la plus simple pour les autorités économiques algériennes pourrait donc consister dans une dévaluation progressive du dinar.

Cette dernière mesure, bien qu’elle soit en contradiction avec les engagements du président Tebboune, ne semble néanmoins pas faire partie d’un « noyau dur » de la doctrine présidentielle. Elle aurait l’avantage évident de gonfler les recettes budgétaires en dinars en ayant un double impact à la fois sur le niveau de la fiscalité pétrolière et sur les revenus versés au Trésor par la Banque d’Algérie.

À noter qu’une telle démarche présenterait en outre l’avantage de ne pas être du tout tributaire de l’adoption d’une Loi de finances complémentaire et pourrait être engagée dès les prochains mois si la détérioration durable de la situation du marché pétrolier devait se confirmer.

Une accélération de la fonte des réserves de change

Les perspectives alarmantes annoncées pour le marché pétrolier pourraient également avoir des répercutions très négatives sur nos équilibres financiers extérieurs. Elles ont en particulier de fortes chances de compromettre les espoirs de stabilisation du montant des réserves de change « vers la fin du premier trimestre 2020 » exprimés par le président Tebboune lors de ses premières interventions publiques.

Au cours des derniers jours, beaucoup de spécialistes n’hésitaient plus à envisager le scénario d’un baril à 45 dollars en moyenne en 2020. Il entraînerait une baisse de près de 10 milliards de dollars de nos exportations en les ramenant autours de 25 milliards de dollars cette année contre 35 milliards de dollars en 2019 et 41 milliards en 2018.

Ce scénario désormais envisageable pourrait gonfler le déficit commercial et celui de la balance des paiements en portant ce dernier au-dessus de 25 milliards de dollars à la fin de l’année en cours.

Les conséquences dans ce domaine pourraient être doubles. La première serait une accélération de la fonte de nos réserves de change qui pourraient s’approcher dangereusement de la barre des 30 milliards de dollars dès la fin de l’année en cours compte tenu de la ponction supplémentaire de 3 à 4 milliards de dollars représentée par la mise en œuvre du droit de préemption sur les actifs pétroliers cédés par les associés de Sonatrach.

Un resserrement du calendrier de l’ajustement économique

Une deuxième conséquence de la chute actuelle des prix pétroliers pourrait être encore plus importante. Elle concerne la question très sensible de la mise en œuvre des réformes économiques préconisées depuis de nombreuses années par la quasi-totalité des experts nationaux.

Au cours d’une de ses dernières interventions publiques, le chef de l’État assurait que « les réformes économiques ne sont pas ajournées, nous y travaillons ». Il ajoutait aussitôt que dans ce domaine « il n’y a pas de marge d’erreur possible. J’ai demandé aux ministres de l’Industrie et du Commerce d’organiser une rencontre nationale sur la nouvelle économie pour un changement de mentalités dans la gestion des banques en vue de parvenir à une économie fondée sur des bases solides ».

À demi-mots, le président Tebboune indiquait clairement que de nouveaux délais sont nécessaires et que rien ne sera décidé vraisemblablement au cours des une ou deux années qui viennent qui devaient être consacrées à la réflexion et au dialogue, à travers notamment l’organisation de nombreuses « assises nationales ».

Les déclarations du président de la République sur l’épineuse question de la réforme des subventions étaient à cet égard tout à fait révélatrices. Pour Tebboune, « ce débat est prématuré, mais il faut cependant ouvrir le débat et étudier les expériences d’autres pays »

Le chef de l’État ajoutait qu’ « il faudrait, peut être dans un premier temps, réduire ce soutien graduellement de 20%, toutefois la question nécessite des études précises. Tous ces mécanismes sont à la portée de nos institutions ».

Conclusion : le gouvernement était appelé à prendre son temps. Abdelmadjid Tebboune en était apparemment persuadé « Durant les deux prochaines années, il n’y aura pas de problèmes pour ce qui est du financement des transferts sociaux, mais il faut trouver une solution et combattre le gaspillage car je considère qu’accorder une subvention à un milliardaire est injuste et constitue par la même un gaspillage ».

La nouvelle donne sur les marchés pétroliers pourrait, dans ce domaine aussi, bouleverser les certitudes des dirigeants algériens. En rapprochant fortement les échéances d’un épuisement programmé des réserves financières du pays, elle risque de resserrer le calendrier pour un Exécutif qui ne dispose sans doute plus désormais des « deux années » sur lesquelles il comptait voici encore quelques semaines.

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