La campagne électorale pour les législatives du 12 juin s’est achevée mardi 8 juin avec des meetings en majorité tenus dans la capitale. Les candidats devront s’astreindre à un silence électoral en attendant le jour J.
Cette kermesse électorale inédite et à rebondissements s’est achevée sur une polémique provoquée par le président du parti El Binaa, Abdelkader Bengrina.
Bengrina et la Kabylie
Ce dernier s’est attaqué lundi 7 juin à la Kabylie et à tamazight qu’il a désignée par le mot « chose ». Cette sortie a provoqué une vive réaction des internautes qui ont dénoncé le racisme de Bengrina désormais abonné aux provocations.
| Lire aussi : Tamazight et la Kabylie : le grave dérapage de Bengrina – Vidéo
En s’attaquant à la Kabylie, le chef d’El Bina sait bien qu’il n’a rien perdre au plan électoral, puisque cette région n’est pas son fief, et que ses candidats n’ont aucune chance d’y obtenir des voix.
La sortie étrange de Bengrina est l’une des facettes d’une campagne électorale où les dérapages verbaux ont fait florès et dont la Toile s’est largement fait l’écho.
A défaut de se distinguer par un discours électoral au niveau de l’enjeu que représente le scrutin, de nombreux candidats encartés ou indépendants ont fait preuve d’une indigence et d’une absence de culture politique flagrantes. Venus les épauler, les chefs de partis engagés dans la bataille ont brillé par leurs discours farfelus et leurs promesses irréalisables.
Les vrais sujets qui préoccupent les Algériens, comme la baisse du pouvoir d’achat, le chômage, la détérioration du cadre de vie dans les villes et villages du pays, le manque d’eau potable, la situation catastrophique du système sanitaire ont été ignorés, sinon abordés d’une façon superficielle.
Cette indigence en matière de discours politique s’est manifestée par des déclarations confinant à l’insulte et au sexisme comme le chef du parti Al Hokm Al Rached (littéralement bonne gouvernance), Belhadi Aissa, qui a qualifié ses candidates de « fraises sélectionnées ».
On est aussi frappé par certaines questions posées à l’occasion notamment de conférences de presse des chefs de partis. Comme ce journaliste-modérateur qui demande le plus sérieusement à Abdallah Djaballah s’il pouvait renoncer un jour à sa barbe.
« Jamais, sauf à être contraint (sous la menace) », réplique le chef du parti Al Adala. Les sorties burlesques des candidats aux législatives ont inspiré la génération 2.0 qui s’en est donnée à cœur joie pour tourner en ridicule des chefs de partis qui tentent tout pour se faire remarquer.
Faut-il négocier avec les oligarques en prison ?
Au milieu de la légèreté des discours produits, une polémique est née d’une divergence de vues sur la façon de traiter les oligarques emprisonnés et la manière de récupérer l’argent dilapidé sous le règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.
Deux visions se sont opposées par meetings interposés, entre d’une part le chef de file de Jil Jadid, Soufiane Djilali et le président du MSP, Abderrazak Makri, et de l’autre le président Al Moustakbal, Abdelaziz Belaïd.
Si M. Djilali s’oppose catégoriquement à toute négociation qualifiée d’« immorale » avec ces hommes d’affaires, M. Makri prévient qu’une démarche dans ce sens équivaudrait à « recycler la mafia » comme d’autres pays en ont fait l’expérience.
Makri met en garde contre le « chantage » que pourraient exercer les oligarques : leur libération contre la restitution des deniers dilapidés. A l’opposé, M. Belaid s’y déclare franchement pour, le but étant, selon lui, de récupérer au moins une partie de l’argent volé.
La campagne électorale pour les législatives a également suscité des inquiétudes des experts de la santé dès lors qu’en pleine pandémie de covid-19, les mesures sanitaires (port des masques et distanciation physique) ont été foulées aux pieds par les partisans des différents acteurs politiques lors de leurs meetings.
L’Autorité de surveillance des élections (ANIE), a été interpellée par des journalistes sur les dérapages des différents candidats et sur le non-respect des mesures barrières.
Son président Mohamed Charfi a estimé que seuls les électeurs sont à même de juger les candidats sur la base de leurs discours et leurs programmes.
| Lire aussi : Les islamistes peuvent-ils prétendre à une majorité à l’APN ?
Les mesures sanitaires bafouées
S’agissant des mesures barrières, l’instance a rappelé qu’un protocole sanitaire avait été élaboré pour la circonstance mais n’a interpellé les réfractaires que verbalement.
Pourtant, l’ANIE avait menacé d’annuler tout meeting qui ne satisfait pas des exigences sanitaires. En revanche, on n’a pas entendu l’ANIE s’exprimer au sujet des candidats sans visages sur les listes électorales.
Enfin, la grande inconnue à l’occasion de ces législatives, le troisième scrutin depuis l’avènement du Hirak en 2019, demeure le taux de participation, surtout que le spectre de l’abstention est fortement redouté.
Durant les 19 jours qu’a duré la campagne électorale (20 mai-8 juin), le constat est implacable : les meetings électoraux n’ont pas attiré les grandes foules, et le scrutin n’a pas suscité le débat citoyen.
S’agissant de la configuration de la prochaine APN, des observateurs politiques prévoient qu’on aura affaire à une Assemblée nationale hétérogène sans majorité absolue. L’un des facteurs qui fondent cette assertion est que les candidats indépendants sont plus nombreux que ceux qui se présentent avec une étiquette politique.