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Législatives en France : trois jours avec un bénévole d’origine algérienne

Législatives en France : trois jours avec un bénévole d’origine algérienne

La campagne pour le second tour des élections législatives en France, qui prend fin ce vendredi à minuit, est animée. L’enjeu est grand : l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Partout des citoyens, dont ceux issus de l’émigration algérienne, participent à la campagne électorale. TSA a suivi un bénévole, Mouloud*.

Mardi

Je rejoins Mouloud, un jeune retraité qui nous a donné rendez-vous à la gare du Nord (Paris). Après un café, direction le siège de La France Insoumise (LFI), le parti de Jean-Luc Mélenchon, près de la gare de l’Est.

Il a besoin de récupérer un paquet de 1.000 tracts. Sur les lieux, un camion décharge deux palettes. Nous jetons un coup d’œil, ce sont des paquets de tracts au nom du Nouveau Front Populaire (NFP).

Sur le trottoir, un petit groupe patiente. Le nom de la ville de Rouen revient plusieurs fois. Mouloud leur demande pourquoi. « On va aller en bus jusque-là bas soutenir un candidat du Nouveau Front Populaire », lui répond-on.

« Rouen? Trop loin pour nous. On préfère tracter sur Paris », rétorque Mouloud à qui un bénévole lance : « Alors revenez à 15h, traditionnellement on forme des groupes et on va tracter en banlieue ».

Le camion parti, nous entrons dans le siège en précisant à un responsable que nous venons chercher une commande de « matériel militant » faite sur le site de LFI. Il revient avec le paquet en question. Mouloud le soupèse puis lance : « Est- ce que je pourrais en avoir un deuxième? ».

Nous ressortons avec les deux paquets. Entre temps le petit groupe pour Rouen s’est étoffé et  compte une cinquantaine de bénévoles. Direction place de Clichy dans le 17 ème arrondissement de Paris.

L’idée est d’y rejoindre des bénévoles rencontrés la veille et qui ont conseillé à Mouloud de participer aux opérations de distribution de tracts selon le planning mis en ligne sur le site « 5 jours pour gagner ».

Il s’agit d’un site proposant des boucles WhatsApp permettant à des bénévoles d’un même lieu d’entrer en contact. À la sortie du métro Blanche, nous découvrons le célèbre Moulin Rouge en travaux, l’occasion de prendre une photo.

Sur place, les tracts sont distribués aux passants ou glissés dans les boîtes aux lettres des immeubles. Il s’agit de soutenir la candidate Europe Ecologie Les Verts (EELV) Léa Balage El Mariky.

Déjà 12h30, pause casse-croûte puis café. À nouveau distribution des tracts dans les boîtes aux lettres. Mouloud consulte sur son portable la carte de la circonscription. À une rue près, on est dans le 18ème arrondissement où Aymeric Caron de LFI a déjà été élu au premier tour et où il ne sert donc à rien de distribuer des tracts.

15 heures sonnantes, retour au siège LFI. Un groupe de bénévoles prend la direction de Meaux, nous les rejoignons.

Mouloud, m’explique qu’à Meaux, il s’agit de soutenir la candidate LFI Amel Bentoussi. Cette figure de la lutte contre les violences policières est arrivée en première position contre le candidat du Rassemblement national (RN).

Régis Sarazin, le candidat LR s’est désisté mais sans appeler à contrer le RN. Cela fait bondir Mouloud qui trouve immonde le fait de ne pas appeler à faire barrage au RN.

Il me fait découvrir l’intervention sur la matinale France-Inter de Marine Tondelier la patronne du parti Europe Ecologie Les Verts en expliquant : « Elle avait les larmes aux yeux d’indignation en rappelant au micro que Bruno Le Maire, l’actuel ministre de l’Economie, restait sur le même type de position sans volonté de faire barrage à l’extrême droite ».

Arrivée en gare de Meaux, un militant local nous y attend. Deux groupes sont rapidement formés, un pour le centre-ville et un autre vers la périphérie.

Nous choisissons la périphérie et cherchons le bus conduisant au quartier de la Grosse Pierre. Arrivés sur place, nous y retrouvons Yannis entouré d’un groupe de bénévoles.

Il nous explique la situation politique à Meaux puis par petits groupes, paquets de tracts en main, nous montons les escaliers des immeubles pour faire du « porte à porte » pour rencontrer les habitants.

En début de soirée, fin de l’opération. Tous les groupes se retrouvent pour un café. Certains en profitent pour échanger leurs numéros de téléphone. Mouloud indique qu’il est prêt à revenir le lendemain.

Mercredi

Le lendemain, arrivés en gare de Meaux, nous rejoignons une rue commerçante du centre-ville pour une nouvelle distribution de tracts en compagnie de bénévoles dont de vieux militants rompus à la vie politique locale.

En centre-ville, l’accueil est différent de la périphérie. Si la plupart des passants acceptent de prendre les tracts qui leur sont tendus, quelques personnes les refusent et certains invectivent même les bénévoles.

Des échanges plus apaisés avec des passants indiquant vouloir ne pas voter pour les candidats du Nouveau Front populaire (NFP), coalition des partis de gauche dont fait partie LFI,  ont cependant lieu où il ressort des arguments divers : refus de l’immigration, antisémitisme supposé de la gauche, où insécurité.

On entend parfois les mêmes mots proférés par les dirigeants du RN dans les médias. C’est le cas à propos du keffieh palestinien arboré par Rima Hassan aux côtés de Jean-Luc Mélenchon le soir des résultats du premier tour des législatives2024, dimanche 30 juin. Un passant qui se dit partisan du RN lance : « Et l’autre qui avait cette écharpe autour du cou », allusion à Rima Hassan.

Des contrevérités matraquées et 100 fois répétées dans certains médias proches de l’extrême-droite. 

À la longue, elles impriment la mémoire de certains, comme c’est le cas de ces petits villages de l’Aisne où le RN caracole à 60% alors qu’il s’effondre dans les villes.

Le président du RN Jordan Bardella est passé maître dans ce type de manipulation de l’opinion. À ce petit jeu, tout y passe : le voile, le Hamas, Jean-Luc Mélenchon qualifié d’antisémite alors que le RN est le continuateur du Front national de Jean-Marie Le Pen qui affirmait que les chambres à gaz étaient « un détail de l’histoire ».

Retour en gare du Nord en ce début de soirée. À chaque entrée de la gare, des bénévoles distribuent les tracts du NFP. Mouloud passe devant eux le pouce levée et leur lance : « Bravo, bon courage » ce qui lui vaut des sourires de ces bénévoles dont certains font leur première arme.

Jeudi

Devant la gare de l’Est, ce matin c’est au tour des militants du syndicat CGT de distribuer des tracts. Ils sont partout, à côté du grand escalier qui mène vers la gare du Nord, mais aussi devant la sortie principale. Sophie Binet, la patronne de ce syndicat a clairement lancé un appel contre la menace du RN.

Sur le trottoir, une syndicaliste explique à une jeune collègue : « ils nous ont demandé de ne pas distribuer dans l’enceinte de la gare car c’est interdit, mais là on a le droit ».

Dans le métro sous la gare, à nouveau des militants CGT qui distribuent des tracts à proximité des portillons. À côté d’eux, un bénévole du NFP, paquet de tracts en main, harangue les usagers pressés qui filent vers les quais.

À nouveau rencontre avec Mouloud à l’heure du casse-croûte. Il raconte sa matinée aux Batignolles à proximité de la station Pont Cardinet qui dessert le nouveau palais de justice.

Il est ravi d’avoir pratiquement distribué les 2.000 tracts qui étaient en sa possession, et remplit des dizaines de boîtes aux lettres dans les halls d’immeubles.

L’après-midi devrait être consacré à se joindre aux bénévoles locaux dont il a le programme grâce à la boucle WhatsApp.

Vendredi

En début de matinée, Mouloud m’informe par SMS qu’il va retourner à Meaux.

Sur le site « 5 jours pour gagner », la boucle WhatsApp consacrée au 17ème arrondissement bruisse des échanges entre bénévoles. Lauréline demande si « il reste beaucoup de tracts pour demain? ». Antoine répond en avoir : « je peux vous en donner à la station Pont Cardinet si vous voulez ».

Aïcha s’excuse de devoir quitter la boucle à cause de ses obligations professionnelles, car elle « n’aura plus l’occasion de tracter avant la fin de la campagne » mais elle se réjouit de cette expérience : « cela permet de construire un réseau, une force, des liens qui resteront dans la suite ».

Plus qu’un jour pour contrer le Rassemblement National. La campagne électorale officielle prend fin ce vendredi 5 juillet à minuit pour laisser le temps de la réflexion avant d’aller voter le dimanche.

*Les prénoms ont été changés

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