La chercheuse franco-algérienne Yasmine Belkaid est inquiète. Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde ce jeudi 4 juillet, la directrice de l’Institut Pasteur s’alarme des conséquences de l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir sur les binationaux et la recherche scientifique en France.

Cette éventualité peut devenir une réalité dimanche 7 juillet à l’issue du second tour des législatives françaises. Le premier tour a été remporté par le Rassemblement national (RN, ex-Front national), le parti fondé par Jean-Marie en 1972 avec des nostalgiques de l’Algérie française.

« Aujourd’hui, j’ai peur de perdre ce qui m’a fait choisir la France », a écrit Yasmine Belkaid dans sa tribune .

C’est la première qu’une scientifique franco-algérienne de de haut rang prend position publiquement et clairement sur la situation politique en France, en évaluant presque avec précision les conséquences de l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir sur plusieurs domaines, y compris sur son propre avenir en France.

Le RN aux portes du pouvoir en France : le message Yasmine Belkaid

Dans son texte, l’immunologiste commence par un rappel important, celui du combat de son défunt père Aboubakr Belkaid pour l’indépendance de l’Algérie et de la démocratie.

« Quand j’ai pris la décision de revenir en France, en 2024, pour diriger l’Institut Pasteur, j’ai d’abord pensé à mon père, Aboubakr Belkaid, Algérien, combattant de l’indépendance algérienne et militant de la démocratie ».

Militant pour l’indépendance de l’Algérie et pour la démocratie, plusieurs fois ministres, Aboubakr Belkaid a été assassiné par des terroristes en septembre 1995 à Alger.

Yasmine Belkaid, qui assume sa double nationalité franco-algérienne, explique son choix de revenir en France pour diriger l’Institut Pasteur en 2023. Elle confie que la France lui apparaissait comme « l’un des derniers refuges, voire l’un des derniers remparts contre le repli sur soi, la haine de l’autre et l’indifférence au sort des plus faibles. »

Pour elle, les « principes » qui ont défini la France, et qui font encore sa « grandeur dans le monde », sont aujourd’hui « menacés ».

Poursuivant, elle cite nommément le Rassemblement national et le Front national avant lui qui « n’ont cessé d’attaquer les idéaux qui fondent notre identité collective. »

Méthodiquement, Yasmine Belkaid dévoile le véritable visage du Rassemblement national que des médias en France tentent de banaliser dangereusement par tous les moyens au risque de pousser la France dans l’abîme.

« Devenir étrangère dans son propre pays » :

Le Rassemblement national et avant lui le Front national « combattent toutes les formes de diversité, en stigmatisant les étrangers et en proposant de restreindre leurs droits, mais aussi en s’opposant aux avancées pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ou les droits des minorités sexuelles et de genre », assène Yasmine Belkaid qui est comme tous les binationaux notamment Maghrébins dans le collimateur de l’extrême-droite.

Le président du RN Jordan Bardella et Marine Le Pen ont confirmé qu’ils limiteraient l’accès à certains postes aux binationaux notamment maghrébins.

Yasmine Belkaid ne se lève pas uniquement pour dénoncer le programme du RN sur l’immigration et les binationaux. Elle alerte aussi sur la « menace sans précédent » pour la « recherche scientifique » en cas d’accession au pouvoir de l’extrême-droite.

Pour la chercheuse, une possible arrivée du Rassemblement national au pouvoir est une « perspective aussi triste qu’inquiétante. » Une telle éventualité « porterait directement atteinte à ce qui me fait aimer la France, depuis toujours, et qui m’a fait la choisir, de nouveau, pour y ­vivre et m’engager », lâche Yasmine Belkaid.

Elle ajoute qu’une France dirigée par le RN renforcerait, en elle « comme en beaucoup d’autres ici, l’impression d’être étrangère dans mon propre pays et la crainte d’y devenir, du fait de mes origines et de mon autre nationalité, moins Française que d’autres. »