La carte des forces en présence lors des élections législatives du 12 juin prochain commence à se dessiner.
Samedi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a sans surprise opté pour le boycott à l’issue d’une session de son conseil national.
Pour le parti de Mohcine Belabbas, il n’y a rien à attendre de cette « nouvelle tragi-comédie électorale » que le pouvoir « s’apprête à jouer » « sur fond fait de répression, de maintien en prison de détenus d’opinion, de restriction des libertés individuelles et collectives et de régression économique et sociale ». La décision a été prise à l’unanimité.
Tout comme celle, similaire, prise par l’ensemble des membres du comité central du Parti des Travailleurs (PT) en début de semaine dernière. Le parti de Louisa Hanoune n’avait pas eu besoin de longs palabres pour opter pour le boycott du scrutin du 12 juin, dont les résultats sont « connus d’avance » et qui entre dans une « tentative malheureuse et misérable de sauver un système obsolète et non réformable », selon les termes de la déclaration qui a sanctionné les travaux de la session du comité central.
Ce sont donc deux des plus importants partis de la mouvance démocratique qui optent pour la non-participation et ce n’est peut-être pas fini. Le Front des forces socialistes (FFS) pourrait leur emboiter le pas dans les prochains jours en dépit de tout ce qui se dit après la rencontre de ses dirigeants avec le président de la République dans le cadre des consultations que celui-ci a initiées. La décision sera prise le 3 avril lors de la réunion de son conseil national.
Même si aucune décision n’est encore prise, Hakim Belahcel, membre de l’instance présidentielle du parti, s’est exprimé ce dimanche dans les colonnes du quotidien El Watan et a tenu à mettre les choses à leur endroit.
« Animé par son sens de la responsabilité et ses devoirs patriotiques envers la nation algérienne, le FFS, éternel fervent défenseur et initiateur des solutions consensuelles, concertées et transparentes, a saisi l’opportunité de cette rencontre, demandée par le chef de l’État, afin d’alerter et de mettre en garde les décideurs actuels sur la gravité de la situation globale du pays et des retombées désastreuses d’entretenir ce statu quo », explique Hakim Belahcel concernant la rencontre qui a fait des vagues jusqu’au sein des structures du parti.
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Un recul par rapport aux précédentes mandatures
La suite des propos du dirigeant du plus vieux parti d’opposition en Algérie laisse déduire que la rencontre ne constitue ni un blanc-seing ni un repositionnement. Encore moins un pas vers la participation aux prochaines élections.
Même s’il s’en tient aux formes en laissant au conseil national le soin « d’arrêter la décision du parti en toute autonomie et responsabilité », Belahcel ne se positionne pas franchement en défenseur acharné de la participation.
Ce qu’il dit laisse même deviner une tendance interne en faveur du boycott : « Les échéances électorales ne peuvent constituer à elles seules, dans un contexte politique, économique et social instable, la voie de sortie de crise. Cette crise doit passer par une solution politique consensuelle entre tous les acteurs politiques sans exclusive. »
Dans le contexte actuel, il sera difficile pour le FFS d’entrer en lice sans s’exposer à de graves déchirements internes. Sauf grosse surprise, il se dirige lui aussi vers un boycott dont la première conséquence sera de fausser les calculs de ceux qui ont tablé sur la « caution démocratique » que sa participation devait apporter au scrutin.
La participation du FFS est primordiale pour le pouvoir pour, d’un côté, éviter un troisième « zéro vote » consécutif en Kabylie où le parti est fortement ancré, et, de l’autre, ne pas se retrouver avec une ligne de départ occupée par les seuls partis qui ont systématiquement pris part à tous les scrutins sous Bouteflika, y compris ses soutiens les plus zélés, notamment ceux de la défunte alliance présidentielle (FLN, RND, Taj).
L’absence des partis de la mouvance démocratique serait même un recul par rapport aux dernières mandatures où l’assemblée présentait malgré tout une pluralité, même de façade.
Et ce n’est pas là le meilleur argument pour convaincre et faire taire le Hirak, principal enjeu du moment. Il subsistera en outre un autre casse-tête et non des moindres : au train où vont les choses, une région entière du pays risque de ne pas être représentée au prochain Parlement. Et ça, c’est plus qu’un recul.