Le feuilleton politique français, lancé par le président Emmanuel Macron en décidant le 9 juin de dissoudre l’Assemblée nationale, n’a pas connu son épilogue à l’issue du premier tour des élections législatives tenues ce dimanche 30 juin.
Il ne fait peut-être même que commencer au vu des premiers résultats diffusés ce dimanche soir. La fin risque d’être une France dirigée par l’extrême-droite ou une France ingouvernable et une situation ouverte sur tous les scénarios.
Les sondages n’ont pas été démentis. Le Rassemblement national (RN) et les alliés ont eu précisément ce qui était attendu, environ 34% des voix, le nouveau Front populaire aussi avec ses 29% des suffrages.
Score historique pour le RN, la gauche revient de loin et défaite du camp Macron
La défaite aux européennes du 9 juin du camp centriste du président Macron est aussi confirmée dans les mêmes proportions, entre 19 et 20%, de même que celle de la droite traditionnelle, représentée par un parti des Républicains morcelé et qui n’a pas dépassé la barre des 10% ce dimanche.
Avant même de connaître la suite, ce vote est déjà historique. Jamais dans l’histoire de la République française l’extrême-droite n’a été portée aussi proche du pouvoir par un vote populaire.
On le sait maintenant avec certitude, le tiers des Français sont acquis au programme de ce courant, pour ne pas dire à ses idées. Dans une semaine, l’éventualité de l’accession au pouvoir du parti fondé par Jean-Marie Le Pen il y a un demi-siècle, longtemps considérée comme impensable, pourrait devenir une réalité.
Mais on n’en est pas encore là. Dans un scrutin uninominal à deux tours, les chiffres dévoilés ce dimanche soir ne signifient rien pour le contrôle du gouvernement, tant c’est le nombre de sièges remportés qui compte et non le taux de voix obtenues. Tout se jouera au second tour, le 7 juillet.
Les mêmes sondages qui ont vu juste pour l’issue des européennes et de ce premier tour des législatives, s’accordent tous à dire que le parti dirigé par Jordan Bardella arrivera en tête en termes de sièges mais presque aucun ne lui prévoit la majorité absolue que le même Bardella avait avancée comme un préalable pour diriger le gouvernement.
France : la petite phrase d’Emmanuel Macron qui pourrait tout changer
On peut dire que le RN a reçu une bonne et deux mauvaises nouvelles ce dimanche. La bonne c’est évidemment son arrivée en tête pour la première fois aux législatives.
La mauvaise c’est qu’aucun institut de sondage ne lui promet franchement la majorité absolue. Enfin, la pire, c’est la petite phrase prononcée par le président Emmanuel Macron juste après la fermeture des bureaux de vote et la sortie des premières estimations des enquêtes sortie des urnes.
Alors que, pendant la campagne, il a renvoyé dos à dos les “deux extrêmes” que sont le RN et le LFI qui fait partie du NFP qui, selon lui, mènent la France à “la guerre civile”, Macron n’a plus ce dimanche qu’un seul extrême dans le viseur.
Le président français a en effet appelé après l’annonce des scores des uns et des autres à « un large rassemblement » contre le RN, qu’il a nommément cité.
« Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », a appelé le chef de l’État français dans un communiqué.
Ce qui change tout, ou en tout cas qui pourrait tout changer. Le parti des Le Pen est subitement redevenu ce qu’il a cessé d’être ces derniers mois, un parti dangereux qu’il convient à tous ceux qui se réclament de la République de combattre. Concrètement, la petite phrase d’Emmanuel Macron peut s’avérer lourde de conséquences pour la suite du scrutin.
Elle pourrait être un appel du pied à la gauche pour faire front au second tour ou un feu vert à ses propres troupes pour s’engager dans une telle alliance, d’autant que le chef de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a appelé clairement à se désister au profit des candidats en ballotage avec le RN au second tour.
Il s’agit en tout cas d’une porte ouverte sur un tel scénario, comme en a vu et revu en France à chaque fois qu’un Le Pen, père ou fille, est monté au second tour d’une présidentielle pour frapper aux portes de l’Elysée.
Une alliance entre la Macronie et le NFP sera-t-elle pour autant suffisante pour priver le RN de la majorité absolue ? Elle ne garantit rien en effet, tant les sondages donnent ce parti très proche de la moitié des sièges au second tour, mais c’est la seule option qui s’offre à tous ceux qui ne veulent pas de l’extrême-droite au pouvoir. Il convient donc de la tenter.
Mais la suite, l’après-défaite du RN si elle survient, sera encore plus dure. Car hormis la phobie de l’extrême-droite, il est difficile de trouver des affinités entre le président Macron et l’alliance de gauche, elle-même constituée dans l’urgence par un conglomérat de partis qui divergent plus qu’ils ne s’entendent.
Avec ou sans le RN au gouvernement, l’inquiétude demeure quant à la gouvernabilité de la France pendant les trois ans qui restent du mandat d’Emmanuel Macron.
Surtout il restera le plus gros enjeu : comment enrayer cette montée inexorable de l’extrême-droite dans la société et dans les urnes de scrutin en scrutin. Sans cela, Macron et tous ceux qui se réclament du camp républicain n’auront fait que repousser l’échéance.