Le fait n’a pas échappé aux observateurs de la scène politique algérienne. Amara Benyounes n’a pas lancé un appel à un cinquième mandat pour l’actuel locataire du Palais d’El Mouradia, faisant ainsi faux bond à ses partenaires politiques traditionnels comme l’UGTA, le RND, FLN, l’ANR ou encore TAJ qui ont tous montré patte blanche et prié le président Bouteflika de briguer un autre bail à la tête de l’État algérien.
Pourquoi le MPA, lui, traine le pas ? « Nous avons soutenu le président Bouteflika pour le quatrième mandat (en 2014). Laissons ce 4e mandat se terminer et laissons le président de la République prendre sa décision en son âme et conscience et en son intimité la plus profonde », s’est expliqué M. Benyounes, dans des déclarations faites à TSA.
Autrement dit, c’est encore trop tôt pour prendre une position sur le 5e mandat, non sans insinuer que des parties dont il n’a pas précisé l’identité veulent forcer le président à rempiler. « Personne ne doit forcer la main et ne doit obliger le président à se représenter pour un autre mandat (…) ».
Une chose est sûre, Amara Benyounes ne compte pas se positionner sur la prochaine échéance électorale avant d’avoir « toutes les informations » sans pour autant écarter l’éventualité de sa propre candidature aux prochaines présidentielles. Avec cette sortie, M. Bounyounes donne l’air d’être sérieusement habité par le doute quant à la pertinence, voire à la possibilité tout court d’une candidature de Bouteflika pour un 5e mandat. Fini donc les temps de l’alignement aveugle en faveur de Bouteflika. L’heure est à la temporisation et aux calculs.
Par le passé, Amara Benyounes ne manquait pourtant aucune occasion pour faire ostensiblement montre de sa loyauté et de son soutien envers le président Bouteflika dont il était ministre à sept reprises. On s’en souvient, fin mars 2014 à Lyon en France, lors de la campagne pour la dernière présidentielle, le secrétaire général du MPA qui guerroyait férocement alors avec pourfendeurs de son poulain, souvent raillé par les opposants pour son incapacité physique à gouverner, avait commis une phrase qui passera à la postérité. « J’ai rencontré le président jeudi passé et j’ai confirmé qu’il se porte bien ainsi que son cerveau fonctionne mieux que tous nos cerveaux réunis en particuliers ceux de leurs adversaires qui ne cessent de mettre en doute sa capacité morale à diriger le pays », s’était-il exclamé, tout acquis à la cause de Bouteflika.
Il est vrai que depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et le patron du MPA s’est fait éjecté le 23 juillet 2015 du gouvernement, à l’occasion d’un remaniement ministériel partiel. Et depuis aussi, plus de ministre MPA au gouvernement jusqu’à l’épisode incroyable de mai 2017 avec la nomination éclair de Messaoud Benaguoune comme ministre du Tourisme avant d’être limogé quelques heures plus tard. Du jamais vu dans les annales de la République et une vraie humiliation pour le patron du MPA qui se voit ainsi traîner dans la boue avant de subir, trois mois plus tard, une petite tentative de redressement qui a fait long feu, il est vrai.
N’étant pas au bout de ses peines, Amara Benyounes fera l’objet d’un autre pied de nez avec l’élection à la tête de la commune la plus stratégique de la wilaya d’Alger d’un circonscris de son parti, le très médiatisé Hakim Bettache qui s’est fait réélire, haut la main, comme maire d’Alger-Centre avant de rejoindre, avec armes et bagages, le FLN de Djamel Ould Abbes.
Et, en mai 2018, bis repetita : le président du MPA s’est vu traiter d’Aghyoul (âne en kabyle), la pire insulte pour un Kabyle, par le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes. Le crime d’Amara Benyounes ? Avoir qualifié le forcing du patron du FLN en faveur d’un 5e mandat pour Bouteflika de « surenchère politique » tout en refusant de se prononcer sur la question en promettant de le faire « au moment opportun ».
Les ralliements en cascade des principaux partis et organisations du pouvoir n’ont pas tiré le président du MPA de sa position de “wait and see”. Pire : il s’affiche désormais avec les anti-Bouteflika, en rencontrant, le 15 juillet, et à « sa demande » (la précision est du président du MSP) avec un des opposants les plus farouches au chef de l’État, Abderrezak Makri qui, le 14 juillet, a écarté d’un revers de la main la perspective d’un 5e mandat, en déclarant : « Il y a encore quelques mois, l’éventualité du cinquième mandat se dessinait quasiment clairement, mais plus maintenant. Aujourd’hui, c’est même une option qui s’éloigne au vu des développements de la scène nationale».
Mieux, les deux hommes ont, selon un communiqué du MSP, parlé de l’initiative du MSP dite de consensus national, de la présidentielle de 2019 mais aussi de la transition économique et politique même si, dans ses déclarations à TSA, M. Benyounes a tenu à préciser qu’il « est opposé à toute idée de transition et rejette toute idée de crise ». Précision : en plus d’Amara Benyounes, le président du MSP a rencontré l’ancien Premier ministre et deux fois candidats à la présidentielle, Ali Benflis qui est, c’est de notoriété publique, honni par le chef de l’État et son entourage.
Des faits qui laissent croire qu’Amara Benyounes s’apprête probablement à changer de bord politique, en essayant de se frayer, à moins d’une année de la présidentielle, une petite place dans les rangs de l’opposition avec qui il a pris ses distances il y a 17 ans. Reste à savoir pourquoi le président du MPA cherche à couper les liens avec le navire présidentiel.