Les médias et internautes marocains ne se calment plus depuis que les présidents algérien et mauritanien ont inauguré et lancé jeudi plusieurs projets communs à la frontière entre les deux pays.
Au-delà de ces projets, c’est l’entente entre Alger et Nouakchott qui inquiète au plus haut point le Maroc et ce n’est pas sans raison.
Jeudi 22 février, Abdelmadjid Tebboune et son homologue mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani ont inauguré deux postes frontaliers à Tindouf et lancé les projets de réalisation d’une zone franche et d’une route stratégique devant relier Tindouf, à l’extrême sud-ouest de l’Algérie, à la ville de Zouérate, en Mauritanie, sur une longueur de plus de 800 kilomètres.
Dans certains médias marocains réputés proches du Palais Royal, comme le 360.ma, on spécule sur la « rentabilité » de ces projets, qualifiés d’utopiques et « sans lendemain ».
Le motif de cette inquiétude, il faut le chercher du côté de la conjoncture régionale globale qui entoure le lancement simultané de ces projets.
Il y a quelques semaines, les autorités mauritaniennes ont soudainement imposé une très forte taxation sur les produits marocains, notamment des fruits et légumes, entrant par le passage frontalier d’El Guerguarat, à la pointe sud du Sahara occidental occupé.
À Rabat, la décision est perçue comme le début de la fin de la mainmise des commerçants marocains sur des circuits entiers de l’économie mauritanienne, survenant de surcroît alors que l’Algérie a multiplié les engagements concrets avec ce pays voisin, avec l’ouverture d’une filiale d’Algerian Union Bank fin 2023 et d’une ligne maritime, inaugurée en février 2022.
Néanmoins, ce n’est pas tant l’écoulement de leurs produits qui fait courir les autorités marocaines que ce qui risque de découler de cette bonne entente algéro-mauritanienne.
L’Entente entre l’Algérie et la Mauritanie contrarie les plans du Maroc
Il est évident que le déplacement des deux chefs d’Etat porte un sens. S’ils ont fait de tels trajets, ce n’est pas pour inaugurer un poste frontalier et une route, fut-elle importante, mais pour lancer une nouvelle orientation stratégique qui fera de la Mauritanie une nouvelle route vers l’Afrique de l’ouest et éventuellement une porte sur l’Atlantique pour les pays du Sahel.
La zone franche avec la Mauritanie n’est que la première d’une longue série annoncée le 13 février dernier par le président Tebboune et qui comprend des zones similaires avec la Tunisie et la Libye et surtout avec le Mali et le Niger.
Contrairement à ce qui se dit au Maroc, le projet n’est pas utopique. L’Algérie a les moyens financiers de le mettre en œuvre et la Mauritanie a tout à gagner en permettant sa concrétisation.
Le projet, en fait, tue dans l’œuf celui, effectivement utopique, de faire du Sahara occidental occupé un passage vers l’Atlantique pour les pays enclavés du Sahel et qui n’a d’autre objectif que de contrer la route Transsaharienne, réalisée par l’Algérie et déjà fonctionnelle sur tout le territoire algérien.
En décembre dernier, le Maroc a accueilli à Marrakech les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, auxquels il a fait miroiter une « alliance stratégique » axée sur un passage terrestre vers l’Atlantique.
Il n’est pas certains que les pays du Sahel y croient un instant car le projet marocain nécessite la réalisation, en plein désert, de 7.000 kilomètres de routes pour commencer.
L’utopie est précisément là. Le Maroc, et encore moins les Etats du Sahel, n’ont pas les moyens pour financer ne serait-ce que l’ébauche d’un tel projet qui, en plus, nécessite la pleine coopération de la Mauritanie, nonobstant les considérations juridiques liées au Sahara occidental occupé et les problèmes techniques liés à la construction de cette route.
Le pays d’El Ghazouani est la clé de voûte de tous les plans marocains dans la région et, naturellement, toute bonne entente entre Nouakchott et Alger est perçue comme une menace à Rabat.
En plus de la route vers l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, le Maroc est sur un autre projet d’envergure sans autre objectif que de contrarier le déploiement de l’Algérie.
Il s’agit du projet de gazoduc Nigeria – Maroc, élaboré alors qu’Alger et Abuja ont tout finalisé pour la concrétisation du Nigal, un gazoduc devant acheminer le gaz nigérian vers l’Europe via le territoire algérien. Là aussi, le passage par la Mauritanie est incontournable pour le Maroc.
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